Noms d'origine des villes marocaines ?

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion Amsrar
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Salut à tous et à toutes,
j'espère que vous allez tous bien,
Alors notre sujet est autour des noms d'origine des villes marocaines, y'en certainement beaucoup qui ne le savent pas, mais beaucoup de noms des villes ont été traduit littéralement en arabe, ou falsifié (genre juste pour changer le noms d'origine mais sans chercher un sens au noms donné après.. Nom truqué). Mais heureusement comme l'état ne peut pas changer toutes la toponymie du Maroc, il a laissé beaucoup de ville et région.
Ci dessus des noms rester intact comme:
Tiznit, Tafraout, Agadir, Aït melloul, Tikiwin, tindouf, lgouira....
Aussi:
Ifran, ifni,...
Connaissez vous quelques chose sur ce sujet ?
De quelle langue viennent les noms des lieux au Maroc ?
Pourquoi certains sont truqué linguistiquement ?
Pourquoi l'état n'a pas réussit la transformation de la totalité des noms et pourquoi il a besoin de faire ceci?
Un petit aperçu sur la toponymie et sa relation avec l'identité marocaine ?

Puis s'il y'a des arabes au Maroc pourquoi la toponymie arabe n'existe pas au Maroc et s'il y'a d'autres peuple aussi divers sur cette terre, pourquoi il n y'a pas de trace de leur langue sur la toponymie ?

Merci bien.
 

Pièces jointes

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Salut à tous et à toutes,
j'espère que vous allez tous bien,
Alors notre sujet est autour des noms d'origine des villes marocaines, y'en certainement beaucoup qui ne le savent pas, mais beaucoup de noms des villes ont été traduit littéralement en arabe, ou falsifié (genre juste pour changer le noms d'origine mais sans chercher un sens au noms donné après.. Nom truqué). Mais heureusement comme l'état ne peut pas changer toutes la toponymie du Maroc, il a laissé beaucoup de ville et région.
Ci dessus des noms rester intact comme:
Tiznit, Tafraout, Agadir, Aït melloul, Tikiwin, tindouf, lgouira....
Aussi:
Ifran, ifni,...
Connaissez vous quelques chose sur ce sujet ?
De quelle langue viennent les noms des lieux au Maroc ?
Pourquoi certains sont truqué linguistiquement ?
Pourquoi l'état n'a pas réussit la transformation de la totalité des noms et pourquoi il a besoin de faire ceci?
Un petit aperçu sur la toponymie et sa relation avec l'identité marocaine ?

Puis s'il y'a des arabes au Maroc pourquoi la toponymie arabe n'existe pas au Maroc et s'il y'a d'autres peuple aussi divers sur cette terre, pourquoi il n y'a pas de trace de leur langue sur la toponymie ?

Merci bien.
Sujet intéressant !!
Un exemple flagrant d'arabisation et de négation historique
c'est Al Hoceima dont la version officielle totalement bidonnée (et folklorico-touristique ) en a fait une étymologie
d'origine arabe qui aurait pour source la lavande qui abonderait la région "Alkhuzama" version évidemment
complétement fausse (le pire c'est que j'y avais cru quand j'étais un peu ignorant) car Al Hoceima provient d'une déformation espagnol (et européenne) de la ville antique
Almezemma sur d'ancienne cartes on peut aussi lire Albucemas (ou Albouzème en Français) puis c'est devenu Alhucemas avec les espagnols

buzema.jpg
 
J'ai trouvé ceci : (il y a de la lecture)

Une parfaite étude toponymique doit entreprendre des recherches relevant du domaine historique et étymologique en consacrant une attention spéciale aux influences ethniques, culturelles et politiques sans oublier les données géomorphologiques qui seront également sollicitées dans cette analyse toponymique. Nous devons avouer notre inculture étymologique puisque nous disposons vaguement de connaissances ethniques et historiques concernant cette matière d’étude. Il s’agit de récupérer cette toponymie berbère. Les toponymes se débarrassent de leur sens motivé et deviennent de plus en plus opaques et leur traduction les a rendu obscurs au fil des années à cause des transformations phonologiques ou sémantiques.

Certains toponymes, à l’origine berbère, ont parfois été victimes d’une dénaturalisation à cause de leur transposition, littérale ou non, du berbère en arabe marocain. Ainsi, la prononciation du toponyme devient différente de celle du mot dans le parler berbère à la suite d’une troncation du terme d’origine. Malgré le passage de plusieurs cultures étrangères au Maroc, elles n’ont pas pu effacer les toponymes berbères originaux. Les toponymes berbères ont conservé la majorité des traits phoniques du parler qui leur a donné naissance. Leur signification étymologique apparaît clairement à un connaisseur du parler en question et reste opaque aux yeux du sujet parlant non avertis. Le toponyme traduit de ce fait la culture des peuples à travers l’histoire géographique et politique.
Les entités géographiques, quelle que soit leur ressemblance, comprennent des divergences, et pour les départager, il suffit au nommant de repérer le territoire par la différence proéminente.
Plusieurs toponymes berbères dévoilent cette description du lieu qui témoigne du rattachement de l’homme à sa terre :

- agelman azegza (le lac vert),
- tawnat (montée)
  • tawrirt (colline),
  • tijdit (terre sableuse),

quant au toponyme puisant dans l’arabe marocain, nous pouvons citer : ġabet jbel dalya, bin lwidan.
Les repères géographiques sont importants dans un mode de vie où l’individu se déplace fréquemment pour survivre. Une source thermale, une rivière, un oued, une montagne, un rocher, etc. sont des repères permettant aux individus de marquer une localité, un bourg et de les représenter.
En examinant l’objet de l’étude toponymique qui se réfère à l’étude des noms de lieux, on peut constater que cette branche de l’onomastique (étude des noms propres au sens large) comporte essentiellement plusieurs catégories : au Maroc, et d’une façon générale, nommer ou donner un nom pour un lieu prend de nombreuses formes (ils représentent ainsi une riche nomenclature). Les fonds toponymiques comprennent des nominations renvoyant à divers champs lexico-sémantiques et leur inventaire apparaît d’une grande richesse :

  1. le corps : bu kraa, femm zgid, ar fud, femm udi, ras l-ma
  2. les animaux : ait serġ uššen, ɛin aserdun
  3. l’eau : oued nža, oued derna, dayt ḥešlaf, ḍayt ɛewwa, bin lwidan
  4. les noms de personnes, de saints : sidi 3li, moulay brahim, moulay yeɛqub, sidi hrazem
  5. les lieux commémoratifs : bab berred, bab ftuh, dar l-biḍa, dar buɛezza, dar dbibeġ
  6. les noms d’appartenance, d’affiliation, de propriété : ait ɛtab, ait ṭuṭes, béni ɛayyat, wlad iyyad, bu jdur.
 
Dernière édition:
Au-delà du sens, de l’étymologie d’un toponyme, on s’intéressera au processus de traduction et ou de translitération de la toponymie au Maroc. Parler de la traduction d’un toponyme dépend de l’aspect langagier mais en avant (lexique ou structure) et sa mise à jour est le reflet d’une interaction entre les différents traits du langage (discursif, sémantique et autres). Ainsi, l’étude des toponymes incite à poser le problème de l’équivalence inter-linguistique dans sa relation avec la culture. Avant de présenter cette étude sur la « traduction toponymique », il importe d’examiner la notion de traduction selon différents points de vue développés par la recherche traductologique.
La traduction est la conversion d’un signe (linguistique ou non) en un autre. C’est une gymnastique consciente de l’esprit qui consiste à nommer (interpréter) une réalité par les constituants d’une autre réalité, et ce, même si elles semblent de nature(s) identique(s). Que faisons-nous, par exemple, quand nous traduisons un mot d’une langue par d’autres mots de cette même langue, sinon un acte de traduction ? Que faisons-nous également quand nous reprenons linguistiquement un mot par une représentation graphique et phonique ?
Il s’agit, dans le cas de la toponymie, de transposer des signes linguistiques à une langue différente. Il existe en fait deux formes de traduction où la transposition opère, soit au sein d’une même réalité linguistique, soit d’un système de signes à un autre qui en est distinct. L’on donnera pour la première activité le nom de « traduction interlinguale », et pour les deux autres respectivement les appellations : « traduction intralinguale » et « traduction intersémiotique ».

