Profil d'une intelligence dénuée de charisme

Pirouettete

杜妮娅
Gordon Brown



Comment le meilleur chancelier de l'Échiquier de l'après-guerre a-t-il pu devenir en moins d'un an et demi l'un des plus impopulaires premiers ministres qu'ait jamais connus le Royaume-Uni ? Les défauts qui l'ont entraîné dans cette dégringolade, Gordon Brown les connaissait déjà lorsqu'il passa en 1994 un pacte devenu célèbre avec Tony Blair. Selon la légende, Brown et Blair se sont retrouvés en mai 1994 dans un restaurant du nord de Londres, Granita, pour choisir lequel des deux allait tenter de devenir premier ministre. Après le choc de la mort brutale du précédent leader travailliste, John Smith, terrassé par une crise cardiaque, Brown et Blair, qui travaillent depuis des années au renouveau de leur parti avec Peter Mandelson, savent que c'est une occasion unique d'imposer leur vision du New Labour.

Gordon Brown, intellectuellement brillant et plus expérimenté que Tony Blair, pense qu'il est le plus légitime pour se présenter. Mais au cours de ce dîner chez Granita, ou chez des amis communs selon la version de l'autobiographie de Cherie Blair, Tony réussit à convaincre Gordon d'un partage du pouvoir : le premier briguerait le poste de premier ministre, avec le second à ses côtés aux commandes de l'économie en attendant qu'il lui laisse sa place quelques années plus tard. Brown s'est effacé car il savait que Blair, jeune père de famille souriant, avait plus de chance de séduire les électeurs et de mener leur parti vers la victoire. Malgré son ascension rapide au sein du Labour, Brown n'avait pas l'once du charisme dont débordait déjà Tony Blair. «Avec son sourire permanent et sa perception rapide de l'ambiance dans une salle, Tony Blair est capable de séduire n'importe quelle assemblée que l'on place devant lui», raconte Mike Gapes, président de la commission des affaires étrangères à la Chambre des communes.

Gordon Brown est lui un gros travailleur doté d'un esprit incroyablement rapide, mais il est bourru et austère, même quatorze ans après le pacte de Granita. Depuis quinze mois, ces défauts apparaissent au grand jour tous les mercredis à midi, lors de traditionnelle séance des questions à la Chambre des communes. Face aux attaques cruelles et souvent drôles que lui assène régulièrement David Cameron avec un sourire carnassier, Brown répond avec agressivité, et parfois une pointe de bégaiement, avec comme seule arme des listes de statistiques et d'avancées enregistrées par le Labour en onze années de pouvoir.

Pour sa défense, une partie du malaise que dégage son regard étrange a été provoquée par un accident. À l'âge de 16 ans, il est victime d'un décollement de rétine à la suite d'un coup de pied à la tête reçu lors d'un match de rugby. Malgré de nombreuses opérations, il perd l'usage de son œil gauche, et ne conserve que 30 % d'acuité dans l'autre.

L'austérité de Gordon Brown n'est évidemment pas étrangère à l'éducation qu'il reçut en Écosse dès ses premières années. Il est né près de Glasgow en 1951, et a grandi dans un presbytère à Kircaldy, une petite ville industrielle dans la circonscription dont il est aujourd'hui le député. Son père, le révérend John Ebenezer Brown, était un pasteur anglican aux idées égalitaires profondément ancrées à gauche, qui eut une grande influence sur sa vision de la politique. Après une scolarité particulièrement brillante, le jeune Gordon fut reçu à l'université d'Edimbourg à l'âge de 16 ans.

Ses premières années à l'université furent difficiles, à cause des traitements qu'il devait recevoir pour ses yeux. Pendant ses cinq années d'études en histoire, il manqua plusieurs trimestres, parfois obligé de rester allongé dans une salle sombre pendant des semaines entières.

Après s'être frotté à la politique pendant ses années universitaires, il devient successivement professeur à Glasgow et journaliste à la télévision écossaise STV. En 1979, il est battu de peu lors de sa première tentative pour devenir député en Écosse. Quatre ans après, il est élu haut la main dans la circonscription de Dumfermline, non loin d'Edimbourg, et devient la star montante du Parti travailliste écossais. Au Parlement de Westminster, Gordon Brown doit partager un bureau avec un élu encore plus jeune que lui : Tony Blair. Malgré des caractères et des origines très différents, les deux hommes deviennent rapidement complices. Suivant l'exemple des nouveaux démocrates aux États-Unis, ils sont convaincus que le Parti travailliste doit profondément se recentrer s'il veut retrouver la voie du pouvoir. Avec Peter Mandelson, ils préparent le virage à droite de leur parti, jusqu'à ce que la mort subite de John Smith les pousse à l'action en 1994. En 1997, l'élection de Tony Blair propulse Brown au poste de ministre des Finances. Pendant dix années, sa politique budgétaire très libérale offre au Royaume-Uni une période de croissance économique ininterrompue sans précédent. Jusqu'en 2007, où Tony Blair décide enfin de tenir sa promesse tenue à Granita, et lui laisse sa place de premier ministre.

