Pourquoi apprendre la jurisprudence avec les savants ?

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
« À elle seule, la lecture autonome des ouvrages de jurisprudence ne fait pas de savant »

L’apprentissage avec les chouyoukh est une condition indispensable pour créer la personnalité juridique de l’étudiant (I). De plus, l’étude auprès des chouyoukh est validée par une ijaza qui témoigne de la qualité de l’enseignement (II). Enfin, les ouvrages ne contiennent pas tous les savoirs. Ceux qui apprennent sur le mode de l’autodidactisme, sans passer par les chouyoukh, se privent des connaissances des chouyoukh. En effet, les chouyoukh peuvent transmettre parfois des points juridiques intéressants qui sont absents dans les ouvrages (III). Notons que cette présentation est limitée aux côtés juridiques et méthodologiques de la fréquentation des savants. Les côtés spirituels et leurs effets ne font pas objet de la perspective de ces lignes.

I- La méthodologie juridique :

Beaucoup de gens croient qu’en lisant les ouvrages de fiqh, ils deviennent des savants. En fait, l’apprentissage du fiqh doit passer par l’étude d’une échelle d’ouvrage – selon un niveau croissant – auprès d’un savant spécialisé en fiqh. Cette étude habilite l’étudiant à analyser les ouvrages de fiqh d’après la méthodologie de l’école. En fait, l’étudiant ne peut jamais choisir arbitrairement les ouvrages à étudier, c’est à son Sheikh de lui déterminer les ouvrages à étudier, à côté de son cursus, selon son niveau. Quant à l’étude autonome dans les ouvrages de fiqh, elle est réservée pour ceux qui ont acquis le niveau avancé en jurisprudence. Grâce à ses études auprès des shuyûkh, l’étudiant ayant atteint ce niveau avancé penchera tout seul vers les ouvrages pour profiter de l’immense savoir des savants en utilisant les fondements de l’école.

Pire encore, certains autodidactes commencent à enseigner la jurisprudence d’après leur propre compréhension. Cependant, l’enseignement du fiqh est réservé à ceux qui ont maitrisé l’école et sa méthodologie. En effet, l’apprentissage auprès des savants est indispensable pour acquérir une pensée juridique saine et une méthodologie bien ancrée selon les règles de l’école suivie.

Selon la méthodologie classique, l’étudiant doté d’une ’ijâza ne saute pas les étapes pour se mettre à enseigner directement. Il doit passer par des stages d’enseignement où le Sheikh charge l’étudiant de certaines missions d’enseignement en sa présence. Ces stages octroient l’étudiant les outils d’enseignement et de transmission de la science d’après la méthodologie classique.

C’est pourquoi l’étude auprès des savants assure une protection de la communauté contre les pseudo-savants qui se disputent à enseigner ce qu’ils n’ont pas appris avec les shuyûkh. L’imam Malik fit une recommandation à ses étudiants en ces termes :

أوصى مالك بنُ أنسٍ قائلاً: لا تحمِل العلمَ عمَّن لم يُعرف بالطلب، ومجالسةِ أهل العلم.

« Lâ taḥmil al- ͑ ilma ‘amman lam yuʿraf bi-al-ṭalab wa-mujâlasati ’ahli al- ʿilmi »

« N’apprends jamais l’enseignement d’un homme qui n’est reconnu ni pour avoir tiré son savoir auprès des véritables gens de science, ni pour les avoir fréquenté »[1].

De même, nos shuyûkh décrivent le cas de ces gens en annonçant la règle de comportement suivante :

»من كان شيخه كتابه، كثر خطؤه وقلَّ صوابه «

« Man kâna šayḫuhu kitâbuhu, kaṯura ḫata’uhu wa-qalla ṣawabuh »

« Celui pour qui les livres ont constitué le Sheikh, amplifiées seront ses âneries et diminuée sera sa raison ».
 

