Difkoum
Anti sioniste et khawa khawa.
En fin d'après-midi, je devais ma tête lourde aller alléger chez le coiffeur,
Et pour ce faire, il me fallait traverser le marché du quartier,
À cette heure où, martyrisés par le jeûne, les ventres étaient en pleurs,
Les mines pitoyables, livides, les yeux effarouchés, hagards, inquiets ;
Et je ne vous dis pas le pathétique croustillant,
Des étalages luxuriants, abondants de poissons encore frétillants,
De légumes frais, de fruits brillants, affriolants, souriants,
Que d'un côté, les riches à grandes quantités s'arrachaient en criant,
Bavant, salivant, couvrant les marchands d'insultes et de postillons,
Jouant des coudes, se chamaillant, échangeant les plus obscènes jurons,
On eût dit des piranhas déchiquetant avec férocité une proie,
Une horde d'affamés qui dans un grand désarroi semaient la terreur, l'effroi ;
De l'autre côté, debout courbés, ou accroupis, ou complètement abattus, les mendiants,
Beaucoup de mendiants, déguenillés, maigres, hideux, tenaces comme des morpions,
Qui tendant une main tremblante, agonisants, priant, suppliant,
Qui, les yeux languides, exorbités, de maladie blafards comme des lampions ;
Regardant impuissants se concrétiser devant eux la justice divine,
Qui encore donnait généreuse à cette espèce canine,
Et l'or, et le pouvoir, et la corpulence, et l'arrogance,
Et une âme insensible qui contre leur famine s'habillait de mépris, de dédain et d'indifférence ;
Et finalement, de débarrasser ma tête de sa tignasse, je m'abstins,
Et le coeur lourd, songeur, je rebroussai chemin,
Peut-être, un peu moins triste, le ferais-je le lendemain,
Car, présentement, je me sentais si profondément ému, si meurtri que d'aller chez un barbier me parut malsain ;
Et si la pomme avait été interdite seulement,
Pour que jamais sur terre il n'y eût de mal, de méchanceté, de souillure, d'excréments,
Que jamais l'homme ne connût cette risible vanité,
Du scarabée absurde qui en roulant éternellement sa crotte se croit futé ?
- Mohammed Talbi -
Et pour ce faire, il me fallait traverser le marché du quartier,
À cette heure où, martyrisés par le jeûne, les ventres étaient en pleurs,
Les mines pitoyables, livides, les yeux effarouchés, hagards, inquiets ;
Et je ne vous dis pas le pathétique croustillant,
Des étalages luxuriants, abondants de poissons encore frétillants,
De légumes frais, de fruits brillants, affriolants, souriants,
Que d'un côté, les riches à grandes quantités s'arrachaient en criant,
Bavant, salivant, couvrant les marchands d'insultes et de postillons,
Jouant des coudes, se chamaillant, échangeant les plus obscènes jurons,
On eût dit des piranhas déchiquetant avec férocité une proie,
Une horde d'affamés qui dans un grand désarroi semaient la terreur, l'effroi ;
De l'autre côté, debout courbés, ou accroupis, ou complètement abattus, les mendiants,
Beaucoup de mendiants, déguenillés, maigres, hideux, tenaces comme des morpions,
Qui tendant une main tremblante, agonisants, priant, suppliant,
Qui, les yeux languides, exorbités, de maladie blafards comme des lampions ;
Regardant impuissants se concrétiser devant eux la justice divine,
Qui encore donnait généreuse à cette espèce canine,
Et l'or, et le pouvoir, et la corpulence, et l'arrogance,
Et une âme insensible qui contre leur famine s'habillait de mépris, de dédain et d'indifférence ;
Et finalement, de débarrasser ma tête de sa tignasse, je m'abstins,
Et le coeur lourd, songeur, je rebroussai chemin,
Peut-être, un peu moins triste, le ferais-je le lendemain,
Car, présentement, je me sentais si profondément ému, si meurtri que d'aller chez un barbier me parut malsain ;
Et si la pomme avait été interdite seulement,
Pour que jamais sur terre il n'y eût de mal, de méchanceté, de souillure, d'excréments,
Que jamais l'homme ne connût cette risible vanité,
Du scarabée absurde qui en roulant éternellement sa crotte se croit futé ?
- Mohammed Talbi -