Il est un constat simple concernant la représentation de la toponymie via l’exercice de traduction : la translitération revient d’une façon persistante. Le traducteur s’évertue à donner de l’original une version sans approximation ni imprécision. Il veut être fidèle à la lettre de la lexie, c’est-à-dire en reproduire presque exactement les mêmes lexèmes. De ce point de vue, la quête de l’identité traductionnelle constitue une pierre d’achoppement pour les noms de lieu. Le fait que la traduction soit un processus de transfert inter-linguistiques, c’est-à-dire portant sur des systèmes phonétiques et morphosyntaxiques différents, interdit théoriquement toute identité. Traduire consiste à instituer un fait semblable (mot, texte, etc.), mais foncièrement différent. Les problèmes de vie lexicale et d’inadéquation structurelle des langues d’accueil sont contournés par des procédés formels de remédiation. 9La traduction, qu’on peut considérer comme sorte de translitération au premier abord, marque le passage du berbère vers l’arabe littéral en premier lieu puis vers le français en second lieu ; elle a été utilisée pour présenter une dénomination à la disposition d’un public plus large. Les lecteurs avertis à la fois du toponyme original ou du toponyme source (TS) et sa version traduite (transcrite), également dénommé toponyme cible (TC), peuvent poser plusieurs remarques. Au cours de l’histoire du Maroc toutefois, il y avait un changement de la toponymie pour des raisons politiques ou géopolitiques. La traduction et/ou la translitération de la toponymie marocaine peut s’expliquer par deux phénomènes majeurs : la francisation et l’arabisation. La dénomination des lieux au Maroc bifurque entre le berbère et « l’arabe littéral ». Certains toponymes ont été mis en évidence et ont été élucidés, d’autre restent obscurs quant à leur origine et leur signification.
 

I. Transliteration du berbère à l’arabe litteral​

Cette transposition connaît plusieurs changements, qu’on peut résumer par ce qui suit :
1) le changement d’une lettre par une autre soit à l’initial du mot soit à la finale. Pour commencer, la substitution du i par a :
izri > azrou ; igoulmimen > goulmima ; oualata > ioualaten, igouray > agouray (pluriel de agra), etc.
2) la substitution du a, u, et du i initial par w :
alili > walili ; azzan > wazzan ; islan > wislan ; ourġal > warghala (awraġ /jaune) ; ifrane > afri ; zeggouṭa > izgguṭen (pluriel de azgu ou de azwu) ; iserdan > aserdun), etc.
3) l’ellipse du a initial :
asfru > sefru (lieu de l’abri) ; ameknas > Meknès (lieu de l’agresseur ou le provocateur) ; zerhoun > azerhoun désigne le granite ; rich > arich, taricht la selle ; smara > asmara > lieu de la misère.
4) l’ellipse du t initial :
timdelt > midelt (lieu fermé parce que le village était protégé par les remparts avec une porte ; tamrirt > mrirt (grosses pierres enfoncées à moitié dans la terre qui servent de bornes délimitant une propriété (dictionnaire de Taifi).
5) le changement de la première partie du mot composé généralement construit de deux lexèmes nominaux :
Le nom d’une tribu ou d’un agglomérat dérivé d’un aïeul est attribué à des endroits qui ont été occupés par ces mêmes familles ou tribus. En effet, au Maroc, il y a trois formes fétiches composant des toponymes. La première est purement berbère, les deux autres sont de sortes de substituions à la première forme :

  1. la substitution de aït par béni ou ben ou encore b(comme forme elliptique de ben) :
    • béni-mellal, ben sliman, ben hmed, bni oulid, bni meṭher, b-ršid, ben grir, bni dar, beni mejrou (retba), béni ouryaguel, béni-bouayyach, béni chegdal.
  2. l’adjonction de wlad+ nom (berbère) relatifs aux enfants d’un chef de tribu :
    • wlad sɛid, wlad berhil, wlad tayma, wlad atta, wlad benmoussa, wlad youssef, wlad.
  3. l’adjonction de bu ou de abipour représenter le propriétaire de la terre :
    • bu krea, bu zniqa, bu sekkoura, bu lman, bu yeblan, abi jaad, etc.

    • 6) la substitution de aġbal par ɛin + nom : – ɛin sbeɛ ; ɛin ɛewda ; ɛin vitel ; ɛin dyab ; ɛin harroda ; ɛin ḥelluf ; ɛin aserdun ; ɛin beni mether ; ɛin aġbal
      7) la substitution de asif par oued :
      Tous les asif-s sont devenus des oueds :
      bourkayez oeud law, oued nja, oued inaouen, oued amlil, oued zem, oued derna, oued, oueb lben, etc.
 
8) la substitution de tizi par fej :
tizi n telġemt > fej talġemt ; tizi n tiška > fej tiška
9) la substitution du toponyme berbère par un autre nom en arabe :
mazagan > m azagan (la ville aux cornes) > al Jadida ; mogadar > essaouira ; lmetġern > errachidia ; biya > Al houcima ; mrirtch > mlilia ; dar lbidaa > anfa ; hermoummou > ribat lxir.
10) l’adjonction d’un nom monarque :
Les différentes monarchies qui se sont relayées au Maroc ont laissé beaucoup de toponymes formés à partir de noms des monarques. À travers cette pratique, on cherchait surtout à perpétuer leur règne par le biais de leurs noms.
Les toponymes à base de prénom : errachidia (Rachid), El youssefia (Yous sef), El Mehdiya (Mehdi), El mohammedia (Mohammed).
11) la déformation du nom berbère par l’adjonction de la phonie arabe ou l’ellipse de certains phonèmes :
tiṭṭawin > tiṭwan ; tiġremt n lmgun > qelaat meggouna ; toudġa > asifn tdeġt ; agelmam azegza (le lac vert) > agelmam aziza ; acciwen > chefchawen ; tugg akal > toubkal, etc.
12) la commémoration d’un lieu : en privilégiant un monument historique : porte, maison, ou sacré : mosquée, mausolée, sanctuaire, choisis comme édifice repère qui se généralise sur tout le territoire :

  • bab berred, bab ftuh, bab merrakech, bab mruj, bab lxuxa, bab bujloud, etc.
  • dar bouazza, dar lbida, dar gueddari
13) l’utilisation d’un nominal à connotation religieuse pour faire référence à un saint, une porte, une mosquée, une personne :

  • Sidi sliman, sidi qasem, sidi yehya, sidi hrazem, etc.
  • Moulay bouselham, moulay dris, moulay brahim, moulay dris zerhoun, etc.
14) l’adjonction d’un lexème qui fait référence à un point d’eau, à un puits, etc. :
bir ṭemṭem, bir bizoui, dayt ɛewwa
15) l’adjonction d’une partie du corps :
femm zgid, femm lhsen, ras l-ma, bu ždur
16) l’adjonction d’un nom commun relatif à un lieu commercial :
stlat, suq lxmis, suq larbeɛ, etc.
17) l’adjonction d’un nom relatif à un agglomérat :
qelɛet meggouna, qelɛt sraġna, qser l-kbir, qser s-seġir, etc.

 

II. Transliteration de l’arabe littéral en français​

Tous ces toponymes sont formés à partir du système phonétique de l’arabe littéral et du berbère. Ils sont généralement composés de l’article « el » ou « al ». Plusieurs toponymes berbères empruntent cette construction.
1) les noms traduisibles de l’arabe vers le français :
maġreb > Maroc ; dar al-baydae > casablanca
2) les noms translitérés en français avec le changement de quelques phonèmes (adaptation française) :
Fas > fès ; maknas / meknas > meknès ; merrakeš/ murrakuš > marakech ; sla / sala > salé ; rbat / ribat > Rabat ; tanža > tanger
3) transcription du toponyme en français : des remarques ont été retenues :
Les noms déterminés sont marqués en arabe par al ou el : al-awlad, el-jadida. Au niveau de la graphie arabe certains noms de lieu marquent la détermination. Or, l’article qui marque la détermination disparaît de la graphie française :

  • at-tulatae al-awlad > tlet ouled (la détermination a disparu au niveau de la graphie française, une troncation des phonèmes concernant la première partie du toponyme
  • al-qsiba > ksiba ; al-fqih ben saleh > kkih ben salih ; suq es-sebt > souk sebt
4) la représentation de plusieurs graphèmes par un même phonème. Le phonème q, le phonème k, le phonème g sont tous représenté par le graphème k :
fqih ben saleh > fkih ; suq > souk ; lgfaf > lakfaf
Le phonème q est représenté également par deux graphèmes : gh
taqbalt > taghbalt ; les graphèmes gh représentent la phonie ġ et g (deux phonèmes différents quant à leur prononciation :
aġbalu > aghbalu ; tagzirt > taghzirt
5) la vocalisation a devient i en français :
tašraft > tachrift
6) la vocalisation du a par le e fermé :
awlad > ouled ; qasbat tadla > kesba tadla ;
7) l’ellipse de certains phonèmes, t, l’emploi de la forme elliptique b au lieu de abi :
qesbat tadla > kesba tadla
abi žaɛd > bejaad
8) la traduction du premier composant du toponyme par son correspondant en français :
sad ait sɛid > barrage Ait said ; šallalat uzud > cascades Ouzoud
9) la traduction consiste des fois à utiliser le mot traduit adjoint au mot de la langue d’origine qui porte le même sens (qui porte l’édifice d’une telle aberration) :
arz guru > cèdre arz guru ; ain aġbalu > source aghbalou (sachant bien que le mot arabe est une traduction de aghbalu)
10) l’utilisation de l’initiale du premier composant du toponyme :
zawyat š-šix > z. chekh
11) la traduction de l’un des deux composants du toponyme :
al-baydae traduite par casa (et qui est la traduction du premier composant du toponyme dar)
12) la translitération de deux mots en un seul mot :
awlad si mimun > ouledsi mimoun
13) la non distinction entre deux phonèmes le t et le :
Ait ɛtab > ait Attab ; ait ṭuṭes > ait tot’s
 
Je suppose que tout le monde connaît ce qui va suivre mais, au cas où..........

