Médecine psychédélique : des résultats « stupéfiants »

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Traiter certaines pathologies de l’esprit ou du comportement avec des « drogues » semble irrationnel. Mais c’est la notion de drogue elle-même qui doit être reconsidérée quand leur efficacité est constatée et que leur usage bien encadré s’avère sans risques.

Du 19 au 24 avril, se tient à San Diego en Californie le congrès « Psychedelic Science 2017 » qui réunit les plus grands spécialistes mondiaux de la recherche sur la médecine psychédélique, c’est-à-dire l’usage que l’on peut faire en médecine et en psychiatrie de substances considérées par ailleurs comme des « drogues ». Par exemple la psilocybine, extraite de certains champignons, la MDMA (aussi appelé Ecstasy) ou encore le breuvage Ayahuasca utilisé dans le chamanisme amérindien. A une exception près, et qui concerne les sciences cognitives, la France est notoirement absente de cette manifestation, puisqu’en dépit des efforts de pionniers comme le Dr Olivier Chambon, le concept même de médecine psychédélique est ici considéré comme une hérésie. On peut blâmer l’immobilisme et l’archaïsme des autorités de la recherche et de la santé, dénoncer l’inévitable pression des lobbies pharmaceutiques, toujours est-il qu’il est regrettable et quasiment honteux qu’aucune recherche de ce type ne soit conduite en France et que la notion même continue d’être diabolisée. En effet, les résultats au bénéfice des patients s’accumulent depuis plusieurs années et ne cessent de confirmer le potentiel thérapeutique extrêmement intéressant de ces produits.

Mangez-moi, mangez-moi…

En décembre dernier, une édition entière du Journal of Psychopharmacology a été consacrée à ce thème et a présenté plusieurs résultats d’études cliniques. Une des plus remarquables a été conduite par des chercheurs de l’université de New-York au Langonde Medical Center et portait sur la psilocybine. Vingt-neuf personnes, en majorité des femmes, souffrant de dépression et d’anxiété consécutives à un cancer ont reçu une dose de psilocybine ou bien un placebo (un dose de vitamine B3 qui provoquait la même sensation lors de l’ingestion), puis les deux groupes ont été inversés au bout de sept semaines. Il est apparu que les scores de réduction de l’anxiété et de la dépression étaient marqués dans les deux groupes, et meilleurs pour le groupe qui avait reçu initialement la dose de psilocybine. Chez ces patients, l’effet était ressenti jusqu’à huit mois après l’ingestion. Tous les patients bénéficiaient d’un accompagnement par une équipe comprenant psychiatre, psychologue, infirmière et travailleur social. Les possibles effets secondaires étaient surveillés et l’action de la psilocybine pouvait être stoppée par une molécule spécifique, raison pour laquelle ces études peuvent aujourd’hui être conduites en toute sécurité. Anthony Bossis, l’un des chercheurs, a rapporté que les personnes manifestaient en outre une amélioration globale de leur qualité de vie, aussi bien au plan de la vie sociale, des relations familiales qu’au plan professionnel. Certains ont également fait part de changements en termes de spiritualité, se sentant davantage en paix et plus altruistes. Une autre étude conduite sur 51 patients atteints de cancer a été réalisée à l’école de médecine de l’université Johns Hopkins et a montré les résultats. Les changements positifs observés en termes de réduction drastique de l’humeur dépressive et de l’anxiété, accompagnés d’une augmentation de la qualité de vie, du bien-être, etc., ont été observés jusqu’à six mois après la prise chez 80 % des patients.
 
Même pas en « rave »

Ces résultats confirment des observations antérieures et amènent les spécialistes à réclamer un changement de statut de la psilocybine, qui reste un produit interdit devant faire l’objet d’une dérogation pour la recherche. Le Dr Craig Blinderman, chef du service de soins palliatifs du New York Presbyterian Hospital évoque ainsi « une modalité de traitement sans précédent en psychiatrie », compte tenu de la rapidité et de la durée de l’effet d’une simple dose du produit. Cet aspect potentiellement révolutionnaire d’une molécule sans brevet n’est certainement pas pour plaire à une industrie pharmaceutique qui n’en tirerait aucun bénéfice. Mais d’autres substances elles aussi interdites montrent des effets tout aussi marqués dans le domaine de la santé mentale. La MDMA, une forme d’amphétamine connue pour être la star des « rave parties » depuis les années 1980, a également fait l’objet de recherches sur son potentiel thérapeutique. Il est bien connu, notamment des utilisateurs, qu’elle provoque une stimulation globale accompagnée d’une sensation d’euphorie, de même qu’une augmentation de la confiance en soi et des interactions sociales.

On parle de substances « entactogènes » ou « empathogènes » pour rendre compte de ces effets psycho-sociaux. Une revue de la littérature scientifique concernant l’utilisation de la MDMA a été conduite par des chercheurs de l’université de Chicago et publiée dans le Journal of Psychopharmacology. Il en ressort que, comparée à d’autres stimulants connus et en particulier ceux de la famille des amphétamines, la MDMA provoque des effets spécifiques : une augmentation du niveau perçu de confiance et de générosité, une augmentation de la réponse à des stimuli de types sociaux et émotionnels, une augmentation de l’empathie et de l’usage de thèmes sociaux et émotionnels dans le discours. Les autres effets non spécifiques sont l’augmentation du sentiment de fraternité et de l’excitation sexuelle. Dès lors, son usage se révèle potentiellement intéressant dans le cadre de psychothérapies pour lesquelles elle serait susceptible de renforcer le lien entre le patient et le thérapeute, et réduire l’impact négatif de stimuli émotionnels internes ou externes. En outre, son effet sur la mémoire, en particulier la consolidation des souvenirs positifs, se révèle également intéressant.

Suite http://www.inrees.com/articles/medecine-psychedelique-resultats-stupefiants/
 
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