Des pensions allemandes toujours versées aux collaborateurs de 40-45 : une bien longue saga

belgika

Vis et meurs entre les 2 fais de ton mieux
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Cet après-midi, la Commission des relations extérieures de la Chambre devrait examiner une résolution co-signée par six parlementaires (PS, SP.A, Défi, MR, Open Vld et CDH), visant, je cite, "à clarifier et à abroger le régime des pensions octroyées aux anciens collaborateurs militaires belges du régime national-socialiste allemand durant la Seconde guerre mondiale".


Ceci alors que l'on apprend que, bientôt 75 ans après la fin du conflit, 27 Belges touchent encore une pension complémentaire allemande, héritage garanti par décret par Adolf Hitler dès 1941 pour récompenser ces Belges pour leur loyauté à l'Allemagne nazie.


Une promesse sur laquelle l'Allemagne n'est jamais revenue. Dès 1949, la RFA, comme successeure de plein droit du IIIème Reich allemand, décidait en effet de reprendre les droits et devoirs de celui-ci, y compris les droits de pensions.


Des droits payés depuis par les Länder.


Une situation régulièrement pointée par le Groupe "Mémoire-Herinnering", rassemblant les rescapés (et désormais leurs descendants) des camps de concentration et d'extermination nazis et une série de citoyens engagés.
 

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20 ans de débats déjà
La collaboration de certains Belges avec l'Occupant allemand durant la Seconde guerre mondiale fait partie des pages les plus sombres de notre Histoire.


Des pages toujours polémiques d'un passé qui ne passe pas vraiment.


A l'issue de la guerre, environ 80.000 Belges ont été jugés coupables de collaboration avec l'ennemi et de crimes de guerre par les tribunaux belges, collaboration militaire, économique, collaboration à titres divers.


Avec une répression qui fait régulièrement débat jusqu'à aujourd'hui, notamment au nord du pays.

Mais ce qui fait polémique depuis bientôt 20 ans c'est la découverte que des collaborateurs militaires belges, anciens membres de la Waffen SS, notamment engagés aux côtés de l'armée allemande sur le Front de l'Est, condamnés par la justice belge d'après-guerre, ont perçu et perçoivent toujours pour certains - et leurs ayants droit -, du gouvernement allemand, des pensions de guerre pour leur collaboration.


Comme s'ils étaient considérés comme des "travailleurs" comme les autres, disent les auteurs de la résolution à voter ce jour.


Des pensions variant de 425 à 1275 euros, plus élevées que les dédommagements et indemnités versés par l'Allemagne aux déportés et travailleurs obligatoires où l'on parle là de 50 euros mensuels.


Des pensions pour lesquelles les années passées dans les prisons belges pour faits de collaboration ont compté pour des années de travail.

Plus le séjour carcéral était long, plus la pension touchée était importante.


Au-delà du problème moral que présente cette situation, il apparaît aussi que ces revenus versés à d'anciens collaborateurs échappent aux services du fisc belge - on va y revenir - et n'ont jamais été taxés...
 

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Des bénéficiaires inconnus de l'Etat belge
Au total, depuis la fin de la guerre, sur 80.000 Belges condamnés pour faits de collaboration, 38.000 ont bénéficié de cette pension complémentaire allemande.


Au fil du temps forcément beaucoup sont décédés. En 1997 déjà, le député socialiste flamand Fred Erdman avait tenté d’en savoir plus… sans résultats.


En 2012, on découvrait au travers de quelques questions parlementaires au gouvernement fédéral et au travers surtout des recherches d'Alvin De Coninck, un fils de résistant engagé au sein du Groupe "Mémoire", que 2500 collaborateurs nazis belges recevaient toujours une pension allemande.


Le chercheur s'interrogeait alors sur la volonté du fisc allemand de soudain taxer fortement les pensions versées par l'Allemagne à des travailleurs obligatoires belges.


En 2010, le gouvernement allemand, à la recherche d'économies, avait en effet approuvé une loi fixant à 17% le nouveau taux d'imposition sur les pensions de guerre.


La mesure, avec effet rétroactif à partir de 2005, n'était, selon le chercheur, pas dirigée contre les travailleurs obligatoires en Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais bien contre leurs bourreaux!