Quelques exemples d'évolution dans les noms de villes marocaines :


- MARRAKECH :
L’origine du nom de Marrakech provient de deux mots Tamazight "Mour" ( pays ) et "Akouch" (dieu -garder en tête que nous sommes avant l'Islam) ce qui signifie « la terre de Dieu ». Une autre interprétation donne « terre de parcours ».

La version arabe, maintenant : certains historiens disent que le mot Marrakech trouve son origine dans la composition de deux mots arabes "mour" (passer) et "kouch" (s’échapper ). Selon la légende, durant l’époque des caravanes, Marrakech était réputée pour être une localité qui rassemblait les voleurs de la région. Du coup, il ne fallait surtout pas tarder à Marrakech d’où son nom « Mour wa Kouch» (Passes et échappe toi) .

- CASABLANCA :
Aurait été fondée par les Romains mais sans preuve étayée. Autre possibilité, Casa aurait été fondée par les berbères.​
Selon les historiens, le nom d’Anfa apparaîtrait sous des orthographes diverses dans les portulans du 14 et 15e siècle notamment, Niffe, Anafa, Nafé…
Certains disent que le mot Anfa découle du mot arabe Anf (nez) et d’autres du mot berbère Anfa (sommet).
La transformation du nom d’Anfa à Casablanca reste incertaine, A en croire la légende, les Portugais auraient attaqué la ville. Impuissants, ses habitants auraient fuit vers Rabat et Salé. Casablanca était donc détruire et inhabitée durant 3 siècles et une seule maison blanche sur le port était restée intacte. Les marins et les pirates appelaient ce bout de colline « Casablanca » à cause de la bâtisse blanche.​

- Fez :
La version des anciens auteurs (Abou Bakr ben Mohammed er-Razi et Ibn Abi Zar) dit que l’origine du nom de Fès est liée à la découverte d’une pioche (Fä’s) en arabe, lors du creusement des fondations de la ville.
Une autre version dit que l’origine du nom de la ville de Fès serait liée à une métathèse. A en croire cette version, un ancien moine chrétien aurait révélé à Idris 1er l’emplacement où sera construite la ville, et dans ce même emplacement existait une ancienne ville nommée Saf dans les habitants étaient portés disparus. La métathèse Saf en Fès serait donc à l’origine du nom de la ville.

- MECKNESS :
L’origine du nom de la ville de Meknès est liée à la tribu amazighe Meknassa, qui signifie en tamazight « les guerriers ». En 711, plusieurs membres de cette tribu auraient pris part à la conquête de l’Andalousie aux côtés de Tariq ibn Ziyad.

- ESSAOUIRA :
Le nom de la ville d’Essaouira trouve son origine dans deux interprétations différentes.
La première interprétation dit que Souira désigne une petite forteresse entourée de murailles, Souira serait donc le diminutif de Sour (roche en arabe).
La deuxième interprétation dit que le mot Essaouira trouve son origine dans le mot Tassaouira et ses variantes ( Saouira, At’souira, Atassouira) qui signifie image, tableau… Et qui fait référence à la disposition de la ville : la bien conçue, la bien dessinée…
En fait, l'origine est incertaine.
Au XIe siècle, l'historien et géographe el Bekri fait état d'une certaine « Amogdoul ». Ce nom a peut-être une origine sémitique, issu du punique « Migdol » ou « Mogdoul » (MGDL) qui signifie « lieu fortifié » ou « tour de surveillance ».
A la fin du XVIIIe siècle, que la ville est appelée « indifféremment Suera ou Mogodor », nom formé d'après un Sidi Mogdoul. C'est sur le nom de ce dernier que les Portugais auraient formé le nom de « Mogadouro ».
Mogador devient la dénomination officielle de la ville entre 1912 et 1956.
À l'indépendance, en 1957, le nom d'Essaouira est définitivement adopté.

- KENITRA :
Le nom de la ville Kenitra signifie en arabe « petit pont » et trouve son origine dans la construction d’un ponceau sur l’oued Fouarat. De 1932 à 1956 Kenitra porta le nom de port-Lyautey, puis après l’indépendance, elle reprendra son nom d’origine.

- RABAT :
L’origine du nom de la ville de Rabat remonte au 12e siècle, lorsqu’elle fut fondée par les Almohades. Rabat était à l’époque Ribat « Fortesse » et son nom vient de Ribat Al Fath, une appellation purement militaire qui signifie « le Camp de la victoire ».
Selon une version incertaine, le nom Rabat trouve son origine dans le mot arabe « Ribat » qui signifie « Attache ». D’après la légende, les bêtes étaient interdites de rentrer à Rabat par soucis d’hygiène, on devait donc les attacher en dehors des remparts, d’où le nom Ribate (Attache).
 
On a pu voir plus haut, l'arabisation de certains toponymes d'origine berbère.

Il est possible de remonter encore dans le temps.

L’approche des toponymes maghrébins d’hier ou d’aujourd’hui contribue à asseoir la prise de conscience, de plus en plus systématique, d’une série d’éléments permanents structurant la personnalité et l’espace maghrébins.
Ainsi des termes souvent entendus comme « continuité plurielle », « interface culturel », « substrats essentiels » sont des qualificatifs qui trouvent tout naturellement leur illustration dans et par les toponymes.
Qu’est ce qui fait leur spécificité ?
La prise en compte de cet enracinement est-elle compatible avec leur diffusion contemporaine de par le monde et avec les impératifs d’une économie moderne ?
Quels en sont les enjeux ?
Tels qu’ils se présentent aujourd’hui, les toponymes maghrébins offrent une matière éclairante quant à leurs strates de formation (à travers Antiquité, Moyen-âge et époque contemporaine)  La seconde partie portera ici sur l’actualisation concrète de cette « matière » toponymique dans un contexte international.
 

La toponymie antique​

La toponymie antique maghrébine offre globalement trois canaux de transmission des noms de lieux et trois types de matériaux : les inscriptions libyques, l’épigraphie punique et les sources antiques grecques et romaines, vérifiables par l’épigraphie latine.

Le libyque​

Il semble avoir été la langue la plus anciennement attestée en Afrique du Nord. Les inscriptions libyques antiques (libyco-puniques ou libyco-berbères), découvertes dans un vaste domaine géographique  -on peut considérer ce territoire ancien des langues berbères-, suggèrent l’hypothèse linguistique que le libyque (langue ancienne du groupe chamito-sémitique qui n’a laissé que de rares traces écrites) serait l’état antique du berbère actuel.
Quelques millénaires, pense-t-on, séparent les stades anciens de cette langue de ses formes modernes. Les comparaisons interdialectales ne permettent pas d’en reconstruire les structures éloignées. Aussi ignore-t-on les formes de continuité, les stades intermédiaires permettant de déchiffrer les inscriptions libyques que l’on estime à plus de 1200 aux environs de Carthage, Béja (Tunisie), Tiddis (Algérie), beaucoup moins au Maroc. Depuis 2001, néanmoins, treize nouveaux sites découverts (Maroc) permettent de nouvelles avancées dans la connaissance de ce domaine.
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En matière de toponymie, le caractère disparate des traces, leur éparpillement en Afrique du Nord et leur difficile interprétation permettent seulement d’émettre des hypothèses de bases toponymiques et de variantes de celles-ci.
S’interroger sur la toponymie libyque, c’est donc s’interroger sur l’apparition de ces traces, parfois accompagnées d’écriture, mais dans l’état actuel il s’agit de données de recherche problématiques. Aussi peut-on relever trois points de vue qu’expriment différents chercheurs quant à l’origine du libyque :
  • Une origine orientale sémitique 
  • Une origine autochtone 
  • Une origine mixte, qui définit une position moyenne comme celle de Lionel Galand. Pour lui « les matériaux libyques ont, pour la plupart, été crées en Afrique » mais il ajoute : « … que l’influence sémitique se soit exercée fortement pour susciter ou améliorer la mise en œuvre de ces matériaux est au contraire indéniable ».
Ce que l’on peut remarquer avec les chercheurs aujourd’hui, en prenant le moins de risque possible, c’est que :
  • l’utilisation de l’écriture amazighe est attestée au moins jusqu’à la présence romaine et l’occupation de la Mauritanie tingitane.
  • hors de la zone d’occupation romaine (limes), on ne dispose pas de moyens, même approximatifs, pour dater son utilisation.
  • cette écriture a été utilisée en parallèle avec le punique et le latin mais, vraisemblablement, ni avec l’hébreu ni avec l’arabe. 
 

