Marseille : la délicate opération de lutte contre les rodéos urbains dans les quartiers Nord

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« Qui a déjà fait des roues arrière ? » La majorité de la quinzaine d’élèves en Terminale Métiers de la sécurité au lycée de l’Estaque, dans les quartiers Nord de Marseille, lève la main. « A plus de deux ? », interroge Hakim Benhamel, expert en sécurité routière. Même scène. « Moi, je l’ai fait derrière quelqu’un, ça compte ? », lance une jeune fille. « C’est les filles aussi qui incitent à lever, rouspète son camarade. Moi, elle veut que je la lève, je la lève ! » « Et vous allez travailler dans la sécurité, ironise Hakim Benhamel. Et bah, on n’est pas venu pour rien… »

Toute la journée, des dizaines d’élèves de cet établissement ont suivi un stage de sensibilisation aux risques des rodéos urbains, organisée par la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, face à la prégnance de ce phénomène dans le département. « Une année, récemment, sur quinze jours, on avait eu cinq morts en roue arrière », rappelle Hakim Benhamel.

S’entraîner à Plan-de-Campagne​

Et de demander : « Est-ce qu’il y en a qui vont à Plan-de-Campagne s’entraîner ? » Au fond de la classe, un élève lève le doigt. « Moi, j’ai déjà vu des flics qui m’ont contrôlé et qui après, sont repartis en roue arrière », fanfaronne un autre. « Ouais, moi, je vais sur le parking du cinéma, mais pour voir ! », lance un troisième.

« Mais n’importe qui peut traverser au milieu de la route, rappelle l’expert en Sécurité routière. Vous pouvez tomber sur votre sœur avec son bébé dans la poussette. » « Mais Monsieur, vous avez déjà cabré, même quand vous étiez jeune, disons il y a quinze ou vingt ans ? », s’étonne un élève, taquin, dans son polo rouge. « Jamais, car je sais les conséquences que cela peut avoir », répond Hakim Benhamel.

« Les amener à les faire réfléchir »​

« L’idée, c’est de les amener à les faire réfléchir, confie l’expert en Sécurité routière. On est là pour faire une amorce au changement ; en utilisant leur vocabulaire, leurs expériences, et en essayant de les toucher avec les émotions. »

Et pour cela, les formateurs du jour n’hésitent pas à user d’arguments chocs… et qui s’avèrent plutôt convaincants. A la demande d’Hakim Benhamel, un élève en CAP Agent de sécurité s’assoit sur une chaise, et simule un Y. « Qu’est-ce qui se passe en cas de chute ? Quelles parties peuvent être touchées ? » Quelques minutes de réflexion plus tard, le jeune homme en survêtement noir lâche : « Ça tape dans les parties intimes. On peut se faire un ligament ! » « Tu demanderas donc à ton meilleur pote de se dévouer auprès de ta future femme tous les soirs. On te mettra deux boules en plastique pour l’esthétique et un tuyau pour faire pipi. »

Dans l’atelier de la classe d’à côté, consacré à la répression, le ton est nettement moins badin. « Les rodéos urbains sont un délit, passibles d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, rappelle à la classe un policier. Si c’est en réunion, à deux ou trois, c’est deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. »
 
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