Drianke

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II- Le rôle des « ’ijaza » dans la jurisprudence

Le mot « ’ijaza » signifie littéralement une autorisation. Dans les sciences islamiques, c’est un certificat dont la valeur scientifique se détermine d’après sa nature qui peut être « ’ijazatu al-riwâya » ou « ’ijâzatu al-dirâya ».

Le premier type est basé sur la riwâya qui signifie littéralement : « narration ». Cette ’ijâza donne son porteur le droit de transmettre une parole, un hadith, un livre … Elle est octroyé après le suivi d’une lecture ou d’une récitation d’un ouvrage. Alors, elle n’atteste d’aucun niveau scientifique et ne donne à son porteur aucune autorisation d’enseignement. Tout simplement, son porteur est doté d’une possibilité de transmettre l’objet de la ’ijaza, il devient un simple narrateur dans la chaine de transmission.

Par contre, le deuxième type de ’ijâza, « ’ijâzatu al-dirâya », est basé sur la notion de dirâya qui signifie littéralement : « avoir les connaissances ». Cette ’ijâza n’est donnée qu’après un examen pointu et profond dans le contenu du livre. Elle donne à son porteur le droit d’enseignement et de transmission de son objet. Ce type d’ijâza est aussi nommée ’ijâza scientifique. Le niveau de l’étudiant se détermine d’après le contenu de la ’ijâza. Une ’ijâza d’enseignement d’un ouvrage signifie l’autorisation d’enseigner cet ouvrage, tandis que l’ijâza dans le madhab est donné suite à l’étude d’un cursus prédéterminé constituant la base de l’école. Cette dernière ’ijâza signifie que son porteur est devenu un mufti d’après l’école. Cependant, quelques écoles admettent une particularité à ce niveau, par exemple, le degré de ifta’ est donné chez les Shafiite avec l’octroie d’une ’ijâza en Minhâj al-Tâlibîn de l’imam al-Nawawî ainsi qu’avec l’octroie d’une ’ijâza dans l’école.

La transmission du savoir « de bouche à oreille », par les ’ijâzate scientifiques, assure la qualité de l’enseignement et évite les contresens et les compréhensions déformées des textes. Cette qualité de l’enseignement est prouvée par les ijazate qui assurent l’authenticité de l’enseignement. De même, l’ijaza accordée par le savant pour habiliter son étudiant à transmettre les enseignements d’un livre déterminé garantie la transmission par un socle de confiance. L’étudiant est, de droit, autorisé à enseigner l’ouvrage objet de l’ijaza.

De plus, les deux types d’ijâza, constituent une narration de l’ouvrage d’après le cheikh jusqu’à l’auteur de l’ouvrage. L’apprentissage avec les chouyoukh oblige l’étudiant à « contrôler » sa copie de l’ouvrage étudié. La copie doit être corrigée afin d’être conforme au texte de son professeur qui, avant lui, avait corrigé la sienne conformément à celle de son professeur jusqu’à remonter à l’auteur de l’ouvrage lui-même. Ce contrôle assure que la copie devient conforme au texte original rédigé par l’auteur. L’absence de ce contrôle de la copie signifie que le lecteur adopte une version selon la narration de la maison d’édition ! Cette correction est indispensable pour assurer l’authentification de l’ouvrage surtout lorsque les manuscrits de l’ouvrage sont divergents.

C’est pourquoi le certificat scientifique, « ijâzatu al-dirâya », assure une authenticité de l’enseignement et du savoir. Nos Shuyûkh disent : « le sheikh n’est pas celui qui prétend être savant, ni celui que les gens du commun considèrent comme tel. Le savant est celui qui a été recommandé par des savants qui, à leur tour, ont été recommandés par des savants, en remontant jusqu’au Prophète – que Dieu prie sur lui et le salut. Lorsque tu comprends cette règle, ta confusion disparaîtra ».
 