L’espace punique​

Le punique renvoie à près d’un millénaire et à la fondation de Carthage (IXe siècle av. J.C).
Concernant les cités et dès la plus haute antiquité, les Phéniciens d’abord, les Carthaginois ensuite établirent le long du pourtour méditerranéen des colonies et des comptoirs commerciaux. Parmi les colonies phéniciennes comptent celles de Chypre, de Crête, de Malte, d’Espagne et d’Afrique.
En Afrique du Nord méditerranéenne : Utique (N.-O de Carthage), Hadrumète (Sousse, Tunisie), Leptis (Lebda, Est de Tripoli en Libye) et Carthage. Parmi les comptoirs d’importance, Iol (Cherchell, Algérie), Cartennae (Ténès, Algérie), Russadir (Melilla [orth. esp.] ou Melilia [orth. mar.], côté méditerranéenne du Maroc), Tingis (Tanger).
En Afrique du Nord Atlantique :
Lixus (près de Larache, côte atlantique du Maroc), Anfa (Casablanca), l’ancienne ville de Mogador (du punique Migdol « tour de surveillance » ?) au Maroc (actuellement Essaouira).
La décadence de Tyr, puis sa destruction par Alexandre en 332 av. J.C. a contribué progressivement à ce que Carthage prenne la relève de la domination dans les colonies phéniciennes et impose sa présence dans les comptoirs phéniciens de la Méditerranée occidentale. Les Carthaginois installèrent (ou s’installèrent dans) des comptoirs également, au-delà du Détroit de Gibraltar, le long des côtes marocaines de Russaddir (Melilia) à Agadir ou sur la côte espagnole, Gadir, Gadès (Cadix).
Durant ce millénaire, le punique fut la langue de culture, de religion et d’administration. L’épigraphie punique a fourni, entre autres, des listes d’anthroponymes liés à des toponymes (cités, régions). Mais la graphie punique, bien que représentant une forme évoluée de l’écriture phénicienne, ne note pas les voyelles. La restitution de la prononciation exacte des toponymes demeure donc tributaire de recoupements divers (inscriptions bilingues de Dougga). On peut citer comme exemple les noms théophores du punique qui sont des composés, comme Abdeshmun « serviteur d’Eschmun » On parlait et on écrivait le punique dans les villes et les villages du Maghreb à Volubilis, Tipasa, Cirta, Maktaris, c’est-à-dire d’un bout à l’autre du Maghreb. Cette langue semble donc avoir été la langue de culture d’Afrique du Nord et les Carthaginois plus enclins, peut-être, aux activités pratiques et économiques qu’à la création. La politique de l’État carthaginois était en effet conditionnée par la conquête du monopôle commercial des denrées rares : l’or du Maroc, l’argent d’Espagne, l’étain de Cornouailles, l’ambre du Nord, l’ivoire et les esclaves d’Afrique. Toutefois, un incendie, lors de la 3ème guerre punique de 146 av. J.C. détruisit les archives de Carthage, laquelle subit par ailleurs une destruction systématique. Appien, historien grec (né à Alexandrie en 95 apr. J.C) a laissé à ce propos un dramatique récit. Il semble qu’à Rome même, tous ne souhaitaient pas un tel anéantissement
 

La littérature gréco-romaine​

C’est en grande partie grâce aux auteurs Grecs et Romains que les premiers toponymes d’Afrique du Nord nous sont parvenus. 
En observant la carte ci-dessous (Dictionnaire encyclopédique Larousse, Paris, 1960.), on voit bien que l’occupation, à partir de la destruction de Carthage, reprend les possessions du prédécesseur. Celles-ci sont bien plus développées à l’Est qu’à l’Ouest (c’est la province initiale de l’Africa, notamment l’Africa Vetus). On remarque également que la « frontière » (lat. limes) a été fluctuante, ce qui tend à définir un noyau oriental et littoral de la colonisation romaine. Notons à ce propos que les Maurétanie(s), dont la Tingitane (act. Maroc) ont été à plusieurs reprises coupées du reste de la romanité africaine.
figure im2

Mécaniquement, la toponymie issue des strates précédentes passe dans les discours et les fonctionnements politiques romains. Les noms sont alors marqués par le filtre culturel et linguistique de l’aire gréco-romaine. On peut souligner que les auteurs s’intéressaient alors plus aux cités qu’aux toponymes extra-citadins. Quant à la facette linguistique de ce filtre, elle consiste en une perception approximative des sons : le consonantisme riche des langues libyque et punique les rapproche des langues de même famille (hébreu, arabe) plus que des langues indo-européennes. Une partie de l’information initiale n’est donc pas rendue. De même, la transcription des toponymes en caractères latins neutralise les emphatiques et les spirantes des langues sémitiques.
Il semble bien que c’est assez souvent la tribu qui octroie son nom à la région. Le type radiculaire LBY, fréquent sur les stèles à épigraphie punique dans des régions aussi différentes que Carthage, Makthar (Tunisie) et en Tripolitaine semble être la racine à partir de laquelle les populations d’Afrique du Nord se dénommaient elles-mêmes. C’est bien la source du type Libye, utilisé chez les auteurs Grecs (puis Latins) et qui désigne effectivement l’Afrique du Nord dans son ensemble (Homère, Hérédote
, Procope). Il est parfois restreint aux territoires orientaux contrôlés par Carthage (Polybe). Les formes latines sont, de manière constante : Libya pour le nom, Libycus (accent sur l’antépénultième) pour l’adjectif et l’ethnique 


Si la base précédente semble être d’élaboration ou de première attestation grecque, le type Africa, fr. Afrique est vraisemblablement de création romaine, probablement à partir du terme libyen Ifri « la grotte » à l’origine de la tribu des Afri, selon les inscriptions latines d’Uccula et de Sua. Le terme semble avoir été utilisé pour désigner la première province romaine créée après la destruction de Carthage (146 av. J.C) dans la partie orientale du Maghreb actuel, avant de s’étendre pour désigner toute l’Afrique (les deux acceptions existent chez Salluste).

Ce type toponymique sera repris en partie par les Arabes puisqu’ils désignent (dans le registre classique de l’arabe) par Ifriqia (avec “
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” [q]) la partie orientale des pays berbères (la partie occidentale étant pour eux al-Maghrib), alors que par la forme dialectale bédouin frigia ou friga ([g] au lieu de [q]) on évoque les sols fertiles (type tchernoziom) à l’est de la chaîne atlasique tunisienne ou Tell oriental.
 
