Pensée critique : Que cache l’avalanche de reconnaissances de l’État de Palestine ?

Ces dernières semaines, une vague de pays – l’Espagne, la Norvège, l’Irlande, la Slovénie, entre autres – a annoncé à cors et à cris sa reconnaissance à l’État de Palestine. Pour certains, il s’agit d’une étape historique. Pour d’autres, une victoire morale après des décennies d’occupation et de souffrance. Mais derrière ces gestes diplomatiques se cache une stratégie beaucoup plus complexe. La question est inévitable : quels sont les intérêts réels derrière cette soudaine avalanche de reconnaissances ?

Un État palestinien ou une issue pour l’Occident ?

Tout d’abord, il faut comprendre que ces reconnaissances ne sortent pas de rien. Elles se produisent au milieu d’une guerre génocidaire contre Gaza, où Israël a échoué dans sa tentative d’éliminer la résistance palestinienne, en particulier le Hamas. Ni avec des bombes, ni avec la faim, ni avec les déplacements forcés, il n’a réussi à soumettre un peuple qui résiste dans la dignité.

Face à cet échec, l’Occident – et en particulier les États-Unis et l’Europe, sont à la recherche d’un plan B. Ils ne peuvent plus soutenir le récit qu’Israël «se défend». Ils ont besoin d’offrir une alternative qui maintienne le contrôle politique, désactive la résistance et apaise les pressions sociales internes. C’est là qu’intervient la reconnaissance de «l’État palestinien».

Mais il y a un truc. Parce que l’État reconnu n’a pas ni frontières, ni armée, ni souveraineté sur son territoire. Il ne contrôle ni son espace aérien ni son espace maritime. Il ne peut garantir la sécurité de ses citoyens et n’a pas d’unité politique. En substance, c’est un fantôme administratif sous occupation. Et ce n’est pas un véritable État.

Blanchiment de l’image de l’Europe

Ces reconnaissances servent également à nettoyer la conscience de l’Europe. Après des mois de complicité avec le génocide, que ce soit grâce au silence, à l’appui militaire ou aux sanctions ciblées contre la résistance, ils essaient maintenant d’équilibrer la balance avec un geste symbolique. Ils parlent de «deux États» – comme s’il s’agissait encore d’une option viable alors qu’en réalité, Israël a tellement fragmenté et colonisé le territoire que cette formule est devenue impraticable.

On reconnaît «un État palestinien» maison ne sanctionne pas Israël, on ne coupe pas la vente d’armes et l’expansion des colonies de peuplement ne cesse pas. En d’autres termes, on légitime une solution diplomatique sans modifier les conditions matérielles de l’occupation.
 

Et si l’objectif réel était de remplacer la résistance ?

Un autre élément inquiétant est qui on reconnaît. La plupart de ces pays continuent de considérer l’Autorité palestinienne comme le «Gouvernement légitime» du peuple palestinien malgré son absence de représentativité, sa corruption interne et sa collaboration avec l’occupation.

Sommes-nous face à une tentative de réorganisation des dirigeants palestiniens de l’extérieur, en excluant les mouvements de résistance tels que le Hamas ou le Jihad islamique ? Cherche-t-on à créer un état artificiel et obéissant qui administre l’occupation sans la remettre en question ?

Si tel est le cas, l’avalanche de reconnaissances serait moins une démonstration de solidarité et qu’une manœuvre géopolitique pour neutraliser la lutte du peuple palestinien.

Le piège de l’État fictif

Il existe un risque énorme que le monde commence à parler de la Palestine en tant qu’«État reconnu» alors que, dans la pratique, elle reste une nation occupée, colonisée et bloquée. Cette fiction juridique peut être utilisée pour geler le conflit, désamorcer les plaintes internationales et rendre les victimes elles-mêmes responsables de leur situation.

Dans ce scénario, la cause palestinienne d’une lutte anti-coloniale légitime se transforme en un différend bureaucratique entre deux Gouvernements. On efface l’histoire, on rend l’apartheid invisible et la voix des martyrs s’éteint.

Conclusion

L’avalanche de reconnaissance n’est ni gratuite ni désintéressée ni révolutionnaire. Elle s’inscrit dans le cadre d’un réajustement politique mondial face à l’usure morale de l’Occident et à la montée de la résistance palestinienne. Cela peut être utile sur le plan diplomatique, oui, mais nous ne devons pas nous laisser tromper : la vraie libération ne viendra pas des chancelleries mais de la détermination du peuple palestinien, à Gaza, en Cisjordanie, en exil et dans la diaspora.

Tant que le régime d’occupation sioniste ne sera pas démantelé, aucune reconnaissance ne sera complète. Et tant que le sang continuera à couler à Gaza, aucun geste symbolique ne suffira.

source : Resumen Latinoamericano via Bolivar Infos
 
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