Après une courte période de grâce lors de l'été, son image de compétence et de courage politique s'effondre à l'automne 2007 quand il hésite puis abandonne l'idée d'organiser des élections législatives anticipées. Confronté à une crise économique qui s'annonce particulièrement brutale en Grande-Bretagne, Gordon Brown tente depuis sans succès d'inverser la tendance face à des sondages qui l'annoncent avec 19 % de retard face aux conservateurs. Mais, comme en 1994, son manque de charisme risque de l'obliger à s'effacer pour laisser les rênes du Parti travailliste à un homme politique plus jeune, plus souriant.
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
J'aime bcp cet homme. Mais malheureusement, comme le rappelle l'article, il n'a ni le charisme, ni l'humour décontracté et décontractant de son prédecesseur. Gordon Brown est un bureaucrate, certes incroyablement efficace, mais qui reste un bureaucrate. C'est un excellent serviteur de l'Etat, mais il n'a hélas pas les qualités requises pour diriger un pays dont un environnement aussi médiatisé. Il a été trop ambitieux, il n'a pas vu ses propres limites, et la brillante décennie Blair - Brown va s'achever sur ce constat.
 
J'aime bcp cet homme. Mais malheureusement, comme le rappelle l'article, il n'a ni le charisme, ni l'humour décontracté et décontractant de son prédecesseur. Gordon Brown est un bureaucrate, certes incroyablement efficace, mais qui reste un bureaucrate. C'est un excellent serviteur de l'Etat, mais il n'a hélas pas les qualités requises pour diriger un pays dont un environnement aussi médiatisé. Il a été trop ambitieux, il n'a pas vu ses propres limites, et la brillante décennie Blair - Brown va s'achever sur ce constat.
ça se voit :D
t'aurai pas lu le pavé sinon :D

moi j'aime bien le titre du post, car l'intelligence sans charisme est inutile, vaine,..

c'est du pur HS, veuillez m'en excuser, mais je ne peux m'empecher de penser a Hassan II, quand j'ecris "charisme"...

au revoir, bon app' :langue:
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
ça se voit :D
t'aurai pas lu le pavé sinon : D

moi j'aime bien le titre du post, car l'intelligence sans charisme est inutile, vaine,..

c'est du pur HS, veuillez m'en excuser, mais je ne peux m'empecher de penser a Hassan II, quand j'ecris "charisme"...

au revoir, bon app' :langue :

Tu sais pourquoi je l'aime bien ? Parce que je me reconnais en partie dans ce portrait ; travailleur, walakine chi charme ou chi charisme rabbana khala9tana, sstel :D

Yallah messabe ghir nwelli ta ana Chancellor of the Exchequer baraka 3liya :D
 

Pirouettete

杜妮娅
Tu sais pourquoi je l'aime bien ? Parce que je me reconnais en partie dans ce portrait ; travailleur, walakine chi charme ou chi charisme rabbana khala9tana, sstel :D

Yallah messabe ghir nwelli ta ana Chancellor of the Exchequer baraka 3liya :D

Puisque personne ne t'a contredit, dois je en déduire que c'est vrai? Ni charme ni charisme? :D
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
Puisque personne ne t'a contredit, dois je en déduire que c'est vrai? Ni charme ni charisme? :D

Bah il parait que pour aller loin dans cette vie, il faut commencer par évaluer correctement ses forces et ses faiblesses. J'ai fait l'opération il y a quelque temps, et devant l'ampleur de l'évidence, j'ai décidé de mettre illico le charisme dans la colonne "passif" de mon bilan. Mais il parait qu'il y en a qui ont fini grand argentier du royaume en ayant le même handicap, donc tous les espoirs sont permis :langue:
 