Selon la tradition littéraire gréco-romaine Lixus (près de Larache, Maroc) fut créée par des navigateurs Tyriens (donc Phéniciens) vers 1100 av. J.C. Pline l’ancien raconte au 1er siècle av. JC que les Lexites érigèrent un temple consacré à Melqart (= mot phénicien qui veut dire « roi de la cité »), dieu tyrien honoré sous les traits d’un guerrier victorieux et d’un navigateur, sur une île de l’estuaire du Loukkos. Les temples consacrés à Melqart se trouvent apparemment là où les Tyriens s’établirent. Les plus importants connus furent celui de Gadir (Cadix, Espagne) et celui de Lixus. Les Grecs l’assimilèrent à Héraclès et les Romains à Hercule, ce qui révèle encore d’autres aspects d’une assimilation culturelle.
Autre dénomination de Lixus : Makom Shemesh « cité du soleil ». Privilège de cité « monétaire », qu’elle garda, même après la chute de Carthage puisque Juba II (mort en 25 apr. J.C) conserva ses ateliers de fabrication (certaines monnaies frappées à Lixus eurent leurs légendes en langue punique).
C’est autant grâce à l’épigraphie punique et latine qu’à la littérature antique (et malgré les déformations mécaniques déjà évoquées) qu’il est souvent possible de démêler dans les toponymes maghrébins ce qui est certainement d’origine latine, ce qui relève du punique ou du libyen.
Il est pourtant difficile de distinguer de façon certaine la source libyque ou punique dans les toponymes anciens rapportés par les Latins. Excepté peut-être Hadrumète (Soussa, fr. Sousse, Tunisie), qui ne manque pas d’évoquer la région méridionale de l’Arabie dénommée encore aujourd’hui Hadramaout, ou bien les toponymes comportant la séquence initiale Rus- au sens de cap, promontoire composant visible des toponymes Ruspe (Rusfa, Tunisie), Ruspina (Monastir, Tunisie), Rusicade (ex Philippeville, Skikda, Algérie), Rusuccuru (Dellys, Algérie), Rusguniae (C. Matifou, Algérie), Rusaddir (Melilia, côte méditerranéenne du Maroc).
Dans l’ensemble, les précautions à prendre pour déterminer la source libyque ou punique sont liées d’abord aux difficultés d’interprétation des inscriptions libyques mais aussi à la conjugaison de deux facteurs importants que sont a) l’appartenance des 2 langues à un même fond linguistique (chamito-sémitique), b) leur coexistence et donc les échanges qu’elles ont eus durant un millénaire.
Durant l’époque antique, de la Maurétanie « césarienne » jusqu’à la Maurétanie « tingitane » , on peut donc dire que les toponymes de cette époque, libyco-berbères (ex. Ifri) ou libyco-puniques (ex. Baal Addar) apparaissent comme substrat constant de la romanisation.

La romanisation proprement dite a le plus souvent consisté à juxtaposer au nom local :
  • un terme indiquant la fonction…
    Horrea Caelia, Horrea Coelia « les magasins de Caelia » > Hergla, Tunisie (Manzano, 1999 : 105).
  • un terme indiquant la place de l’agglomération dans la hiérarchie administrative romaine ; Les plus importantes méritent Civitas ou Municipium : Civitas Mactaritanae (Makthar), Civitas Thuggenses (Dogga ou Dougga), Municipium Mustitanum (Musti-Hinshîr Mest) 
  • Les moins importantes sont associées à castellum, vicus, turris : Castellum Dimmidi, Turris Tamellini (tamella = blancheur, en berbère, Torra, Tunisie), Castellum Tingitanum (Chlef, Algérie). Cette hiérarchie est également illustrée par les épithètes Minor, Major ou Regia : Bulla Regia, Zama Regia (Tunisie), Hippo Regius (ex Hippone, Annaba, Algérie).
La forme de ces toponymes révèle généralement la juxtaposition d’un appellatif indiquant la fonction ou la place hiérarchique et d’un spécifique ou substrat latinisé.
 
On peut aussi remarquer qu’à l’intérieur de ce processus de changement et de romanisation, la forme du toponyme est tributaire de facteurs linguistiques et non linguistiques.
Parmi les facteurs linguistiques typiquement « internes », certains toponymes attestent diachroniquement de lois de transformations proto-romanes, qui permettent de comprendre (notamment à travers la forme actuelle de certains toponymes) que différents secteurs romanisés de l’Africa présentaient jusqu’au VIIe siècle de l’ère chrétienne des traits évolutifs se retrouvant dans différents latins vulgaires de la Méditerranée occidentale. Cette opération archéolinguistique passe « par l’observation directe de la surface lexicale des langues, non seulement celle du latin mais… celle de langues ayant échangé avec le latin : berbère et arabe dans le cas du Maghreb » (Manzano, 1999). Parfois se conjuguent le linguistique et non linguistique, on peut alors évoquer le maintien du terme antérieur moyennant sa catégorisation en latin. Par exemple MKT‘RM (terme de stèle punique) devient Mactaris, toponyme romain de la Maurétanie césarienne et apparaît alors comme une « création », émanant d’une volonté politique ou administrative, ce qui est d’ailleurs confirmé par l’accession de la cité au statut de colonie. Enfin, parmi les facteurs non linguistiques (c’est-à-dire externes) figure le changement pur et simple du nom : Cirta (nom libyque) est aujourd’hui Constantine (par référence fondatrice à Constantin 1er, nom romain)
 

La toponymie arabe​

De même que la romanisation, l’arabisation (la toute première) a été d’abord un phénomène urbain (W. Marçais, 1938, 1956 ; C. G. Bosworth, 1986 ; Ph. Marçais 1986 ; G. S. Colin, 1948). La toponymie arabe fait son apparition avec Kairouan “
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”, fondée en 670, témoignage d’une volonté politique, destinée à servir de base d’opérations aux troupes pour la conquête du Nord et de l’Ouest (Carthage en particulier et au-delà jusqu’à l’Océan atlantique). Elle s’est substituée à un petit fortin berbère : Qammounia (du berb. iqemmumn « museau » : M. Taïfi, 1991).
Au Nord-Est de Kairouan, Mahdiyya “
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”, fondée par ‘Ubayd Allah al-Mahd? al-F?tim? (parce que fondateur de la dynastie fatimide)  qui s’y installa au début du IXe s. continue le nom de ce fondateur. Le toponyme témoigne de cette symbolique des forces de la foi [ici chi’ites] orientées vers la reconquête de l’Orient (abbasside et donc sunnite), en particulier vers l’Égypte (969). Cette dénomination s’est substituée définitivement à l’ancien Gummi.
Vers l’Occident, auparavant, Musa ibn Nusayr (qui prit définitivement Carthage en 698) et Tariq ibn Ziy?d, dont le toponyme du Détroit de Gibraltar porte le nom (Jabal Tariq, “
figure im6
”), inséparables de la conquête de l’Espagne (711), entrent dans l’histoire comme de célèbres chefs berbères d’Afrique du Nord, qui participent de façon décisive à l’expansion arabo-musulmane.
 
Plus tard, Idriss ibn Abdallah (descendant du prophète Mahomet et imam chi’ite), persécuté par les Abbassides de Baghdad (sunnites) sous Haroun Al-Rachid, vint se réfugier au Maroc (788) et s’installa à Volubilis (Oualili “
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”), qui devint la première capitale de la dynastie Idrisside. Un grand nombre de tribus lui firent allégeance et, très vite, Volubilis devint exiguë. Idriss 1er fonda alors Fès (789), sur la rive gauche de l’oued du même nom. Sur la rive droite, son successeur Idriss II érigea une seconde ville al-‘Aliya
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”, rivalisant avec son aînée dans un premier temps, avant de se fondre toutes deux en une seule et même cité.
En dehors de Fès, les cités Idrissides ont disparu : Basra
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” (qui rappelle son aînée Basora en Iraq, hajar al- Nasr « le rocher de l’aigle » (ruines à l’est de Ksar El Kébir).
En dehors du phénomène urbain, des tribus contenues jusque-là par le limes romain, entrèrent dans l’histoire grâce au développement de courants commerciaux, d’est en ouest, où l’artisanat et les petites industries occupent une bonne place. Les noms des régions et cités berbères du Sud émergent alors. Ainsi, le nom de Sous apparaît pour la première fois chez les chroniqueurs arabes : Soussa Berqa en Cyrénaïque et Bled Sous « pays (des) Sous » au Maroc.
 

Arabisation et francisation de la toponymie​

En arrivant au Maghreb, les Arabes ont rencontré les couches toponymiques qui viennent d’être rappelées et, naturellement, un vaste fond berbère. Peu à peu, cette masse fut en partie transformée par l’arabe, et l’on va voir à travers quels genres de modalités.
De même, depuis la colonisation au XIXe siècle, le français langue de l’administration et de la cartographie est venu se surajouter à l’ensemble et a, par d’autres trajets, amené la masse toponymique à se modifier encore.

