LE FIGARO. - Le discours du roi marque-t-il vraiment un « nouveau contrat » entre Mohammed VI et ses sujets ?
Mohammed TOZY. - Il ne sagit pas dune révolution, mais dun pacte rénové entre le roi et le peuple Marocain, dont lun des principaux fondements est la désacralisation du pouvoir du souverain. Désormais, nous sommes en présence dun régime parlementaire, peut-être pas tout à fait complet, mais qui institue la souveraineté nationale comme source unique du pouvoir exécutif. Certes, le roi garde la gestion directe de larmée et la responsabilité du champ religieux, mais cétait une demande des partis de gauche, notamment. Avec la désacralisation de son pouvoir, les actes de Mohammed VI sont désormais susceptibles de recours, y compris les révocations et les nominations.
Le roi garde tout de même la haute main sur le pouvoir judiciaire ?
Il ne garde pas exactement la haute main sur le judiciaire, car sil préside le Conseil du pouvoir judiciaire, Mohammed VI ne nomme plus les juges, même sil continuera de valider leur désignation. Mais cette prééminence du roi sur le pouvoir judiciaire correspond à une demande extrêmement forte des juges. Ils ne sont dailleurs pas très contents de ces réformes, et réclament un changement de la formule nouvelle pour rendre la justice (« au nom du roi, et en vertu de la loi »), qui les indispose.
Quelle est la portée de la reconnaissance du berbère comme langue officielle ?
Elle est dabord symbolique. Mais en même temps, elle fait obligation à lÉtat de mettre en oeuvre tous les moyens, en termes de formation des instituteurs par exemple, pour que cette langue, sur le point de disparaître, continue dexister. Dautre part, une telle reconnaissance a une conséquence importante sur lidentité Marocaine.
Le Mouvement du 20 février a-t-il la capacité de fédérer les mécontents ?
Ce mouvement est composé de nombreux courants : lextrême gauche, certains islamistes qui lutilisent pour négocier de nouvelles positions, les jeunes des partis existants, et enfin les cybermilitants radicaux qui ont perdu la main sur le terrain. Ils peuvent être unis pour manifester, mais quand il sagit de présenter des propositions claires, leurs divisions éclatent au grand jour.
Après ce discours, peut-on dire que la page de la contestation est tournée ?
Non. Le Maroc a dailleurs besoin de contestation. Mais celle-ci doit se déplacer sur le terrain politique. Maintenant, tout va dépendre de la réponse des partis. Certes, la quasi-unanimité de la classe politique après ce discours est importante. Mais elle nest pas décisive. Il est primordial que les partis sapproprient cette nouvelle Constitution en vue de sa mise en oeuvre. Au niveau du partage du pouvoir au sein de lexécutif, quelque chose dimportant se construit autour de deux espaces : le Conseil des ministres, qui continue dêtre présidé par le roi et dont les prérogatives concernent les décisions stratégiques, et le Conseil du gouvernement, qui met en oeuvre les politiques gouvernementales. Le contenu de ce nouveau jeu déquilibre sera important, si la classe politique sait relever le défi qui lui est offert par le roi. Et lune des conditions du succès de cette nouvelle page dépendra du renouvellement de cette même classe politique, et de son indispensable rajeunissement. Car ceux qui dirigent les partis auront des difficultés à occuper le nouvel espace politique, ouvert par le roi.
Source : LeFigaro.fr
Mohammed TOZY. - Il ne sagit pas dune révolution, mais dun pacte rénové entre le roi et le peuple Marocain, dont lun des principaux fondements est la désacralisation du pouvoir du souverain. Désormais, nous sommes en présence dun régime parlementaire, peut-être pas tout à fait complet, mais qui institue la souveraineté nationale comme source unique du pouvoir exécutif. Certes, le roi garde la gestion directe de larmée et la responsabilité du champ religieux, mais cétait une demande des partis de gauche, notamment. Avec la désacralisation de son pouvoir, les actes de Mohammed VI sont désormais susceptibles de recours, y compris les révocations et les nominations.
Le roi garde tout de même la haute main sur le pouvoir judiciaire ?
Il ne garde pas exactement la haute main sur le judiciaire, car sil préside le Conseil du pouvoir judiciaire, Mohammed VI ne nomme plus les juges, même sil continuera de valider leur désignation. Mais cette prééminence du roi sur le pouvoir judiciaire correspond à une demande extrêmement forte des juges. Ils ne sont dailleurs pas très contents de ces réformes, et réclament un changement de la formule nouvelle pour rendre la justice (« au nom du roi, et en vertu de la loi »), qui les indispose.
Quelle est la portée de la reconnaissance du berbère comme langue officielle ?
Elle est dabord symbolique. Mais en même temps, elle fait obligation à lÉtat de mettre en oeuvre tous les moyens, en termes de formation des instituteurs par exemple, pour que cette langue, sur le point de disparaître, continue dexister. Dautre part, une telle reconnaissance a une conséquence importante sur lidentité Marocaine.
Le Mouvement du 20 février a-t-il la capacité de fédérer les mécontents ?
Ce mouvement est composé de nombreux courants : lextrême gauche, certains islamistes qui lutilisent pour négocier de nouvelles positions, les jeunes des partis existants, et enfin les cybermilitants radicaux qui ont perdu la main sur le terrain. Ils peuvent être unis pour manifester, mais quand il sagit de présenter des propositions claires, leurs divisions éclatent au grand jour.
Après ce discours, peut-on dire que la page de la contestation est tournée ?
Non. Le Maroc a dailleurs besoin de contestation. Mais celle-ci doit se déplacer sur le terrain politique. Maintenant, tout va dépendre de la réponse des partis. Certes, la quasi-unanimité de la classe politique après ce discours est importante. Mais elle nest pas décisive. Il est primordial que les partis sapproprient cette nouvelle Constitution en vue de sa mise en oeuvre. Au niveau du partage du pouvoir au sein de lexécutif, quelque chose dimportant se construit autour de deux espaces : le Conseil des ministres, qui continue dêtre présidé par le roi et dont les prérogatives concernent les décisions stratégiques, et le Conseil du gouvernement, qui met en oeuvre les politiques gouvernementales. Le contenu de ce nouveau jeu déquilibre sera important, si la classe politique sait relever le défi qui lui est offert par le roi. Et lune des conditions du succès de cette nouvelle page dépendra du renouvellement de cette même classe politique, et de son indispensable rajeunissement. Car ceux qui dirigent les partis auront des difficultés à occuper le nouvel espace politique, ouvert par le roi.
Source : LeFigaro.fr