Pirouettete

杜妮娅
Bah il parait que pour aller loin dans cette vie, il faut commencer par évaluer correctement ses forces et ses faiblesses. J'ai fait l'opération il y a quelque temps, et devant l'ampleur de l'évidence, j'ai décidé de mettre illico le charisme dans la colonne "passif" de mon bilan. Mais il parait qu'il y en a qui ont fini grand argentier du royaume en ayant le même handicap, donc tous les espoirs sont permis :langue:

Pour ma part, après avoir pu générer de la valeur ajoutée de mon activité "travail" pendant longtemps, j'ai été obligée, pour des raisons de mauvaises décisions managériales, de me séparer de cette activité, en conservant les droits sur la marque. Néanmoins, je ne suis plus très sûre de pouvoir donner le change encore longtemps à des clients de plus en plus exigents :D
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
qui va penser à réparer des brareds dial fedda par les temps qui courent? :eek:

Abonne toi plutôt à "chasse & pêche" :eek:

Ouais....Chasse & pêche....Oulla ettekwine lmihani...

J'ai le désagréable pressentiment que seuls les personnes maitrisant un métier manuel s'en sortiront pendant des prochaines décennies :eek:
 

Pirouettete

杜妮娅
Pq le :eek: ?
............................

parce que nous brassons le bon verbe et nous ne savons rien faire de nos mains. De parfaits inutiles bientôt. La tête racontant bien le vide et chi concret walou, outgoule.

Tiens moi par exemple: je ne suis même pas bonne à cuisiner. Le basique za3ma. Alors khellik quand je vais devoir coudre ce que mes gamins devront porter parce que walou impossible de se permettre d'acheter.

Donc oui... :eek:
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
parce que nous brassons le bon verbe et nous ne savons rien faire de nos mains. De parfaits inutiles bientôt. La tête racontant bien le vide et chi concret walou, outgoule.

Tiens moi par exemple: je ne suis même pas bonne à cuisiner. Le basique za3ma. Alors khellik quand je vais devoir coudre ce que mes gamins devront porter parce que walou impossible de se permettre d'acheter.

Donc oui... :eek:

C'est clair et net! Et moi je me vois déjà courir derrière un mouton dans la bruyère une lance à la main....Et distancé en moins de deux :D Je survivrai deux semaines grand max le temps que mes métabolismes internes s'arrêtent définitivement :eek:
 
J'ai le désagréable pressentiment que seuls les personnes maitrisant un métier manuel s'en sortiront pendant des prochaines décennies :eek:

C’est maintenant , en ces temps de crises, que je pense à mon père, qui par un excès de souci pour mon avenir, a voulu me placer pendant mes vacances d’été chez son ami mécanicien… :D « makaynch b7al san3a » me disait-il…
 
C’est maintenant , en ces temps de crises, que je pense à mon père, qui par un excès de souci pour mon avenir, a voulu me placer pendant mes vacances d’été chez son ami mécanicien… :D « makaynch b7al san3a » me disait-il…

t'aurai du le laisser faire !
au moins on aurait eu une connaissance mecano, ça sert bcp :rolleyes:
 

Pirouettete

杜妮娅
C'est clair et net! Et moi je me vois déjà courir derrière un mouton dans la bruyère une lance à la main....Et distancé en moins de deux :D Je survivrai deux semaines grand max le temps que mes métabolismes internes s'arrêtent définitivement :eek:

Ne te sous estime donc pas: Quand on a nagé dans la même eau que les phoques, on peut tout faire :D
 
t'aurai du le laisser faire !
au moins on aurait eu une connaissance mecano, ça sert bcp :rolleyes:

au Maroc, il faut obligatoirement avoir comme amis: un mécanicien, un plombier, un commissaire de police, un avocat, un médecin, un juge, un fonctionnaire dial mo9ata3a, un notaire, un guerab, un dealer, un semsar, un vendeur de DVD, un voleur de portables, un gardien de voitures, un gérant de boite ou de cabaret, des prostituées, un 3doul.....:D
 

Pirouettete

杜妮娅
au Maroc, il faut obligatoirement avoir comme amis: un mécanicien, un plombier, un commissaire de police, un avocat, un médecin, un juge, un fonctionnaire dial mo9ata3a, un notaire, un guerab, un dealer, un semsar, un vendeur de DVD, un voleur de portables, un gardien de voitures, un gérant de boite ou de cabaret, des *****, un 3doul.....:-D

un mécanicien, un plombier, un commissaire de police, un avocat, un médecin, un juge, un fonctionnaire dial mo9ata3a, un notaire: Je comprends.

