Zakaria se souvient de son procès expéditif début octobre 2010 sans avocat, sans témoins, sans victimes, après des aveux signés les yeux bandés tandis qu'on lui « guidait la main ». Du mépris du juge qui lui demande de se taire tandis qu » il lui montrait les blessures encore vives qu'on lui avait infligées :
« Je lui ai quand même demandé quel jour on était, quelle heure il était car j'étais sans repères, complètement deboussolé. »
De l'acte d'accusation, qui n'était plus « l'atteinte à la sacralité » mais une escroquerie sur deux Marocains, à qui il aurait promis moyennant quelques milliers d'euros un passage en Europe.
De sa femme, qui lui apprend quelques jours plus tard qu'en appelant l'aéroport de Rabat, on lui a répondu qu'il n'était pas sur la liste des passagers ayant atterri sur le sol marocain :
« Je me demande comme un seul homme (Mounir Majidi) pouvait mobiliser quasiment toutes les institutions d'un Etat pour assouvir un désir de vengeance. »
Les détenus qui passent leurs journées à se mutiler avec des lames
Zakaria est condamné en première instance à trois ans de prison, une peine ramenée à 20 mois un an plus tard. Il oscille entre la prison de Zaki-Salé et celle de Rommani, coupée du monde, qu'il compare souvent à l'enfer.
Dans sa cellule de 45m2 à Rommani, ils sont 49. Pour dormir sur une couche, il faut payer sa place à un détenu. Arroser un maton. Il se rappelle les médicaments avec lesquels se shootaient ses codétenus, dont certains passaient leurs journées à se prostituer ou à se mutiler avec des lames :
« Je leur ai fait comprendre que je n'avais plus rien à perdre. Si quelqu'un me cherchait, c'était lui ou moi. A l'intérieur, tu te transformes en animal. Je ne sais pas comment j'ai fait pour m'en sortir. »
Une heure d'eau par jour pour 49 détenus
Il est marqué par la présence des cafards. « Il y en avait absolument partout. Sur les murs, sur les plafonds, dans nos affaires. » Pour les 49 détenus, une heure d'eau seulement par jour.
Zakaria sait pourtant que son histoire fait le tour des médias et que la pression des ONG comme Human Rights Watch se fait de plus en plus forte sur le Maroc.
Alors, il est heureux quand le 4 février 2012, un gardien lui annonce qu'il est libre, mais pas forcément étonné :
« Si on m'a gracié, c'est que l'on sait que je suis innocent. On a dit que j'étais un escroc et pourtant, on m'a enlevé, torturé secrètement. C'est le traitement qu'on réserve à un escroc ? La justice s'est embourbée dans ses propres contradictions. »
« Je veux rencontrer le Roi et que les coupables payent »
A peine sorti, Zakaria a envoyé une lettre au roi Mohamed VI. C'est à lui qu'il veut désormais raconter son histoire. Il a des noms, des visages, des voix. « Je les reconnaîtrais tous », jure Zakaria, qui demandera au souverain s'il accepte de le recevoir, de traduire les responsables de son calvaire en justice :
« Le Maroc m'a trahi. Je ne veux aucun dirham, juste ma réhabilitation. Le pays se dit engagé sur la voie de la démocratie et de la transparence. Je veux seulement que les coupables payent et que Sa Majesté le roi me rende justice. »