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[QUOTE="Drianke, post: 18051244, member: 174325"] [HEADING=2]« Etat de siège »[/HEADING] Un poème inédit de Mahmoud Darwich. Ramallah, janvier 2002 par [URL='https://www.monde-diplomatique.fr/auteurs/mahmoud-darwich']Mahmoud Darwich[/URL] [URL='https://www.monde-diplomatique.fr/2002/04/DARWICH/8722#partage'] [/URL] [I]Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps Près des jardins aux ombres brisées, Nous faisons ce que font les prisonniers, Ce que font les chômeurs : Nous cultivons l’espoir. * * * Un pays qui s’apprête à l’aube. Nous devenons moins intelligents Car nous épions l’heure de la victoire : Pas de nuit dans notre nuit illuminée par le pilonnage. Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière Dans l’obscurité des caves. * * * Ici, nul « moi ». Ici, Adam se souvient de la poussière de son argile. * * * Au bord de la mort, il dit : Il ne me reste plus de trace à perdre : Libre je suis tout près de ma liberté. Mon futur est dans ma main. Bientôt je pénètrerai ma vie, Je naîtrai libre, sans parents, Et je choisirai pour mon nom des lettres d’azur... * * * Ici, aux montées de la fumée, sur les marches de la maison, Pas de temps pour le temps. Nous faisons comme ceux qui s’élèvent vers Dieu : Nous oublions la douleur. * * * Rien ici n’a d’écho homérique. Les mythes frappent à nos portes, au besoin. Rien n’a d’écho homérique. Ici, un général Fouille à la recherche d’un Etat endormi Sous les ruines d’une Troie à venir. * * * Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez, Buvez avec nous le café arabe Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons Sortez de nos matins, Nous serons rassurés d’être Des hommes comme vous ! * * * Quand disparaissent les avions, s’envolent les colombes Blanches blanches, elles lavent la joue du ciel Avec des ailes libres, elles reprennent l’éclat et la possession De l’éther et du jeu. Plus haut, plus haut s’envolent Les colombes, blanches blanches. Ah si le ciel Etait réel [m’a dit un homme passant entre deux bombes] * * * Les cyprès, derrière les soldats, des minarets protégeant Le ciel de l’affaissement. Derrière la haie de fer Des soldats pissent — sous la garde d’un char - Et le jour automnal achève sa promenade d’or dans Une rue vaste telle une église après la messe dominicale... * * * [A un tueur] Si tu avais contemplé le visage de la victime Et réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre A gaz, tu te serais libéré de la raison du fusil Et tu aurais changé d’avis : ce n’est pas ainsi qu’on retrouve une identité. * * * Le brouillard est ténèbres, ténèbres denses blanches Epluchées par l’orange et la femme pleine de promesses. * * * Le siège est attente Attente sur une échelle inclinée au milieu de la tempête. * * * Seuls, nous sommes seuls jusqu’à la lie S’il n’y avait les visites des arcs en ciel. * * * Nous avons des frères derrière cette étendue. Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent. Puis ils se disent en secret : « Ah ! si ce siège était déclaré... » Ils ne terminent pas leur phrase : « Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas. » * * * Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour. Et dix blessés. Et vingt maisons. Et cinquante oliviers... S’y ajoute la faille structurelle qui Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée. * * * Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé Car mes vêtements sont trempés de son sang. * * * Si tu n’es pluie, mon amour Sois arbre Rassasié de fertilité, sois arbre Si tu n’es arbre mon amour Sois pierre Saturée d’humidité, sois pierre Si tu n’es pierre mon amour Sois lune Dans le songe de l’aimée, sois lune [Ainsi parla une femme à son fils lors de son enterrement] * * * Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés De guetter la lumière dans notre sel Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ? * * * Un peu de cet infini absolu bleu Suffirait A alléger le fardeau de ce temps-ci Et à nettoyer la fange de ce lieu * * * A l’âme de descendre de sa monture Et de marcher sur ses pieds de soie A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis De longue date, qui se partagent le pain ancien Et le verre de vin antique Que nous traversions ensemble cette route Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes : Moi, au-delà de la nature, quant à elle, Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé. * * *[/I] A suivre [/QUOTE]
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