L’arabisation​

Elle apparaît d’abord par le biais de termes mixtes : au nom traditionnel est adjoint un terme arabe précisant la fonction :
  • portuaire : Marsa Saqanis (Sqânis)
  • défensive (les qsour) : Qasr Lemta “
    figure im10
    ” Qsour ez-Zarât “
    figure im11
    ” al-Qasr al-Kabîr “
    figure im12
 
Les autres créations témoignent des impératifs militaires de la conquête et de l’attachement religieux fréquent à un éponyme. Le terme ribat “
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” (au Maroc notamment) implique la présence des soldats de la foi Un phénomène important, issu également de la racine RB? « notion de lier, de dépendre, d’attacher », a marqué la toponymie : le maraboutisme. En arabe classique murabit
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” désigne l’homme qui vit dans un ribat. En est issu le pluriel murabiun
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”, source directe du nom de la dynastie des Almoravides La toponymie qui s’en est inspiré désigne souvent un « saint », vivant ou mort. Elle traduit donc l’importance du culte des « saints » au Maghreb. Les zaouïas, portant régulièrement le nom d’un « saint » ou d’une confrérie religieuse, sont des établissements spécialement affectés à l’enseignement religieux. Ce sont notamment ces institutions qui ont permis la diffusion de la langue arabe dans des franges importantes des populations berbères, notamment du Sud. Toutefois, elles ne constituent pas l’unique facteur d’arabisation : l’arrivée massive des tribus bédouines du Moyen-Orient au XIe siècle, nomadisant dans les plaines et plateaux et dont le mode de vie était très proche de celui de maintes populations semi-nomades berbères du Sud, favorisa également cette diffusion .
Toute une sémantique éponymique est donc directement perceptible dans la toponymie des lieux-dits, bourgs, agglomérations :
  • toponymes commençant par Sidi, Moulay, équivalents de « Saint »…
    Sidi Bel-Abbès (Algérie), Sidi Kacem (ex. Petitjean, Maroc) Sidi Bou-Saïd (Tunisie), Moulay-Idriss (Maroc), Lalla Mimouna (femme marabout, Maroc), Ouled Sidi alil (Tunisie)…
  • oronymes formés à partir d’un nom tribal : Jbel Rbi’a (Tunisie, des Bni Rbi’a), Ouled Solaïn : ‘in Solaïn, Ouled Naïl (massif montagneux et confédération de tribus de même nom, Algérie méridionale)…
  • Enfin, les composés avec zaouia (toponymie maraboutique) se comptent par centaines, sur le modèle de : Zaouiat Chikh (Maroc), Zaouiat Soussa (Tunisie) Zaouia Tahtania.
 

La francisation​

Les noms de lieux selon qu’ils renvoient à la fonction, à l’éponyme ou aux zaouias, relèvent formellement d’un état « construit » (nom + complément du nom, sans recours à une préposition ; le premier étant défini par le second). L’élément générique précède l’élément spécifique et en est le génitif. Cette règle se vérifie dans les exemples des toponymes contemporains suivants où l’élément générique (ne portant pas l’article) est :
Souq « marché »
Qalia « citadelle, forteresse »
Adrâr « monts, crête montagneuse » (mot berbère)
Blâd « pays, plaine »
Jbel « mont, montagne »
ikhour « roches »

Souq Ahris, Qaliat Beni Hammed, Adrâr ifiris (Algérie)
Bled Gammouda, Jbel Khmir, Qaliat Snin (Tunisie)
Qaliat irighna, akhour Rimna, Bled Beni Meskin (Maroc).

Si l’on compare cette forme traditionnelle des toponymes arabes avec celle de la tradition que l’on peut qualifier de française, on peut constater que cette dernière se caractérise la plupart du temps par des termes régionaux spécifiques qui correspondent souvent à des régions relativement homogènes : La Provence, Le Cantal, Les Pyrénées etc.
Ce cadre français a eu tendance à s’imposer à la toponymie héréditaire maghrébine. On a voulu parvenir à des toponymes dénommant et classifiant l’espace en entités réduites en nombre. Ce mouvement, assez typique de la colonisation française, s’est parallèlement accompagné d’une tendance à la sédentarisation des populations nomades.
Il faut dire qu’au Maghreb, traditionnellement, la région porte le nom de la tribu qui la traverse ou l’exploite. La délimitation (cadastration) des terres et l’immatriculation appliquée durant la colonisation vont compromettre ce principe. La notion de melk
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correspond certes grosso modo à celle de « propriété », mais elle n’a pas le sens occidental du terme, notamment chez les groupes itinérants. Chez les nomades en effet elle s’avère incompatible avec le cadre de vie nomade, les exigences de l’élevage extensif, du déplacement constant lié à la recherche de pâturages, la solidarité de groupe ne pouvant reposer sur une base spatiale, puisque l’espace, le territoire, changent. Le lien social possible est alors bien un lien tribal, de sang, comme dans le groupe familial. Avec la sédentarisation en revanche, les solidarités territoriales entrent en concurrence avec les solidarités de groupe. Concomitant de la multiplication des noms de lieux, ce mouvement occasionne en particulier la mise en valeur de tous les points d’eau. C’est le cas des génériques ‘Ayn, « source », Bir « puits, source », Fawwir « source chaude ou jaillissante », ‘Ogla « groupe de puits peu profonds creusés sur un même banc rocheux », Ghdir « mare d’eau permanente ».
 
Les dénominations se caractérisent alors bien souvent par l’abandon de l’ancêtre éponyme au profit d’une caractéristique ethno-géographique : Tekna (qui fut d’abord le nom d’un pays), isafen, (du berbère « les rivières » ), ou bien un trait caractéristique du genre de vie, Aït Jmel « les gens du chameau ». L’empreinte toponymique peut parfois fixer et donner à voir les étapes historiques par lesquelles est passé le lieu en question : au nom berbère kabyle Ghabalou ou tamazight Aghbal « source, puits », Taourirt « colline », Adrar « montagne », marquant la première occupation de l’espace, s’ajoutent des termes arabes ‘Ayn
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”, Bir
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Koudia
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” « colline ».
 
jabal « montagne, monts » (le terme berbère devient alors le génétif du terme arabe), d’où : Bir Ghabalou, ‘Ayn Aghbal, Koudiat Taourirt
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” (Al-Bekri), Jabal Adrâr
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” etc.
Le terme français, par le même procédé, peut s’ajouter aux termes arabe et berbère, ainsi : La Source ‘Ayn Aghbal (Maroc), La Source Bir Ghabalou (Algérie, sud de la capitale), toujours attestés actuellement, pourraient-ils être « traduits » par « la source de la source de la source », pure tautologie dont on trouverait sans peine de multiples exemples 
 

Vers un système d’enracinement ?​

Après ce tour d’horizon dans l’espace et dans le temps, différents éléments paraissent aller dans le sens d’un enracinement qui conjugue des facteurs d’ordre linguistique et non linguistique. À condition d’admettre (ce qui est hautement vraisemblable) que les langues anciennes d’Afrique du Nord (libyque et phénicien) ainsi que la langue arabe appartiennent à un même fond linguistique dit chamito-sémitique (ou afro-asiatique), on peut voir apparaître différents éléments de conjonction. À l’exemple du toponyme Thapsus (actuellement Tabsa, Tunisie), terme qui se trouve aussi bien en Sicile sous la forme Thapsaque (où il aurait été introduit par les Phéniciens) qu’en Algérie : Tipasa (chef-lieu de la wilaya du même nom). Ou encore Tétouan (du berbère Tittawin, pluriel de tît « œil, source ») au Maroc et Tatawin (agglomération et oued) en Tunisie.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà signalé, du fait que l’écriture punique ne notait que les consonnes, l’importance donnée à l’élément consonne par rapport à l’élément voyelle semble être une caractéristique qui rejoint évidemment d’autres langues appartenant au groupe chamito-sémitique, comme l’arabe et le berbère. Un mot écrit est donc identifiable grâce à sa racine. Comme l’observe David Cohen, les langues chamito-sémitiques :

« … ont été définies comme des langues “à racines senties”. On pourrait dire également que ce sont des langues à structure apparente du mot, comme on parle de poutres apparentes pour un édifice… En disant qu’elle est “sentie”, on veut souligner surtout l’aspect vivant. La racine chamito-sémitique ne constitue pas une sorte de vestige historique, accessible seulement à l’investigation scientifique, mais la réalité constante sur laquelle se fonde le fonctionnement actuel de la langue. C’est précisément à cause de cette réalité de la racine que la structure des mots dans les langues chamito-sémitiques est apparente. La racine y apparaît en effet comme le véritable squelette qui sous-tend l’ensemble des éléments par lesquels une forme linguistique s’actualise ; squelette par nécessité mais aussi par sa solidité, car la racine se détermine généralement comme une suite dont le nombre, la nature et l’ordre sont constants. » 
On doit remarquer que des éléments radicaux présents dans des racines dites liby-phéniciennes sont perceptibles en arabe classique. On peut donc observer certaines « correspondances » dans les exemples qui suivent :
Entre l’arabe “
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ra’s « tête » et le punique Rus « cap » :
Rusaddir (actuelle Melilia, Maroc) 
Rusicade, ex Philippeville, Skikda, Algérie
Ruspe, actuelle Rosfa, Tunisie.
Entre la racine arabe QRN ? ? ? « corne, piton rocheux » et l’actuel Jbel Bou Garnan (il ne s’agit pas d’une « montagne aux deux cornes », même si la séquence finale [?n] peut à première vue suggérer la marque du duel arabe : l’origine serait phénicienne).
Inversement, si l’on suppose ainsi que des langues sont apparentées, il devient difficile, sur le plan étymologique, de rattacher un mot à une langue plutôt qu’à une autre. Plusieurs processus sont alors à envisager et notamment ceux issus de leurs contacts. Les langues qui nous concernent se sont succédées dans le temps et dans un espace donné ; mais deux d’entre elles ont coexisté très longtemps (berbère et phénico-punique). Des pans entiers de la toponymie maghrébine laissent voir les effets de ce contact. A partir d’une étude plus fine de ces données, on pourra peut-être progresser dans la connaissant du chamito-sémitique (ou afro-asiatique), dont le Maghreb, en qualité de terrain d’interface, serait en quelque sorte, une base « naturelle ».
 

