Main tendue à Alger : le roi du Maroc, Mohammed VI, persiste et signe

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C'est par un appel sans détour à ses « frères d'Algérie » que Mohammed VI a ouvert son discours du trône, ce 29 juillet. « Notre attachement inébranlable à la politique de la main tendue […] procède de l'intime conviction que nous portons en nous quant à l'unité de nos peuples », a martelé le souverain chérifien. Une déclaration lourde de sens, dans un climat géopolitique crispé, à onze mois d'échéances électorales majeures. Mais, loin de s'enfermer dans les joutes intérieures, le roi a choisi de hisser le drapeau du dialogue régional en ciblant directement Alger.

Malgré une Algérie arc-boutée sur sa posture de rupture, et une France empêtrée dans une glaciation diplomatique persistante avec les deux capitales maghrébines, Rabat campe sur une ligne stratégique : ouvrir le dialogue sans céder un pouce sur la question du Sahara. Mohammed VI persiste dans une posture ferme, mais ouverte, misant sur une « solution sans vainqueur ni vaincu ». Un message à double détente, adressé autant à ses voisins qu'à ses alliés occidentaux – alors que le plan d'autonomie marocain engrange des soutiens.

Rabat n'instrumentalise pas la brouille franco-algérienne. Mais elle avance à son rythme, selon sa propre horloge diplomatique. Et, dans cette séquence à haute charge symbolique, le roi choisit de tendre la main, même dans le vide. Comme pour signifier qu'au Maghreb l'impulsion ne viendra ni de Paris ni d'Alger, mais de Rabat.

Une main tendue dans un Maghreb fracturé​

Tandis que les canaux restent gelés avec Alger, la relation franco-marocaine, elle, connaît un net redressement. Une « lune de miel diplomatique », comme le soulignait récemment Le Journal du dimanche. À contre-courant d'une diplomatie régionale souvent bloquée, Rabat et Paris misent sur un rapprochement concret. Sécurité, migration, économie : les fondations sont solides.

Depuis l'automne 2023, le climat d'apaisement entre les deux capitales s'est renforcé. En 2024, il s'est mué en un partenariat assumé. Le geste du président Macron, le 30 juillet 2024, a contribué à rétablir un lien de confiance politique au plus haut niveau. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, connaît les lignes rouges de Rabat sur le Sahara.

En mai 2025, un message fort est envoyé depuis Laâyoune. Rémy Rioux, patron de l'Agence française de développement, y annonce un investissement de 150 millions d'euros dans les provinces du Sud. Un appui clair au plan d'autonomie marocain salué à Rabat mais qui n'a pas contribué à détendre l'atmosphère avec Alger.

Les synergies techniques suivent. Selon une source marocaine, la coopération migratoire est redevenue « fluide et constructive ». Les préfets français travaillent désormais étroitement avec les consulats marocains.

Sur le terrain sécuritaire, la relation n'a jamais connu de rupture. Rabat parle d'une « évidence opérationnelle », fruit de décennies de coordination. L'économie n'est pas en reste : Veolia, Stellantis et Renault accompagnent les grandes ambitions marocaines. Usine géante de dessalement à Rabat, doublement du site de Kénitra, extension du TGV : les projets se multiplient.

L'année 2025 s'annonce comme une étape charnière. La Haute Commission mixte franco-marocaine, gelée depuis 2019, doit se tenir à l'automne. Elle fera le point sur les 41 accords signés lors de la visite d'État d'octobre 2024. Une visite de Mohammed VI en France serait aussi envisagée, à l'invitation du président Macron, d'ici à la fin de l'année en cours.
 

Entre isolement algérien et dynamique diplomatique marocaine​

Si Rabat et Paris avancent à grands pas, le même élan ne se retrouve pas à l'est. La main tendue du souverain marocain à l'Algérie, réitérée chaque année depuis 2021, n'a rencontré aucun écho. Le canal bilatéral reste fermé. Aucun ambassadeur algérien n'est en poste à Rabat. Le gel des relations est total. Le roi, pourtant, continue de s'attacher à la politique de la main tendue. Une constante rappelée encore dans le discours du trône de 2025. Mais Alger campe sur une ligne inflexible, aggravée par sa proximité avec le Front Polisario.

Dans ce climat figé, les tensions prennent d'autres canaux. Dernier épisode en date : en avril 2025, une vaste cyberattaque a visé des institutions clés du royaume. La base de données de la Caisse nationale de sécurité sociale a été ciblée par un collectif de hackers se revendiquant d'Algérie. Plus de 2 millions de données personnelles auraient fuité sur Telegram, dans ce que Rabat qualifie de « cybercriminalité à motivation géopolitique ». Ces attaques sont survenues le jour même de la réaffirmation par Washington de sa reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Pour le gouvernement marocain, le timing ne relève pas du hasard.

En réalité, le Sahara reste la principale pomme de discorde entre Rabat et Alger. Alors que le Maroc y contrôle la majeure partie du territoire, l'Algérie soutient depuis des décennies le Front Polisario, qui réclame un référendum d'autodétermination resté lettre morte depuis l'accord de cessez-le-feu de 1991. Le discours du trône vient réaffirmer ainsi la position de Rabat : une solution politique durable, sous souveraineté marocaine, fondée sur le plan d'autonomie. Plus de 116 pays soutiennent aujourd'hui l'initiative marocaine, soit plus de 60 % des États membres des Nations unies. 85 % des pays de l'ONU ne reconnaissent pas la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Tandis que 30 pays ont réaffirmé leur position en faveur de la marocanité du Sahara. Parmi eux, 22 États membres de l'UE, ainsi que les 6 membres du Conseil de coopération du Golfe.

Le basculement s'accélère en Europe. Après les soutiens explicites de l'Espagne, de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France, le Portugal a récemment qualifié le plan marocain de base « sérieuse, crédible et constructive ». Ce soutien a été formalisé à Lisbonne par le ministre portugais des Affaires étrangères, en présence de Nasser Bourita.

Depuis octobre 2024, la France a réitéré à trois reprises son soutien au plan d'autonomie marocain, appui symboliquement renforcé par l'annonce de 150 millions d'euros d'investissements de l'AFD dans les provinces du Sud. Rabat assume une trajectoire singulière : celle d'une stabilité revendiquée, adossée à une diplomatie constante, mais de plus en plus inscrite dans un rapport de force régional renouvelé.

 
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