Poèmes à partager

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Je m'élève toujours​

Tu peux m'inscrire dans l'histoire
Avec tes mensonges amers et tordus,
Tu peux me marcher dessus dans la poussière
Mais malgré tout, comme la poussière, je m'élèverai.

Est-ce que mon impertinence vous dérange ?
Pourquoi es-tu en proie à la tristesse ?
Parce que je marche comme si j'avais des puits de pétrole
Pompage dans mon salon.

Tout comme les lunes et les soleils,
Avec la certitude des marées,
Tout comme les espoirs qui jaillissent,
Je m'élèverai quand même.

Voulais-tu me voir brisé ?
Tête baissée et yeux baissés ?
Les épaules tombant comme des larmes,
Affaibli par mes cris émouvants ?

Est-ce que mon arrogance vous offense ?
Ne le prends pas très mal
Parce que je ris comme si j'avais des mines d'or
Je creuse dans mon propre jardin.

Tu peux me tirer dessus avec tes mots,
Tu peux me couper avec tes yeux,
Tu peux me tuer avec ta haine,
Mais malgré tout, comme l'air, je m'élèverai.

Est-ce que ma sensualité te dérange ?
Est-ce une surprise ?
Que je danse comme si j'avais des diamants
A la rencontre de mes cuisses ?

Hors des huttes de la honte de l'histoire
Je me lève
Surmonter un passé enraciné dans la douleur
Je me lève
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Je porte des flots et des gonflements dans la marée.

Laissant derrière nous des nuits de terreur et de peur
Je me lève
Dans une aube merveilleusement claire
Je me lève
Apportant les cadeaux que mes ancêtres m'ont donnés,
Je suis le rêve et l'espoir de l'esclave.
Je me lève
Je me lève
Je me lève.
Un bijou Still I rise quoi qu il arrive
 
Je suis née
avec la bouche ouverte,
Dans ma salive :
de la boue, de l’aube,
et les restes d’un cri
que personne n’a su lire.
On m’a dit :
« Ferme-la. Sois sage. Sois belle. Sois lisse. »
Mais moi, j’étais rugueuse,
faite de sable, d’os et de sel.
Je portais des Izran entre les dents,
des chants d’anciennes,
des secrets de femmes à la hanche en feu.
Ils ont mis des clés sur ma langue,
mais aucune serrure n’a tenu.
Ma bouche est un champ.
Elle pousse des ombres et des frissons.
Elle lèche le feu,
elle caresse les bêtes,
elle mord la nuit quand elle a faim.
Je suis la femme au souffle de braise,
celle qui n’écrit pas la poésie,
mais la saigne
à même la gorge.
Je suis née pour crier l’amour
jusqu’à ce que le monde chavire.
Et s’il reste de la boue sur mes lèvres,
c’est que j’ai embrassé la terre
avant d’embrasser les hommes.
.
.
.
Nawal Ziani
 
Sur la peur – Kahlil Gibran


On dit que, juste avant d’entrer dans la mer,
une rivière tremble de peur.
Elle regarde en arrière le chemin qu’elle a parcouru,
depuis les sommets des montagnes,
la longue route sinueuse à travers forêts et villages.
Et devant elle,
elle voit un océan si vaste
que s’y engager
revient à disparaître à jamais.

Mais il n’y a pas d’autre choix.
La rivière ne peut pas faire demi-tour.
Personne ne peut revenir en arrière.
Reculer est impossible dans l’existence.

La rivière doit prendre le risque
d’entrer dans l’océan,
car ce n’est qu’alors que la peur disparaîtra,
car c’est là que la rivière comprendra
qu’il ne s’agit pas de disparaître dans l’océan,
mais de devenir l’océan.

~ Kahlil Gibran
 

Gunter Grass Poème de 2012​

Ce qui doit être dit

Pourquoi me taire, pourquoi taire trop longtemps
Ce qui est manifeste, ce à quoi l'on s'est exercé
dans des jeux de stratégie au terme desquels
nous autres survivants sommes tout au plus
des notes de bas de pages

C'est le droit affirmé à la première frappe
susceptible d'effacer un peuple iranien
soumis au joug d'une grande gueule
qui le guide vers la liesse organisée,
sous prétexte qu'on le soupçonne, dans sa zone de pouvoir,
de construire une bombe atomique.

Mais pourquoi est-ce que je m'interdis
De désigner par son nom cet autre pays
Dans lequel depuis des années, même si c'est en secret,
On dispose d'un potentiel nucléaire en expansion
Mais sans contrôle, parce qu'inaccessible
À toute vérification ?

Le silence général sur cet état de fait
silence auquel s'est soumis mon propre silence,
pèse sur moi comme un mensonge
une contrainte qui s'exerce sous peine de sanction
en cas de transgression ;
le verdict d'"antisémitisme" est courant.

Mais à présent, parce que de mon pays,
régulièrement rattrapé par des crimes
qui lui sont propres, sans pareils,
et pour lesquels on lui demande des comptes,
de ce pays-là, une fois de plus, selon la pure règle des affaires,
quoiqu'en le présentant habilement comme une réparation,
de ce pays, disais-je, Israël
attend la livraison d'un autre sous-marin
dont la spécialité est de pouvoir orienter des têtes explosives
capables de tout réduire à néant
en direction d'un lieu où l'on n'a pu prouver l'existence
ne fût-ce que d'une seule bombe atomique,
mais où la seule crainte veut avoir force de preuve,
je dis ce qui doit être dit.

Mais pourquoi me suis-je tu jusqu'ici ?
parce que je pensais que mon origine,
entachée d'une tare à tout jamais ineffaçable,
m'interdit de suspecter de ce fait, comme d'une vérité avérée,
le pays d'Israël, auquel je suis lié et veux rester lié.

Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire,
vieilli, et de ma dernière encre :
La puissance atomique d'Israël menace
une paix du monde déjà fragile ?
parce qu'il faut dire, ce qui, dit demain, pourrait déjà l'être trop tard :
et aussi parce que nous - Allemands,
qui en avons bien assez comme cela sur la conscience -
pourrions fournir l'arme d'un crime prévisible,
raison pour laquelle aucun
des subterfuges habituels n'effacerait notre complicité.

Et admettons-le : je ne me tais plus,
parce que je suis las de l'hypocrisie de l'Occident ; il faut en outre espérer
que beaucoup puissent se libérer du silence,
et inviter aussi celui qui fait peser cette menace flagrante
à renoncer à la violence
qu'ils réclament pareillement
un contrôle permanent et sans entraves
du potentiel nucléaire israélien
et des installations nucléaires iraniennes
exercé par une instance internationale
et accepté par les gouvernements des deux pays.

C'est la seule manière dont nous puissions les aider
tous, Israéliens, Palestiniens,
plus encore, tous ceux qui, dans cette
région occupée par le délire
vivent côte à côte en ennemis
Et puis aussi, au bout du compte, nous aider nous-mêmes.
 
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