Les toponymes contemporains​

Ce soubassement socio-historique du domaine maghrébin, esquissé précédemment, contribue à donner aujourd’hui au toponyme maghrébin un profil d’entité à la fois historiquement complexe et vivante. En tant qu’entité complexe, il s’est effectivement enrichi à travers le temps et les vicissitudes de l’histoire, mais témoignant au long de ce processus d’une permanence certaine. En tant qu’entité vivante, il est marqué par l’évolution linguistique et sociétale des groupes qui s’y réfèrent et la charge civilisationnelle qui s’y exprime.
Sous la pression de l’accroissement des échanges économiques et d’une centralisation administrative de plus en plus nette (en particulier depuis la période coloniale), le contenu de certains toponymes est mis en relation avec des réalités nouvelles. Par exemple, le nom de certaines macro-régions, de certains hydronymes. Comme je l’ai avancé, à la région (qui traditionnellement porte le nom de la tribu qui l’exploite) s’est substitué un découpage du territoire tenant moins compte des critères antérieurs que ceux des régions françaises (devenues sortes de modèles). Ces critères convergent vers la désignation d’ensembles plus vastes et mettent en valeur les grandes lignes de l’orographie (Rif, Gharb, Anti-Atlas etc.). De même la rivière qui, traditionnellement, change de nom lorsque son régime ou sa vallée change n’est plus désignée que par un nom, de la source à l’embouchure (Moulouya, Sebou, Tensift etc.).
Comment le toponyme maghrébin peut-il donc à la fois subir une certaine modernisation sans « perdre » un ou des composants de l’identité initiale ?
 

La normalisation des toponymes : les besoins​

Si le toponyme exprime le terroir qui l’a sécrété, il est également appelé à être diffusé au-delà de ce terroir sous une forme de préférence unique, normalisée.
Afin de comprendre la nature des problèmes qui se posent à la normalisation des toponymes maghrébins, un historique du contexte international dans lequel s’inscrit cette normalisation est nécessaire.
*
Les besoins en normalisation des toponymes de par le monde sont relativement récents. Nés d’abord de la volonté de standardiser la nomenclature des noms géographiques pour des besoins cartographiques, ces besoins se sont ensuite diversifiés, ont été « complexifiés » par l’exigence de précision de nouveaux utilisateurs des toponymes comme les compagnies de transport, les établissements commerciaux, les atlas mondiaux, les entreprises de signalisation et de cartes routières, les réseaux touristiques, bancaires, téléphoniques etc. Il n’est pas difficile d’imaginer l’importance et les enjeux économiques d’une normalisation des toponymes au sein d’un territoire national où :
  • plusieurs langues et dialectes (et des solutions graphiques différentes) sont en vigueur (Allemagne, Espagne, France)
  • plusieurs langues sont officielles (Belgique, Canada, Suisse)
  • plusieurs systèmes d’écriture coexistent (ex Yougoslavie, ex URSS)
 

Usages, instances et objectifs​

Un décalage entre l’usage officiel, local ou national, et la version internationale peut-être fréquemment observé. A l’extérieur du pays, le toponyme subit des déformations pour s’adapter à la langue d’accueil (il devient exonyme). Ce sont les raisons pour lesquelles s’est tenue en 1967 à Genève, la première Conférence des Nations Unies pour la Normalisation des Noms Géographiques dont les recommandations stipulaient qu’à un seul lieu ne devait correspondre qu’un seul nom et lançait un appel à tous les pays afin qu’ils créent des commissions, par pays ou ensemble de pays, pour réaliser une normalisation nationale ou régionale qui puisse servir de base à une normalisation internationale. La résolution 9 de la 1ère Conférence en 1967 était plus précisément un appel aux pays dont l’écriture n’utilise pas les caractères latins, à adopter et développer une transcription unique en caractères latins. L’objectif premier de cet appel était d’assister les cartographes et autres éditeurs des pays utilisant les caractères latins à élaborer des travaux cohérents : cartes, atlas, nomenclatures. L’un des principes des Conférences des Nations Unies pour la Normalisation des noms Géographiques  est donc depuis d’établir une norme commune pour transcrire des noms de lieux issus de la diversité des langues du monde. Celles-ci adoptent en effet des systèmes d’écriture très différents (logographique, syllabique, et alphabétique)  Qui plus est, différents pays n’utilisant pas les caractères latins pour leur propre production cartographique, comptent tout de même sur les cartes et les atlas imprimés en caractères latins pour s’approvisionner en données. Il faut donc bien disposer d’un fonds commun de données vérifiées et standardisées.
En ce qui concerne les pays du Maghreb, tant que les liens économiques internationaux étaient peu diversifiés, les besoins en matière toponymique restaient liés surtout à la cartographie. Les cartes dites « d’état-major » issues de la période coloniale ont continué d’être mises à contribution par les administrations pour le recensement, les impôts, le cadastre, les listes électorales, l’aménagement du territoire. On peut y constater différents défauts de normalisation visibles notamment dans une relative anarchie des transcriptions. Mais ces discordances, évidemment, tant qu’elles ne remettaient pas en cause le fonctionnement des services, n’étaient pas réellement combattues.
La toponymie maghrébine est notamment restée subordonnée aux productions et travaux antérieurs aux indépendances des trois États. La toponymie officielle, par conséquent, telle qu’elle peut être aujourd’hui établie et véhiculée par les organismes nationaux  fait souvent l’objet de réclamations tournant autour du très grand nombre de variantes écrites d’un même type de nom de lieu. Ces réclamations portent notamment sur :
  • les cartes topographiques,
  • les textes officiels (par exemple d’un décret à l’autre)
  • les listes électorales
  • les résultats de recensements.
 
Si l’on veut considérer les causes de cette anarchie, on doit évoquer la récolte des toponymes par des collecteurs généralement non natifs connaissant peu la langue et les dialectes locaux (période coloniale). En effet, la plupart des travaux effectués par le Service Géographique des Armées, par l’Institut Géographique National ou par l’Institut de Recherches Sahariennes ont appliqué un système de transcription unique pour l’ensemble de l’Afrique du Nord. Dans ce cas, la transcription en caractères latins d’une « coloration » locale (à tel ou tel endroit) a pu servir de norme ensuite pour l’ensemble du domaine (et donc ne pas convenir dans les faits).
C’est ce genre de chose qui explique par exemple la persistance de certaines transcriptions inadaptées de la lettre étymologique “?” par sa réalisation affriquée [“d?”], caractéristique de la prononciation algérienne (El-Djelfa, Bordj-Messouda). Cela vaut également pour la substitution aux interdentales étymologiques (“?” et “?”) de la réalisation occlusive [d, ?] correspondante, conforme à la prononciation marocaine (‘Aïn Diab).
Le consonantisme arabe inconnu des habitudes articulatoires françaises a, par ailleurs été particulièrement mal traité. La lettre (k) a représenté un moment aussi bien le son [k] que l’uvulaire glottalisée [q] : Kénitra
figure im24
” (Maroc), Kélibia
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” (Tunisie) et parfois le son [g] : Kasserine
figure im26
” (Tunisie), Ksar el Kebir (Maroc). De même les lettres étymologiques ont été transcrites par un unique (h)  (Mahdia, El Hajeb).
Même lorsqu’ils connaissaient la langue du pays, les agents chargés de recueillir les toponymes sur le terrain, non-initiés par ailleurs aux enquêtes linguistiques, se fondaient bien souvent sur l’avis des autorités communales, locales, lesquelles utilisaient elles-mêmes cartes et relevés antérieurs. Malgré leur souci de réaliser correctement les relevés (en particulier dans la transcription en caractères latins des nouveaux toponymes) ils auraient eu donc tendance, à leur corps défendant, à perpétuer bon nombre d’erreurs.
 

