A l'unanimité, les juristes consultés par la mission d'information sur la pratique du port du voile intégral sont d'avis que l'ordre constitutionnel français exclut qu'une loi interdise le niqab et même le burqa (Le Monde, 13/11/2009, page 13). Voici un extrait de l'intervention de Monsieur de Bréchillon, professeur de droit public, devant la mission le 7 octobre dernier.
«*Le coeur de la dignité de la femme n'est-il pas précisément contenu dans l'exercice de son libre-arbitre, de sa liberté, y compris celle de porter la burqa si elle l'entend ? Mais vous demanderez : qu'en est-il des personnes, et notamment des femmes, qui ne sont pas vraiment libres ?
Je n'ai pas de réponse rassurante et confortable à cette question. Mais j'ai une réponse politique et juridique. Nous savons que, bien souvent, la liberté est une fiction ; que beaucoup de gens ne sont pas réellement libres ― d'ailleurs pour de multiples raisons, familiales, sociales, économiques, ou autres. Mais cela ne change pas grand-chose à notre problème précis. Le lot des démocraties est forcément de vivre dans la fiction du libre-arbitre des gens, même si nous savons que cette fiction en est bien une. Et cela, parce que nous ne pouvons ni ne savons faire autrement. (...)
La liberté est une fiction. Mais c'est une fiction que les démocraties s'honorent de ne renverser que si elles ont de très bonnes raisons de le faire, et de ne renverser qu'en usant de procédures contraignantes, afin de doter la personne intéressée des meilleures garanties de protection, comme dans la mise sous tutelle ou dans l'hospitalisation d'office par exemple.
Hors ces champs étroits, la fiction fonctionne et doit fonctionner toujours. C'est elle qui nous préserve de voir se constituer en droit des classes de sous-hommes. Ou, ici, de sous-femmes.
J'ignore combien de femmes sous burqa sont effectivement libres de leur décision. Certaines le sont ; d'autres ne le sont pas. (...) Mais en l'état actuel du droit et probablement de la philosophie politique de nos démocraties, il me semble difficile de décider à leur place si elles sont libres ou non. La démocratie comporte le risque de vivre avec des monstres qui nuisent à eux-mêmes. C'est infiniment triste. Mais nous ne pouvons pas envisager de les priver de leur liberté sans contredire l'un des principes d'organisation les plus importants de nos sociétés modernes. (...)
Si elle était votée, l'interdiction de la burqa pourrait être déclarée illégitime par de nombreux juges et il y aurait de multiples contentieux, du tribunal correctionnel à la Cour européenne de Strasbourg en passant par le Conseil constitutionnel.*»
C'est la position d'un technicien du droit qui ne présente pas de sympathie pour l'islam (cf. des monstres).