un dealer, un semsar, un vendeur de DVD, un voleur de portables, un gardien de voitures, un gérant de boite ou de cabaret: je peux comprendre..

un 3doul: je comprends trois étoiles...

un guerab: 3lah a khouya lma ma9tou3 f lmeghrib?:eek:

des *****: à quoi ça sert ça de faire copain copain avec une ****? :eek:Je veux dire si c'est juste pour ça, faut payer comme tout le monde. Si c'est pour pas payer, autant se prendre la tête avec une dont ce ne serait pas le métier. Même prise de tête sinon moins, même résultat. Non? :eek:
 
un guerab: 3lah a khouya lma ma9tou3 f lmeghrib?: eek:

des *****: à quoi ça sert ça de faire copain copain avec une ****? :eek:Je veux dire si c'est juste pour ça, faut payer comme tout le monde. Si c'est pour pas payer, autant se prendre la tête avec une dont ce ne serait pas le métier. Même prise de tête sinon moins, même résultat. Non? : eek:

Mdrrrrrrrrr:D

Pour guerrab, on parle de la même eau…

Quant aux *****, c’est « alla7m al abyad yanfa3ou fi al yaomi al aswad »:D
 
au Maroc, il faut obligatoirement avoir comme amis: un mécanicien, un plombier, un commissaire de police, un avocat, un médecin, un juge, un fonctionnaire dial mo9ata3a, un notaire, un guerab, un dealer, un semsar, un vendeur de DVD, un voleur de portables, un gardien de voitures, un gérant de boite ou de cabaret, des prostituées, un 3doul.....:

une tayyaba dyal lhammam aussi , c'est hyper important, en periode de pointe (les veilles de l'aid, les jeudis soirs (veille du vendredi:D) , etc..) si t'en connais pas une, tama b9iti :D

sinon t'as raison pour tout sauf la ****, j'ai pas compris non plus,


des *****: à quoi ça sert ça de faire copain copain avec une ****? :Je veux dire si c'est juste pour ça, faut payer comme tout le monde. Si c'est pour pas payer, autant se prendre la tête avec une dont ce ne serait pas le métier. Même prise de tête sinon moins, même résultat. Non? ::

pétée de rireeeeeeeeeeeee :D
 
Tu rigoles ? Ca sert à écrire de superbes romans! Super profonds, super vulgaires. Tu peux même avoir le prix nobel pour ça :D

C’est vrai d’ailleurs…combien de romans magnifiques, ont été écrits sur le monde des prostituées….mais le meilleur, pour moi, est certainement « la famille royale » de l’américain William Vollmann, qui est une vraie enquête sur le monde des prostituées aux Etats-Unis…tu peux venir le prendre quand tu veux, à sy le grand argentier…:langue::D

http://www.amazon.fr/Famille-royale-William-T-Vollmann/dp/2742760725
 

ilioucha

Vas insigne devotionis
C’est vrai d’ailleurs…combien de romans magnifiques, ont été écrits sur le monde des prostituées….mais le meilleur, pour moi, est certainement « la famille royale » de l’américain William Vollmann, qui est une vraie enquête sur le monde des prostituées aux Etats-Unis…tu peux venir le prendre quand tu veux, à sy le grand argentier…:langue::D

http://www.amazon.fr/Famille-royale-William-T-Vollmann/dp/2742760725

Si ce monsieur avait été bladinaute, je pense qu'on lui aurait effacé son livre en lui demandant de mettre un titre plus en rapport avec le contenu :langue:
 

Pirouettete

杜妮娅
Gordon Brown est un austère qui ne rit pas souvent. Mais depuis une dizaine de jours, le premier ministre britannique ne se force plus pour sourire. Celui qui a succédé à Tony Blair en juin 2007, sans élection, fait même de l'humour. La presse britannique, tout à sa surprise, ne se lasse pas de raconter sa remarque en entendant un téléphone portable sonner, au pire de la crise financière : "Ce doit être une banque qui est en train de faire faillite." Gordon Brown va mieux, beaucoup mieux, depuis que les plus grandes banques du monde ont failli être mises à terre par des marchés en pleine déprime. Et qu'il est apparu comme le sauveur de la planète finance.