En Allemagne, c'est le fédéral qui est chargé des pensions et les entités fédérées qui décident en matière d'impôts. La loi sur la vie privée empêchait cependant qu'un service ait accès aux données d'un autre service.


Impossible donc par exemple de voir si quelqu'un avait été travailleur obligatoire ou surveillant SS dans un camp de concentration.


Alvin De Coininck concluait qu'il n'y avait pas seulement 13.500 travailleurs obligatoires belges qui recevaient une pension de l'Etat allemand, mais également environ 2.500 collaborateurs...

Il fallait du temps pour que le politique s'empare effectivement du dossier.


Celui-ci revenait à la "une" en 2016, indirectement, avec un Règlement de la Commission européenne 1368/2014, obligeant les Etats membres de l'Union à échanger des données et s'informer mutuellement des pensions qu'ils versent à leurs citoyens respectifs par-delà les frontières.



Certains ayants droit ont visiblement commencé à s'affoler si l'on en croit des publications dans des revues ou brochures alors d'associations d'anciens du Front de l'Est, priés soudain de remplir des formulaires envoyés par l'Allemagne et les interrogeant notamment sur leurs condamnations passées.


Le sujet devenait embarrassant.


Des questions étaient posées au ministre de la Défense Steven Vandeput, à son collègue des Finances Johan Van Overtveldt ou des Affaires étrangères Didier Reynders; et chacun se renvoyait la "patate chaude" et renvoyait surtout à l'Allemagne qui refusait de communiquer sur les bénéficiaires des pensions de guerre.


Impossible de confirmer combien de personnes ou d'ayants droit en bénéficiaient encore.

Les noms n'étaient pas transmis par Berlin à l'Etat belge.
 

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En 2017, ils étaient apparemment encore 30 collaborateurs à percevoir une pension.


En janvier de la même année, les députés déposaient un texte de résolution pour demander au gouvernement de mettre fin à cette "injustice choquante".


A la demande du Groupe "Mémoire" toujours, des auditions étaient organisées à la Chambre en mars, notamment celle de l'ambassadeur d'Allemagne en Belgique Rüdiger Lüdekring, lequel faisait preuve de bonne volonté mais se disait à nouveau incapable de livrer de vraies précisions, les données "pensions" demeurant aux mains des 16 Länder.


Des Länder qui, eux, disaient ne pas disposer de listes par pays. 2018, une première du genre : une mission parlementaire belge se rendait à Berlin courant juin pour une concertation avec des députés allemands.


Les députés belges y découvraient notamment que les autorités du Land de Rhénanie-Westphalie seraient responsables et détentrices de l'essentiel des dossiers concernant des Belges. 2019, il resterait donc 27 Belges percevant cette pension complémentaire et la commission des Relations extérieures de la Chambre va peut-être enfin adopter sa résolution ce mardi après-midi.
 

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"Une urgence diplomatique"
Les auteurs de la résolution estiment donc que "la problématique doit être traitée d'urgence sur le plan diplomatique par les gouvernements belge et allemand afin de clarifier cette situation et de rétablir une justice fiscale, sociale et mémorielle conforme aux engagements historiques et moraux des fondateurs de l'Europe, dont notre pays et l'Allemagne font partie".


Le texte demande au gouvernement fédéral de requérir auprès des autorités allemandes la transmission de la liste des bénéficiaires des pensions et leurs montants, d'exiger du gouvernement allemand la fin du régime des pensions accordées aux collaborateurs belges.


Il décide aussi de constituer une commission scientifique (de 8 membres, à parité linguistique, présentés par les universités reconnues par les Communautés) qui réalisera dans les dix ans une analyse de la liste et formulera des recommandations au gouvernement et à la Chambre sur les suites à donner.

A noter, ultime précision, que la même situation de pensions complémentaires allemandes se pose toujours aujourd'hui dans une série d'autres Etats européens, au-delà du cas belge, à savoir par exemple l'Espagne (avec certains anciens combattants franquistes complices des nazis), en Grande-Bretagne où des anciens SS perçoivent toujours une pension, mais aussi en Suède ou encore en Suisse.



https://www.rtbf.be/info/belgique/d...urs-de-40-45-une-bien-longue-saga?id=10149452
 
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