Un billet sur l'article du Monde proposant une conférence internationale à Paris pour régler la question du Sahara.
(Billet 816) – Conférence sur le Sahara ? La France ne peut être la solution car elle est le problème
« Le conflit du Sahara occidental s’impose à nous »… C’est le titre d’une tribune signée par un collectif d’universitaires, d’historiens, de sociologues et de journalistes, parue dans le Monde. L’approche est nouvelle et inédite, prônant pour la première fois une « conférence internationale » qui se tiendrait à Paris, sous supervision internationale, et qui devrait conduire le Maroc et l’Algérie à rapprocher leurs points de vue, en renonçant à l’idée d’un vainqueur et d’un vaincu. L’idée est originale, mais infaisable car cette conférence de Paris serait, 120 ans après, un remake de la Conférence d’Algésiras, celle du dépeçage du Maroc.
Ce qu’il y a d’intéressant au premier abord, ce sont deux éléments clairement énoncés pour la première fois : que la France endosse une responsabilité historique dans ce conflit, et que ce dernier oppose le Maroc et l’Algérie. Exit l’idée d’un peuple sahraoui, ou d’un problème de décolonisation, même si le terme est employé une fois dans le texte. Mais les auteurs prônent un règlement arabe, africain et européen, excluant de facto les Nations Unies qui sont saisies de ce dossier depuis un demi-siècle ; or l’UE est trop impliquée, la ligue arabe n’est pas concernée et l’UA peu fiable. Le Maroc, principale partie concernée, s’en est remis à l’ONU, des résolutions ont été votées, et l’approche diplomatique ne doit pas sortir de ce cadre onusien.
La seconde idée intéressante est que les Européens commencent à prendre conscience que la question du Sahara « s’impose » à l’Europe, et que le Vieux Continent, confronté à de nombreux problèmes, aurait tout intérêt à trouver une solution à ce conflit qui le concerne tant pour l’énergie algérienne que pour la sérénité et, si possible, la prospérité sur son flanc sud. Une prise de conscience européenne est nécessaire, eu égard à la proximité géographique et à l’influence française sur l’Algérie militaire.
Face à la proposition du collectif, d’autres remarques doivent être faites :
1/ Logique vainqueur/vaincu. L’Algérie veut s’imposer au Maroc et lui imposer une solution, et si cette conférence se tient, c’est dans l’objectif de trouver une solution consensuelle. Toutefois, comme la Catalogne pour l’Espagne, les îles Falkland pour le Royaume-Uni, la Corse pour la France ou encore le Tibet pour la Chine, le Sahara n’est ni négociable pour le Maroc ni pouvant faire l’objet d’un quelconque consensus. Et ce n’est pas parce qu’il est moins puissant que les pays cités que le Maroc devrait être traité autrement, auquel cas on reviendrait à la logique vainqueur/vaincu que les auteurs disent vouloir dépasser.
2/ Démocratisation de l’Algérie. Ce dont la région a vraiment besoin, c’est que les militaires algériens partent et cèdent leur place à un pouvoir civil. C’est aussi simple que cela. Ils maintiennent le pays sous cloche, répriment toute volonté d’action et musellent toute velléité de réflexion. Ils entretiennent cette rente mémorielle dont a parlé Emmanuel Macron dans un rare moment de sincérité et de lucidité. La politique des dirigeants algériens est entièrement tributaire de la haine qu’ils vouent au Maroc, lequel ne cesse de leur tendre la main, tout en gardant une arme dans l’autre, car on ne sait jamais. L’Algérie, et avec elle le Maghreb, ont raté la phase Boudiaf puis l’intermède du hirak ; il faudra attendre une troisième occasion pour voir peut-être l’instauration d’un Etat civil en Algérie, ainsi que le demandent les Algériens eux-mêmes.