Voici l'extrait :
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XVII. — J’ai de quoi te faire voir, Cébès, reprit Socrate, que nous n’avons pas eu tort non plus, à ce qu’il me semble, d’en tomber d’accord. Si en effet les naissances ne s’équilibraient pas d’un contraire à l’autre et tournaient pour ainsi dire en cercle, si au contraire elles se faisaient en ligne droite et uniquement d’un contraire à celui qui lui fait face, si elles ne revenaient pas vers l’autre et ne prenaient pas le sens inverse, tu te rends bien compte qu’à la fin toutes les choses auraient la même figure et tomberaient dans le même état et que la génération s’arrêterait.
— Comment dis-tu ? demanda-t-il.
— Il n’est pas du tout difficile, repartit Socrate, de comprendre ce que je dis. Si par exemple l’assoupissement existait seul, sans avoir pour lui faire équilibre le réveil né du sommeil, tu te rends compte qu’à la fin Endymion passerait inaperçu dans le monde endormi et ne ferait plus figure nulle part, puisque tout le reste serait dans le même état que lui et dormirait comme lui. Et si tout était mêlé ensemble sans se séparer jamais, le mot d’Anaxagore : « Tout était confondu ensemble », deviendrait bientôt vrai. De même, mon cher Cébès, si tout ce qui a part à la vie venait à mourir, et, une fois mort, restait en cet état, sans revenir à la vie, n’arriverait-il pas inévitablement qu’à la fin tout serait mort et qu’il n’y aurait plus rien de vivant ? Si en effet les choses vivantes naissaient d’autres choses que des mortes et qu’elles vinssent à mourir, le moyen que tout ne s’abîmât pas dans la mort ?
— Je n’en vois aucun, Socrate, dit Cébès, et tu me parais tout à fait dans le vrai.
— Effectivement, Cébès, reprit Socrate, rien n’est plus vrai, selon moi, et nous ne nous trompons pas en le reconnaissant. Il est certain qu’il y a un retour à la vie, que les vivants naissent des morts, que les âmes des morts existent [et que le sort des âmes bonnes est meilleur, celui des mauvaises pire].
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