Drianke

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II- Le rôle des chaînes de transmission dans le fiqh : particularité de l’école chafiite

Le Prophète Salla Allah ‘alayhi wassallam a dit : « Certes Allah n’enlève pas la science en la retirant de la poitrine des savants, mais il l’enlève avec la mort des savants jusqu’à ce qu’il ne reste plus de savants » (rapporté par Tirmidhi). Ce hadith prouve explicitement que ce sont les savants qui conservent la science et non pas les ouvrages.

Les savants chafiites ont donné aux chaînes de transmission une attention particulière. Contrairement aux règles générales, les savants chafiites adoptent oralement certaines opinions de l’école à partir des chaînes de transmission sans mentionner le choix de ces opinions dans les ouvrages de l’école. Notons cependant que ces chaînes ne présentent pas de nouvelles opinions absentes des ouvrages de l’école, mais elles attestent de ce que les chouyoukh ont choisi parmi les opinions fortes de l’école, sans toutefois que ce choix soit adopté dans les ouvrages de l’école. Ces choix sont transmis d’après les chouyoukh, de l’un à l’autre, jusqu’aux grands savants de l’école. Généralement, l’objectif de ces choix particuliers est l’élargissement des choix et des débats afin de faciliter aux gens.

Parmi ces opinions soutenues et choisies par les chaînes, nous trouvons l’autorisation de faire le tayammum avec tout ce qui est pur. Ainsi, l’opinion adoptée dans l’école est la restriction du tayammum à la terre (turab). Donc, contrairement à ce que la majorité croit, le tayammum par tout ce qui est pur est une opinion choisie dans l’école. Cette opinion est choisie par nos shuyûkh d’après leurs chaînes de transmission. Mon cheikh m’a dit : « nous demandions à notre cheikh sur certains de ses choix – en croyant qu’ils lui étaient propres – il nous répondait que ce n’est ni son propre choix ni mentionné dans les ouvrages de l’école, mais qu’il a plutôt été transmis de bouche à oreille (muchâfahatan) d’après les savants ». Le résultat de cette transmission est l’adoption de l’autorisation de faire le tayammum par tout ce qui est pur contrairement à l’avis choisi dans les ouvrages de l’école parmi les diverses opinions de l’école sur le sujet.

Par conséquent, celui qui essaye d’apprendre la jurisprudence tout seul perd une partie de cette science.

Conclusion :

La voie de la science est ouverte à tout musulman afin d’apprendre et de s’élever en savoir. Cependant, il faut bien choisir quoi étudier en jurisprudence et avec qui étudier. Le choix du programme dépend du niveau de l’étudiant tandis que le choix du professeur dépend de sa formation. Il ne faut chercher à apprendre qu’auprès d’un savant spécialiste, on n’apprend pas la science des fondements de la jurisprudence auprès d’un historien ou d’un spécialiste en science de hadith, ni le hadith auprès d’un juriste… De même, il faut aussi respecter la spécialité entre les écoles juridiques. Un juriste hanafi ne doit pas enseigner du fiqh chafii ou maliki. Sinon, les résultats catastrophiques du dépassement de la spécialité se manifestent par des fautes graves. Les savants affirment sur ce sujet ce qui signifie :

من تكلّم في غير فنه أتى بالعجائب

« Man takallama fî ḡayri fannihi a’atâ bil-ajâ’ib »

« Celui qui parle hors de sa spécialité présente des avis fantaisistes ».

De plus, la jurisprudence dépend toujours de la qualification du professeur et son habilitation à enseigner correctement. Cela assure la qualité et l’authenticité de l’enseignement donné qui se prouve par l’ijaza scientifique. Nous constatons que le professeur doit avoir une autorisation d’enseignement de l’école ou au moins de l’ouvrage objet d’étude.

Concluons par la demande à Allah Le plus Puissant de nous guider et de nous élever en science et en foi.

Dieu est plus Savant.

Abû Zakariyyâ al-Ḥussaynî al-Shâfiʿî
 

Drianke

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Le Fiqh toujours d'actualité pour les nouveaux musulmans inscrits dernièrement sur bladi....:D
 
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