Le Compagnon Ibn Abbâs disait d'un des Hadîths de ce genre qu'il veut dire
: "n'a pas en lui, au moment de commettre cet acte, la lumière de la foi" (cité
par Al-Bukhârî, kitâb al-hudûd). D'une façon plus générale, comme Ibn Taymiyya
l'a relaté de savants, ces Hadîths veulent dire qu'il "n'a pas la foi complète",
et non pas qu'il "n'a plus la foi du tout" (Kitâb al-imân, p. 283). En effet, la
foi n'est complète que lorsqu'on a certes les croyances voulues, mais aussi
qu'on développe en soi la spiritualité authentique, qu'on fait les actes de bien
obligatoires et qu'on se préserve des actes interdits (kabâ'ir).
Et comment, me direz-vous encore, comprendre les Hadîths sus-cités, qui
disent que celui qui fait ces actes a fait un acte d'incroyance ("kufr") ?
"Kufr" veut bien dire "incroyance", n'est-ce pas ?
En fait il faut savoir que, dans les Hadîths, le terme "kufr" désigne
habituellement le "kufr i'tiqâdî", c'est-à-dire l'incroyance, mais aussi parfois
le "kufr 'amalî", c'est-à-dire le grand péché seulement. C'est ce qu'a expliqué
le Compagnon Ibn Abbâs lorsqu'il a dit : "Il existe un kufr moindre que le kufr"
(rapporté par At-Tabarî, authentifié par Al-Albânî). Des propos similaires ont
été tenus par 'Atâ et Tâ'ûs (rapportés par Al-Hâkim, authentifiés par Al-Albânî,
Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 6 pp. 111-116). "Il existe un kufr moindre
que le kufr" : ici, le "kufr moindre" est le "kufr 'amalî", qui correspond au
grand péché. Le fait de commettre un grand péché amoindrit certes la foi mais ne
la fait pas disparaître au point de constituer le "kufr" dans son sens habituel,
c'est-à-dire le "kufr i'tiqâdî", au point, donc, que l'on quitterait l'islam.
Voici un autre Hadîth où le terme "kufr" a été encore une fois employé
dans le sens de "péché" ("kufr 'amalî") et non pas d' "incroyance" ("kufr
i'tiqâdî") : "Deux choses existent chez les hommes, qui sont du kufr chez eux :
remettre en question les filiations et faire des lamentations à propos du mort"
(rapporté par Muslim). Il s'agit bien entendu ici du "kufr 'amalî" et non du
"kufr i'tiqâdî".
"Insulter un musulman est un acte de mal ("fusûq"), et le combattre est un
acte de kufr" : voilà un autre Hadîth encore, rapporté par At-Tirmidhî, qui le
commente lui-même ainsi : "Le sens des mots "le combattre est un acte de kufr"
n'est pas que l'homme serait alors devenu incroyant comme l'est l'apostat. La
preuve en est que le Prophète (sur lui la paix) a dit : "Quand quelqu'un a été
tué volontairement, sa famille a le choix : s'ils le veulent ils demandent
l'exécution de l'assassin, et s'il le veulent ils pardonnent". Or, si le
meurtrier était devenu incroyant à cause de son acte, il aurait fallu
obligatoirement l'exécuter [et on n'aurait pas pu donner le choix à la famille
de la victime]. En fait, [il y a là] ce qui est rapporté de Ibn Abbâs, de
Tâ'oûs, de 'Atâ et de plus d'un savant : "Il existe un "kufr" moindre que le
"kufr", un "fusûq" moindre que le "fusûq"." (Sunan At-Tirmidhî, kitâb ul-îmân).
Conclusion
Celui qui se laisse aller à faire des actes interdits par l'islam, tels
que boire de l'alcool, avoir des relations intimes hors mariage, etc., voit sa
foi diminuer : sa foi n'est pas complète. Mais du moment qu'il considère bien
que ces actes sont interdits, il ne perd pas sa foi au point de quitter l'islam
et reste donc musulman.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).