“marocanologues”

thitrite

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Ils ont lu quelques livres sur le pays, écrit une thèse sur un sujet extrêmement ténu, enrobé tout cela d’une sauce idéologique hostile au pays qu’ils étudient et voilà! Eux, ils savent et nous, nous ne savons rien…

L’autre jour, à l’université d’Amsterdam, je m’étonnais que certains de mes collègues “marocanologues” (c’est ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes) se permettent de disserter longuement du Maroc en ma présence, sans jamais me demander mon avis. L’un d’eux m’assena:


- Et alors? C’est ton pays natal? Ce n’est pas un argument!


J’en suis resté baba.

Ce n’est pas un argument!


Etre né dans les lumières de l’Oriental avec le chergui comme bain de baptême ; avoir associé les premières couleurs, les premières senteurs avec les mots de la darija à Kénitra (souvenir d’une crue majestueuse du Sebou…) ; avoir grandi entre l’antique Azemmour, au bord de l’Oum er-Rbi’, et El Jadida; être allé, dans cette ville, cent fois pêcher dans le port avec des cannes en jonc (souvenir d’une pêche miraculeuse, une soixantaine de petits poissons frétillant dans le seau…) ; avoir été circoncis à Essaouira, la ville de ma mère (donc la mienne aussi…) ; avoir fréquenté des écoles primaires à Kénitra et El Jadida; avoir suivi, adolescent, la Marche Verte en direct, heure par heure, à la radio, à la télé ; avoir donc éprouvé la ferveur populaire de cette année-là ; avoir dirigé, plus tard, une mine de phosphates, côtoyé pendant des années des ouvriers venus des quatre coins de l’Empire (quel “marocanologue” peut-il en dire autant?), observé comment lesdits ouvriers marocains peuvent travailler dur et bien – comme des Japonais – pourvu qu’on les paie correctement et qu’on les respecte ; avoir été attaqué un jour par une bande de petits singes malicieux dans l’Atlas (quelle rigolade !) ; avoir mangé de la viande de chameau avec des nomades dans le désert – indigestion carabinée – et avoir pu bavarder paisiblement avec eux, dans leur langue…


Ce n’est pas un argument !
 

thitrite

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Avoir lu Naciri, Guennoun, Mokhtar Soussi, Lahbabi, Ghellab, Guessous, Berrada, Al-Jabri, Abdallah Laroui (et avoir pu parler pendant des heures avec lui, au cours des ans…), Tozy, Ennaji (la liste est interminable…) et tous les romanciers ; avoir mangé du “saïkok” à l’aube, au milieu de rudes Doukkalis, mes compatriotes ; avoir entendu ma grand-mère maternelle maugréer en tachelhit contre les maquignons du marché de Sidi-Bennour ; avoir exercé clandestinement et sans diplômes le noble métier d’infirmier pendant un mois, à Boulaouane ; avoir été invité deux fois à déjeuner par Abraham Serfaty, du côté de Mohammédia ; avoir été amoureux, à l’âge tendre, d’une beauté berbère d’Agadir, d’une R’batie hautaine, d’une Sahraouie à Marrakech, d’une Casaouie à la langue bien pendue ; avoir mangé mille versions de t’rid (également connu sous le nom de r’fissa – je dis cela pour déclencher une polémique gastronomique sans fin) ; avoir gravement discuté percussions avec des jeunes du côté de Zagora ; avoir vibré avec l’illustre Azoulay devant le podium endiablé du festival Gnaoua ; connaître mille injures en darija (sans jamais les employer) ; être capable de réciter “Lghzal Fatma” en imitant la voix de feu Haj Toulali ; s’être baigné dans (presque) toutes les plages du Royaume…


Ce n’est pas un argument !


… et les mariages auxquels j’ai assisté (l’un d’eux s’est terminé par un pugilat généralisé) ; et les interminables discussions sur la religion, où le malencontreux Ibn Taymiyya était convoqué en compagnie de l’ambigu Ghazali et du grand Ibn Roshd ; et les blagues (les “noukates”) qui révèlent autant d’un peuple que des traités de sociologie…


Ce n’est pas un argument !

Tout cela ne compte pas, aux yeux de certains de ces marocanologues (il y a, heureusement, des exceptions). Ils ont lu quelques livres sur le pays, écrit une thèse sur un sujet extrêmement ténu («le cours des pastèques au souk de Berrechid entre 1913 et 1917») , enrobé tout cela d’une sauce idéologique hostile au pays qu’ils étudient et voilà !

Eux, ils savent et nous, nous ne savons rien…

Par Fouad Laroui
 
A

AncienMembre

Non connecté
le texte est sympa mais j'ai ressenti un petit malaise, si on a pas lu ces bouquins, qu'on est pas allés à l'école à Knitra et Jadida et qu'on est pas tombé amoureux d'un rbati à l'âge tendre mais d'un turc )), on est qd même marocains ou pas ??

humour off il a raison et j'ai honte aussi de parler du maroc comme si j'y avais vécu toute ma life alors que j'ignore tant de choses..
 