De Washington à Paris, de Berlin à Bruxelles, on vante les mérites de l'hôte du 10 Downing Street, qui a su élaborer le plan de sauvetage des banques que cherchait le monde entier : garantie des prêts interbancaires, nationalisation partielle des établissements financiers en difficulté et injection massive de fonds. Les pays de la zone euro ont suivi cette Grande-Bretagne qui n'est pas des leurs. Les Etats-Unis ont revu leur copie pour prendre exemple sur leur cousin anglo-saxon. Le nouveau Prix Nobel de l'économie, Paul Krugman, a rendu un vibrant hommage à M. Brown dans le New York Times du 14 octobre, dans un article titré "Gordon does good".
 

Pirouettete

杜妮娅
Difficile de croire qu'on parle ici du même homme que celui qui, au début du mois de septembre, apparaissait déprimé et dont l'avenir politique semblait plus que sombre. A l'époque, les sondages lui donnaient 20 points de retard sur le conservateur David Cameron, son concurrent pour les prochaines élections, qui doivent se tenir d'ici à la mi-2010. Et plusieurs députés du Labour ainsi que des membres de son gouvernement, qui ont depuis été démis de leur fonction, réclamaient une primaire au sein du Parti travailliste pour désigner un autre candidat au scrutin à venir.

Gordon Brown, donc, revient de loin. Et il savoure. Il vole de réunions internationales en interviews. Parle aux grands de ce monde. Lui qui fuyait les conférences de presse se livre désormais à l'exercice avec un plaisir non dissimulé. Mardi 14 octobre, devant les correspondants des journaux étrangers à Londres, qu'il ne voit que très rarement, le premier ministre a fait mine de refuser le statut de héros : "Gordon, seulement Gordon. Pas Flash", ce célèbre héros de bande dessinée qui sauve le monde des griffes de l'empereur Ming.

Avant que Gordon Brown ne succède à Tony Blair, ses partisans vendaient leur poulain en vantant son sérieux, son style moins voyant que celui de son prédécesseur, auquel l'opposait une vieille rivalité politique. "Pas Flash, seulement Gordon", disaient-ils pour illustrer leur propos. Mais non seulement Gordon n'était pas Flash, pire, il était devenu "Mister Bean". Ce surnom que lui avait donné il y a près d'un an le député libéral-démocrate Vince Cable, en allusion à la désorganisation et au manque de professionnalisme de son gouvernement, a fait le bonheur des commentateurs politiques pendant des mois. Car le nouveau premier ministre, après une courte période de grâce, a multiplié les bévues. La gestion de la faillite de Northern Rock a été désastreuse. Downing Street n'a pas su enrayer la panique : les Britanniques ont vu, le 14 septembre 2007, des centaines de déposants faire la queue devant leurs agences pour récupérer leur épargne. M. Brown est alors apparu tétanisé, redoutant avant tout de voir renaître les sirènes étatistes du vieux Labour, celui justement qu'il a contribué à rénover avec M. Blair il y a plus de dix ans. Et après avoir tenté à tout prix d'éviter une nationalisation, M. Brown a dû s'y résoudre, honteusement, en février 2008. Sa stature d'homme d'Etat en a pris un coup.

Ses hésitations à convoquer des élections anticipées n'ont rien arrangé. Alors que son entourage le poussait, à l'été 2007, à appeler ses concitoyens aux urnes et à asseoir ainsi sa légitimité, lui qui n'avait pas été élu, il a préféré attendre. Sa réputation d'homme qui ne sait pas décider était faite. Son manque de charisme ne lui a pas permis d'inverser la tendance. Et l'année qui a suivi a vu M. Brown toujours plus immobile alors que le Parti conservateur, emmené par M. Cameron, renaissait des cendres du thatchérisme.

Ajoutez à ça une décision de rebâtir le barème de l'impôt sur le revenu, vécue par beaucoup de contribuables issus de classes moyennes comme une hausse de la fiscalité à l'heure de l'augmentation de l'essence et de nombreux produits de première nécessité. Et une raclée électorale à Glasgow, est, en juillet, où le Labour a perdu l'un de ses bastions. Mister Bean avait de quoi déprimer.

D'autant que la perspective d'une récession s'est précisée. Une catastrophe pour l'ancien chancelier de M. Blair, qui avait construit sa popularité sur la croissance de la Grande-Bretagne pendant plus de dix ans - allant jusqu'à se vanter d'avoir trouvé la recette miracle permettant une hausse continue de la richesse nationale et la fin des cycles économiques. C'est la crise "la plus grave depuis soixante ans", déclarait, début septembre, Alistair Darling, son successeur au ministère de l'économie. Provoquant l'exaspération d'un Gordon Brown qui voulait encore croire et faire croire que la Grande-Bretagne s'en tirerait mieux que les autres.

