MRAP : Découvertes du peuple Sahraoui

Découvertes du peuple Sahraoui


Trois voyages successifs m'ont fait découvrir les réalités ignorées en France de la vie quotidienne du peuple saharoui sous oppression coloniale.

Le procès en appel à Tiznit de Naama Asfari, s'est déroulé le 16 novembre 2009, dix jours après le discours où le roi du Maroc déclare que dans son pays il n'y a que des marocains, décrétant ainsi la non-existence de tout un peuple. L'atmosphère est étouffante. La police marocaine constamment présente multiplie les mesures d'intimidation à l'égard des sahraouis qui voudraient nous parler. Le droit de nous exprimer son hospitalité est dénié à Brahim Sabbar par les policiers qui nous barrent l'accès à sa maison.

Mais partout où il y a oppression étrangère, il y a résistance. Brahim Sabbar se bat depuis plus de dix ans pour obtenir un passeport, toujours refusé sous des prétextes administratifs, il l'obtiendra par sa résolution à entamer une grève de la faim. Naama Asfari nous impressionne par son courage lorsqu'il pénètre dans la salle du tribunal en proclamant haut et fort le droit des sahraouis à décider eux-mêmes de leur destinée.

Du 23 au 26 février 2010, c'est la découverte des campements dans le désert algérien près de Tindouf. Des tentes, des maisons en dur, le sable à l'infini, quelques chèvres d'une race survivant dans le désert. Depuis trente cinq ans ! Ils sont environ deux cent mille. Les enfants, les jeunes, les adultes jeunes qui pour la plupart sont nés ici, n'ont rien connu que ce paysage, où tous les mois, les camions de l'ONU apportent la nourriture, car il n'y a rien d'autre. Depuis trente cinq ans des familles sont séparées. Avec le téléphone portable et internet, elles peuvent enfin communiquer, sachant que les lignes sont sous la surveillance de la police marocaine.

Pourtant ce peuple en exil résiste. Depuis le début, les femmes ont organisé la vie quotidienne. Il y a les écoles primaires, et va s'ouvrir, un collège. Il y a les cours de formation d'infirmières, d'enseignantes en langues, en informatique, il y a les groupes de musique, d'artisanat, de disciplines sportives...Nous assistons aux fêtes du 34° anniversaire de la fondation de la RASD. Groupes d'enfants, de femmes, de jeunes, d'habitants de tous âges, défilent, il y a des danses, de la musique, des scènes mimées de la vie quotidienne, des métiers traditionnels...

L'arrivée dans les campements de onze militants sahraouis des droits humains qui mènent une lutte pacifique au Maroc et au Sahara Occidental représente une lueur d'espoir de retour dans une patrie libérée. Ils reçoivent un accueil délirant d'enthousiasme de toute cette population exilée .Je connaissais deux d'entre eux, Naama Asfari et Brahim Sabbar, que je n'avais pas revus depuis mon voyage au Maroc, l'un emprisonné, l'autre privé de passeport. Ils sont là, ils sont libres.

Le 7 mars, je rejoins à Alger le groupe des onze militants. Notre délégation d'observateurs espagnols et français va les accompagner pour leur retour au Maroc et au Sahara Occidental. Dans l'avion qui nous mène à Casablanca nous partageons avec eux une angoisse qu'aucun ne veut montrer. Seront-ils conduits directement en prison ou pourront-ils descendre de ville en ville jusqu'au sud du Sahara Occidental. Nous partageons leur bonheur, lorsqu'ils quittent l'aéroport sans encombre. Car la grève de la faim d'Aminatou Haidar a alerté l'opinion publique internationale, et quelques pressions sur le roi du Maroc ont suivies. A Casablanca où nous passons quelques heures, puis à El Ayoun, à Boujdour, l'accueil que reçoivent les onze militants est indescriptible. La joie, la fierté d'exister en tant que sahraoui explose dans tous les lieux que nous visitons, des amis se retrouvent et s'étreignent.
 
Mais la bataille est loin d'être terminée et le régime va vite montrer qu'il n'est pas encore près à renoncer. Les explosions de joie et de volonté de faire valoir son droit à l'autodétermination ne peuvent indéfiniment être contenues entre les murs des maisons. La jeunesse ne s'y résout pas. Dès que cette joie et cette volonté débordent dans la rue, la police, qui n'a jamais relâché sa surveillance se déchaine. Quatorze blessés sont recensés le 9 mars au soir à El Ayoun. Les plus gravement atteints se rendent à l'hôpital d'où ils sont renvoyés sans soins, la police y veille. Nous prenons des photos des victimes et elles sont envoyées aussitôt sur internet. Il faut que le monde entier soit informé.

Malgré ces nouvelles brutalités, malgré les intimidations policières devant les maisons des militants, malgré les innombrables barrages sur les routes, y compris avec fouille des véhicules et des bagages, le groupe continue son périple dans toutes les villes respectives d'où ils sont résidents. Et partout la population leur réserve le même accueil.


Le mur du silence des médias français doit être brisé. Le peuple sahraoui a les mêmes droits que les autres peuples à se gouverner lui-même en toute indépendance. Ce droit reconnu par les résolutions de l'ONU doit être appliqué. Le soutien du gouvernement français aux prétentions du roi du Maroc à maintenir l'annexion illégale du Sahara Occidental doit cessé. C'est de notre responsabilité.


Ivry, le 23 mars 2010

Raymonde Motte

Comité d'Ivry du MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples)


http://www.mrap.fr/campagnes/international/sahara/compterendudelegation/view
 
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