Niger : diffa, entre état d'urgence et paix, une insécurité latente

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la rose et le réséda
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Diffa, située dans l'est du Niger, ressemble à toutes les autres villes du pays.

Les commerçants ambulants sillonnent les rues, arborant de grands plateaux de viande grillée posés en équilibre sur leur tête.
Les adolescents jouent au foot au coucher du soleil. Et des familles se déplacent sur des charrettes tirées par des vaches ou des ânes.

Malgré l'insécurité et la menace permanente de Boko Haram, groupe djihadiste actif au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger, la vie semble suivre son cours.

Vivre avec l'état d'urgence

Mais, depuis février 2015, l'état d'urgence a été proclamé par le gouvernement dans la région de Diffa.
À bien y regarder, on constate que, contrairement aux autres villes du pays, personne ne circule à moto à Diffa et que les militaires y sont plus présents que partout ailleurs. Ils se mélangent à la population. On les croise au marché, installés sur un banc aux abords des boutiques ou se déplaçant à vélo, la kalachnikov en bandoulière.

L'état d'urgence a eu de lourdes conséquences économiques.

De nombreux agriculteurs ont perdu l'accès à leurs champs. L'usage de certains engrais et de carburant, qui pourraient tomber entre les mains de Boko Haram, est interdit par les autorités. Les commerçants manquent de débouchés pour écouler leurs marchandises.

Pour tenter de calmer la population, le gouvernorat a allégé d'une heure le couvre-feu pour les piétons, et ce, depuis le 20 octobre. Maintenant, les habitants de la région peuvent circuler jusqu'à 23 heures. Les véhicules et agents des services de secours et de sauvetage ont aussi été exemptés de suivre le couvre-feu.

Merci à Dieu ! » lance Abubakar Alicaro, un ancien vendeur de motos, reconverti en vendeur de vélos.

« Maintenant, on a le temps de vendre nos marchandises jusqu'à la nuit », explique-t-il. Son sentiment est partagé par une large partie de la population. D'autres, par contre, pensent que ce n'est pas suffisant
. « Pour les véhicules et les tricycles, l'heure du couvre-feu est restée à 20 heures.
On aimerait gagner, nous aussi, une heure sur notre temps de travail parce que nous participons à l'activité économique de la ville.

Nous transportons aussi les gens à l'hôpital », explique Sidi Bawa Keïta, le secrétaire général du syndicat des motos tricycles. De nombreux jeunes qui travaillaient comme chauffeurs de taximoto se sont reconvertis dans les rickshaws.

Un casse-tête pour les autorités
Du côté des autorités aussi, les avis sont partagés sur le nouveau couvre-feu. Installé à l'ombre d'un arbre face à une école, le maire de Chétimari, l'une des douze communes de la région, exprime son inquiétude :
« Pour moi, ce n'est pas suffisant. Les gens nous ont demandé plusieurs fois qu'on assouplisse l'état d'urgence. S'ils voient qu'il n'y a pas de réaction, ils vont prendre eux-mêmes leur décision », explique-t-il. « Il faut un peu sensibiliser les gens. S'ils comprennent pourquoi on fait ça, ça ne posera pas de problème », ajoute-t-il.

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suite et fin

Dans son grand bureau rempli de fauteuils aux ornements argentés, Barkabe Mahamadou, le gouverneur de Diffa, soutient qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. « La population avait demandé qu'il faut alléger d'une heure, de deux heures, le couvre-feu. Mais l'autre jour, je suis sorti à 21 h 30 dans la rue et je n'y ai trouvé personne », affirme-t-il.

La sécurité en question
Finalement, une heure de plus ou de moins pour les piétons, cela ne change pas grand-chose, indiquent des sources militaires. Ce qui est surtout important, c'est que les véhicules ne circulent pas après 20 heures. Boko Haram continue d'être présent dans la région, mais pas de la même manière qu'en 2015, où les attaques kamikazes se succédaient.

« Il y a trois ans, vous ne pouviez pas parler de Boko Haram à Diffa
. Vous sursautiez lorsque vous entendiez une porte qui claque fort, tellement les gens étaient dans la psychose », explique Boukari Bintoumi Biri Kassoum, responsable de la cellule Paix et développement de l'université de Diffa. « Avant, c'étaient des attaques organisées. On avait peur.

Aujourd'hui, ce sont des attaques isolées. C'est plus insidieux. Mais les gens n'ont plus peur parce qu'ils ont intégré cette menace dans leurs habitudes de tous les jours », poursuit-il.

La crainte d'infiltrations de Boko Haram est toujours là

Les efforts menés par les autorités, les forces armées nigériennes et la Force multinationale mixte, composée de soldats nigérians, tchadiens, béninois, camerounais et nigériens, ont donc permis de stabiliser la situation au Niger. Mais les incidents restent fréquents. Ce 22 novembre, vers 2 heures du matin, huit personnes ont été tuées et huit autres blessées, dans un site de déplacés à Toumour. Elles travaillaient à la construction de puits pour le compte de la compagnie française Foraco.

Entre janvier et août 2018, 38 personnes ont été tuées dans des accrochages liés à Boko Haram, et trois écoles et trois centres de santé ont été attaqués, relève le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). En janvier et en juillet 2018, des postes militaires ont également été pris d'assaut par Boko Haram, à Toumour, à Bla Brin et à Baroua. Des membres des forces de l'ordre ont été tués et du matériel leur a été dérobé.

« Le problème de Diffa ne se trouve pas au Niger », indique une source proche des forces de sécurité. « Sur les 1 375 kilomètres de frontières que nous partageons avec le Nigeria, nous nous retrouvons avec Boko Haram en face de nous sur 300 kilomètres. Il n'y a aucune autorité pour les gérer », poursuit cette source. Le 28 octobre, une base de l'armée nigériane a été attaquée à Gashigar, à 25 kilomètres de Diffa. Elle a fini par abandonner sa position et Boko Haram peut donc passer par là pour entrer au Niger. Actuellement, la crue de rivière Komadougou, qui longe la frontière, ne permet pas à Boko Haram de la traverser facilement. Mais les forces de sécurité craignent de nouveaux assauts pendant la saison sèche.

Une partie d'échecs dans le noir
Des vols et de nombreux enlèvements contre rançons sont aussi à déplorer dans la région de Diffa. Les armes circulent plus librement. « Il y a un peu de Boko Haram, mais les enlèvements, c'est du banditisme », soutient le gouverneur. « Avant la guerre, Diffa était une zone très calme. On n'y trouvait même pas un voleur. Maintenant, des gens fainéants se transforment en bandits. Ils préfèrent attaquer des personnes pour leur prendre leurs biens plutôt que de travailler. Cela existe aussi en Europe ce genre de choses », affirme-t-il.

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http://afrique.lepoint.fr/actualite...r=EPR-6-[Newsletter-lepoint-afrique]-20181127

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