Unicité du toponyme : recherche de normalisation et problèmes​

La recherche de l’unicité du toponyme passe par la recherche de moyens permettant d’éviter l’apparition d’erreurs dues à l’intervention humaine. C’est pourquoi l’informatique apparaît comme indispensable sur le plan national, régional (arabe) et international. Au Maroc, l’ordinateur a été utilisé pour résoudre les problèmes de transcription que pose le passage de l’alphabet arabe à l’alphabet latin. La mise au point d’un système de standardisation des caractères arabes appelé Système Lakhdar (par référence à son inventeur) et les recherches poursuivies ont permis la mise au point en 1975 d’un logiciel, appelé Système ASV Codar, permettant la translittération automatique des caractères arabes en caractères latins. La généralisation et l’extension de cette avancée technologique, en particulier au domaine de la toponymie, se heurtent pointant à un certain nombre de difficultés qu’il faut résoudre auparavant et que j’évoquerai plus loin.
Répondant à l’appel des Nations Unies, mais aussi à la prise de conscience croissante relative aux noms de lieux en tant que composantes du patrimoine culturel ainsi qu’à des impératifs liés aux pratiques économiques, des commissions permanentes spécialisées en toponymie sont mises en place par les pays arabes. Ces commissions, attachées aux organismes officiels ont pour mission d’établir et de normaliser la terminologie géographique, d’officialiser les noms géographiques et de s’accorder sur un système unique de translittération des caractères arabes en caractères latins.
Sur le plan maghrébin, cela se traduit au versant national, par une mobilisation visant à concilier les graphies historiques du toponyme avec une graphie normalisée (qui reste à réaliser) et à l’officialiser. Cela passe par une réduction draconienne de l’écart entre la forme officielle et l’usage réel.
On peut noter par exemple que des zones d’incertitudes sont relevées dans la prononciation et la graphie de certains termes comprenant le son [g], qui n’a pas de symbole graphique en arabe écrit (voir aussi plus haut). Il est transcrit en arabe avec :

  • figure im27
    au Maroc
    figure im28
    [akadîr, agadir] Agadir

Ces traitements divergents concernent aussi bien des toponymes issus du substrat berbère. Cette réalisation [g] figure parmi les phonèmes de cette langue (Zagora, Maroc) ainsi qu’en arabe bédouin, qui comporte également [g] (Ouled Lgadi, région de Oujda), variante de [q] étymologique “?”. Cette relative richesse phonétique, issue de la dichotomie traditionnelle des parlers arabes (citadins vs bédouins) s’estompe évidemment si l’on adopte une graphie purement arabe. Celle-ci apparaît donc bien souvent comme inadéquate si l’on veut se référer à la prononciation réelle du toponyme. De même, la vocalisation brève, présente en arabe ancien a-t-elle souvent disparu dans la prononciation des mots du lexique en vigueur dans les parlers. Ce lexique représente véritablement le tronc commun entre l’arabe dialectal et l’arabe écrit. La disparition de la vocalisation brève évoquée a affecté en particulier les syllabes ouvertes, occasionnant par là une redistribution syllabique dans la matière phonique des mots du lexique et, partant un écart avéré. Sukhur se réduit à skhour déjà cité. Intéressant à plus d’un titre sont les exemples, nombreux, illustrant cet écart par le passage du registre des substantifs abstraits de l’arabe littéral vers des homologues concrets : tarbiyya (ar. Littéral) « éducation », tribya « bébé, nourisson ».
Par ailleurs, l’article arabe déterminé unique [al] , préfixe du substantif qu’il détermine, est toujours noté, qu’il soit prononcé en totalité ou partiellement. Il est partiellement prononcé (il est alors dit assimilé) lorsqu’il détermine un substantif commençant par l’une des 14 lettres (sur 28) suivantes :
 
«
figure im33
» correspondant aux réalisations : [t, ?, d, ð, r, z, s, ?, ?, ?, ?, ?, l, n]. Le son [1] de l’article “al” n’est plus réalisé. Il “disparaît” ainsi dans l’un des phonèmes suivants, lesquels se trouvent dédoublés en durée lors de la réalisation entière du mot. Les formes longues des noms de pays en transcription (cf. annexes) fournissent des exemples comme (al + Dimuqratiyah “
figure im34
”), qui donnera alors ad Dimuqratiyah.
Au volet international, la transcription de l’arabe en caractères latins, sous peine de faire perdre au toponyme sa quintessence, pose différents problèmes. Une normalisation latine du toponyme qui coulerait le toponyme maghrébin dans les gabarits de l’arabe écrit standard tendrait bien sûr à lui ôter sa spécificité régionale. L’orthographe de l’arabe écrit (liée à sa propre phonétique originelle) ayant été fixée une fois pour toute, rend difficilement compte de toute variation phonétique réelle, maghrébine (s) notamment. Au bout du compte, la graphie arabe est impropre aujourd’hui à représenter clairement nombre de changements phonétiques et de variations maghrébines. Il y a lieu de souligner que ce phénomène touche naturellement moins les grands centres au sein desquels tend à se développer une prononciation « moyenne », nationale. Là, grâce aux progrès de la scolarisation et de la généralisation de l’arabisation se développent des graphies arabes standard plutôt satisfaisantes.
 

Conclusion​

À ne considérer que l’échelon « national » des toponymes maghrébins, on aura compris que la restitution de ces toponymes au moyen de la graphie arabe courante pose différents problèmes liés notamment à l’inadéquation par rapport aux usages réels. Les transcriptions latines présentent également plusieurs défauts. Au niveau international, l’existence de deux systèmes d’expression des toponymes maghrébins, l’un plutôt proche des dialectes, l’autre davantage de l’arabe écrit standard approuvé par la Ligue Arabe, attestent des enjeux d’une normalisation internationale.
Éminemment spécifique, l’entité géographique locale ne semble pouvoir être transcrite que par le toponyme approprié et la prononciation locale qui lui correspond. Au Maghreb comme ailleurs, les gens sont sensibles à la transformation des noms propres, en alerte sur leurs propres anthroponymes, mais aussi préoccupés par la « bonne », la « vraie » prononciation des noms de lieux qui les entourent. Sans cela, on voit bien à quel point c’est la mémoire collective, le patrimoine, qui risquent d’être progressivement tronqués. C’est bien une question d’enracinement et d’attachement qui est alors posée.
En même temps, le Maghreb s’inscrit dans un monde où la diffusion de l’information, la communication, sont devenues prioritaires (pour des raisons économiques et politiques d’ensemble bien compréhensibles).
L’enjeu est donc aujourd’hui, pour l’ensemble des Maghrébins, d’apprendre à concilier :
  • d’une part un patrimoine diachroniquement et sociolinguistiquement composite (on a vu pourquoi), mais pour cette raison particulièrement original dans l’ensemble du monde arabo-musulman.
  • d’autre part une nécessité de lisibilité des données maghrébines, du fait notamment de la position d’interface du Maghreb, portion occidentale de l’ensemble arabo-musulman mais aussi subcontinent au contact direct de l’Europe.
Une chose est à peu près certaine. Il sera difficile de faire l’économie de cette réflexion d’ensemble et les Maghrébins (linguistes mais aussi membres de la société civile) devront y prendre une place croissante pour éviter que d’autres instances, à d’autres niveaux, produisent cette normalisation nécessaire qui doit en réalité venir du Maghreb lui-même.
 
Annexes
Dans la présentation des toponymes officiels qui suivent, on verra que coexistent des formes courtes ou longues des noms des pays. Les détails articulatoires et leurs précisions ne figurent pas comme des diacritiques sur le corps de la translittération mais font l’objet de renvois et de paraphrases. Ces paraphrases indiquent soit la place du trait de longueur vocalique dans le mot (exemple : a pour Al Jaza’ir, u pour Al Jumhuriyah, i pour al Jaza’ iriyah), soit la marque choisie (ici la cédille) pour l’emphase (exemple ç de Dimuqraçiyah), soit enfin pour indiquer une variante attestée de la forme courte ou longue. Ces formes courtes ou longues sont également présentées dans les trois principales langues internationales d’Europe occidentale utilisant les caractères latins.
 
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