LE SYSTÈME JUDICIAIRE NE PRÉSENTE PAS ENCORE LES GARANTIES NÉCESSAIRES AUX INVESTISSEURS
Le système judiciaire marocain constitue une véritable entrave au climat des affaires, alors que les investisseurs se préoccupent de plus en plus de sécurité juridique. Si le gouvernement tente d'agir depuis 2010, le problème de la justice est ancestral au Maroc. Dans la mentalité marocaine, un bon jugement s'obtient… en payant le juge. Une source informée admet : "Pour le dire d'une phrase : le corps de la justice est pourri jusqu'à la moelle".
Les praticiens admettent qu'il existe ici une crise statutaire de la justice. Si dans la Constitution tous les ingrédients d'une bonne justice sont sagement alignés, dans les faits la justice n'est pas indépendante.
La justice marocaine est lente et les magistrats corrompus. Il s'agit en fait d'un résultat du " contrat social ". Les juges sont nommés par le roi… et rendent la justice au nom du roi. Si le mode de nomination peut sembler prestigieux, le revers de la médaille est que l'autorité politique peut dire au juge : "Voilà ce que veut Sa Majesté, il ne vous reste qu'à l'appliquer". Et pour que les magistrats soient aux ordres, le pouvoir ferme les yeux sur leurs malversations. Donnant, donnant. Les magistrats restent donc généralement impunis en dépit de leurs malversations avérées.
Baudouin Dupret et Jean-Noël Ferrié, Directeurs de recherche au CNRS, expliquent ainsi l'ampleur du défi : "Obtenir que la corruption cesse, c'est […] s'attaquer à un équilibre complexe et collaboratif. C'est prendre en compte à la fois la rémunération des fonctionnaires, le motif de leur dévouement au régime, les raisons de la crainte qu'ils inspirent, l'attitude des citoyens comme la conception qu'ils se font du rapport à l'administration, et plus largement, du civisme. En d'autres termes, il faut mobiliser durablement différentes catégories d'acteurs de l'action publique. Ce n'est jamais aisé parce que la stabilité des gouvernants est souvent tributaire d'immobilismes impliquant de ne pas malmener trop de monde, notamment parmi les agents de l'Etat, qui assurent, chacun à leur place, la stabilité du système, à défaut de nécessairement assurer le règne de l'Etat de droit. Dans un régime comportant une part d'autoritaire, il est difficile au souverain de prendre ce risque puisqu'il profite paradoxalement de l'immobilisme contre lequel il lutte." En attendant, les moyens ne manquent pas pour se débarrasser d'un magistrat qui gênerait les "petits arrangements" : suspension, promotion, déplacement dans une juridiction crée spécialement… Faut-il alors s'étonner que la justice marocaine souffre d'une crise de crédibilité auprès des justiciables et plus largement de l'opinion ? "Le divorce est total. Les juges ne sont pas crédibles", constate un Marocain.