Et puis, il y a eu ce 15 septembre fatidique pour le système bancaire mondial et salvateur pour l'homme politique Gordon Brown : la banque Lehman Brothers, que le gouvernement américain a décidé de ne pas soutenir, a fait faillite. Une institution vieille de cent cinquante-huit ans, installée au coeur de la City, où son siège européen employait près de 5 000 personnes. Dans la foulée, les Bourses se sont effondrées, la confiance dans le système bancaire mondial a approché le néant. Et s'en sont suivis les quinze jours les plus fous de l'histoire financière mondiale.

Devant le tremblement de terre que connaissaient les institutions financières du Royaume, le premier ministre est sorti de sa torpeur. A repris du service sur les sujets finalement qui le passionnent le plus, la finance, la régulation, l'économie. Pour devenir un Flash Gordon aux accents churchilliens qui appelle à un nouveau Bretton Woods, cette réunion qui, en 1944, a établi le système financier mondial d'après-guerre.
 

Pirouettete

杜妮娅
Aujourd'hui, dans les sondages, il a réduit de moitié l'écart avec M. Cameron. Le Parti conservateur, en ces temps de crise nationale, soutient l'action gouvernementale et tait ses critiques. Le Labour a ravalé ses contestations internes. Et le remaniement ministériel opéré par M. Brown le 3 octobre a remis en selle les blairistes pur jus que le premier ministre avait écartés lors de son entrée à Downing Street.

Peter Mandelson, qui l'avait trahi en lui préférant Tony Blair pour porter le drapeau travailliste en 1995, a fait un retour spectaculaire au ministère du commerce. Alistair Campbell, le spin doctor de génie de M. Blair, interdit de Downing Street après le départ de son mentor, sévit de nouveau et conseille M. Brown, à titre amical. La hache de guerre avec les frères ennemis est enterrée, et peut-être M. Brown compte-t-il trouver ainsi la baguette magique de son prédécesseur. Quant à l'aile gauche du parti, elle applaudit à la nationalisation partielle de la Royal Bank of Scotland, HBOS et Lloyds TSB, pour 37 milliards de livres (47,6 milliards d'euros). Et frémit de plaisir en entendant les discours de M. Brown qui jette l'opprobre sur l'irresponsabilité de la City et lui promet des jours plus régulés et des bonus moins juteux.

"Les prochains sondages montreront un Gordon Brown en hausse, même si je ne l'imagine pas dépasser David Cameron", estime Julia Clark, qui dirige la recherche politique pour le sondeur Ipsos-MORI. "Il faut attendre quelques semaines encore pour voir si l'embellie se confirme", poursuit-elle. Les conservateurs vont repartir à l'attaque, et ne manqueront pas de souligner, comme le fait déjà la presse britannique, que M. Brown a sa part de responsabilité dans la crise actuelle, lui qui a toujours refusé de réguler plus les marchés financiers de son pays et qui a flirté avec la City pendant toutes ces années d'euphorie. Ils ne manqueront pas non plus de rappeler que Gordon Brown, il y a un an, avait fait appel aux conseils d'Alan Greenspan, l'ancien président de la Fed, qui fut le chantre du "laissez faire les marchés".

"Surtout, poursuit Mme Clark, la récession va faire sentir ses effets sur les ménages britanniques." Cela a déjà commencé : l'inflation atteint des records (5,2 %), le chômage est au plus haut depuis 1999 (5,7 %), le marché immobilier plonge, les finances publiques laissent peu de marge de manoeuvre... L'élection partielle qui doit se tenir à Glenrothes, en Ecosse, le 6 novembre, sera un premier test. Les sondages donnent le Labour perdant dans cet autre bastion travailliste. Le sauvetage des banques écossaises et de milliers d'emplois changera peut-être la donne.

A Bruxelles, cette semaine, alors qu'un journaliste lui demandait comment il comptait lutter contre le chômage, M. Brown a répondu qu'il allait, par exemple, développer la formation dans le secteur de "l'isolation". Début septembre, le premier ministre avait répondu à la grogne des ménages devant la hausse des prix de l'énergie par un plan de soutien à l'isolation des maisons, plan qui, par son manque d'ambition, avait provoqué une certaine hilarité et une véritable déception. Incontestablement, le premier ministre devra trouver mieux. Churchill a bien été à l'origine des accords de Bretton Woods, mais il a perdu les élections de 1945.

Virginie Malingre
 
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