Pop586

Weld che3b ou biiikhérr !!
VIB
le texte est sympa mais j'ai ressenti un petit malaise, si on a pas lu ces bouquins, qu'on est pas allés à l'école à Knitra et Jadida et qu'on est pas tombé amoureux d'un rbati à l'âge tendre mais d'un turc )), on est qd même marocains ou pas ??

humour off il a raison et j'ai honte aussi de parler du maroc comme si j'y avais vécu toute ma life alors que j'ignore tant de choses..

Si, on reste des marocains quand même. Mais son idée était plus ou moins de décrire son pays, l'humeur et l'ambiance qui y règne.

Le Maroc reste beau après tout.
 

h_meo

lien France Palestine
VIB
J'ai vécu une belle partie de ma vie au Maroc, la plus dure mais aussi la plus belle .... vécu beaucoup de choses ... je dis bien vécu et non "lu" ou "su" ... ce qu'on y dit et fait le jour, ce qu'on y dit ou fait la nuit, ... les valeurs décalées dans toutes leurs nuances et les racines profondes qu'elles ont ... les non dits et les malentendus... les fiertés et les soumissions ... J'ai aussi vécu autant d'années loin du Maroc .. cela a permis de relativiser .. prendre recul de la distance ... et qui d'entre nous qui a vécu les deux n'a pas amendé et révisé ses pensées ..... on prends compte que l'absolu d'avant n'est que circonstances, parcours et chemins vers des vérités plus ou moins tangibles .... si du haut de tout cela je dis aujourd'hui que beaucoup de personnes, qui n'ont fait que lire ou éfleurer la société Marocaine dans tout ce qu'elle a d'apparent et de superficiel, EN SAVENT plus que moi sur le MAROC ou certains aspects ou régions du Maroc ..
je ne connais pas le sous et je le regrette
je ne connais pas le désert et je le regrette
je ne connais pas le droit tribal de ma propre région
je ne maitrise pas l'amazigh et c'est mon plus grand regret ..

Théodore Monod en sait plus sur le désert et les tribu nomades qui y vivent que nous tous
 
mais est ce qu ils connaissent très bien le Maroc ou bien pour y avoir passé kk jours semaines ou mois ils se prennent pour des marocanologues.
 
rajoutez à çà que la plupart des maroconologues ne parlent pas, n’écrivent pas et ne connaissent pas les langues du Maroc (Arabe, Dialectal, Berbère) ...

des parfaits analphabètes au Maroc et qui ne parlent souvent que leur langue : le Français ....
 

Arijj

Good things come to those who wait.
VIB
Même les gens qui vivent dans une région du Maroc ne savent pas tout sur les autres régions ou même sur leur propre région ; s'ils ne font pas de profonde investigation et n'ont pas la curiosité nécessaire pour découvrir et explorer; alors comment des gens qui n'ont vécu que quelques jours sauront davantage?
 

h_meo

lien France Palestine
VIB
Vivre dans une société ou en faire partie peux se résumer à partager un quotidien ... tu ne fais pas forcément une analyse introspective de la société avec les outils sociologique... c'est pour cela qu'un Marocanologue peut se targuer d'avoir une connaissance des mécanismes et codes qui régissent de ta société mieux que toi :) Lui il en a fait le catalogue ..
 

Pop586

Weld che3b ou biiikhérr !!
VIB
J'ai vécu une belle partie de ma vie au Maroc, la plus dure mais aussi la plus belle .... vécu beaucoup de choses ... je dis bien vécu et non "lu" ou "su" ... ce qu'on y dit et fait le jour, ce qu'on y dit ou fait la nuit, ... les valeurs décalées dans toutes leurs nuances et les racines profondes qu'elles ont ... les non dits et les malentendus... les fiertés et les soumissions ... J'ai aussi vécu autant d'années loin du Maroc .. cela a permis de relativiser .. prendre recul de la distance ... et qui d'entre nous qui a vécu les deux n'a pas amendé et révisé ses pensées ..... on prends compte que l'absolu d'avant n'est que circonstances, parcours et chemins vers des vérités plus ou moins tangibles .... si du haut de tout cela je dis aujourd'hui que beaucoup de personnes, qui n'ont fait que lire ou éfleurer la société Marocaine dans tout ce qu'elle a d'apparent et de superficiel, EN SAVENT plus que moi sur le MAROC ou certains aspects ou régions du Maroc ..
je ne connais pas le sous et je le regrette
je ne connais pas le désert et je le regrette
je ne connais pas le droit tribal de ma propre région
je ne maitrise pas l'amazigh et c'est mon plus grand regret ..

Théodore Monod en sait plus sur le désert et les tribu nomades qui y vivent que nous tous


L'essentiel, c'est de sentir cette présence spirituelle dans ton esprit et une appartenance physique dans ton pays (au moins quand tu y résides pour les vacances). Le regret que tu exprimes n'est guère mis en oeuvre, bien au dela de ton ressenti, cela n'exclut pas ton amour envers tes racines, ton Maroc.
 
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