La propagande anti-française au Maroc en 1915

« Sa Majesté l’empereur d’Allemagne déclare ne faire aucune guerre contre le monde musulman et ordonne que les prisonniers de guerre musulmans des troupes françaises soient mis immédiatement en liberté et envoyés au sultan de Constantinople en qualité de calife du Monde musulman. » (1)

Suite à l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux côtés de l’Allemagne, le sultan Mehmet V proclame la Guerre sainte (Djihad) par une Fetwa émise par le Cheikh ul Islam (2). Celle-ci appelle tous les musulmans de l’Empire et du monde entier à se soulever contre les puissances européennes. Cette déclaration, signée par les imams des quatre écoles juridiques de l’orthodoxie musulmane, se révèle être une arme redoutable contre les Alliés.

L’Allemagne envisage dès lors de promouvoir une propagande islamique afin de lutter contre les intérêts des Alliés et de provoquer des soulèvements dans leurs colonies musulmanes. Ainsi, une puissante machine de propagande panislamique se met en place d’Inde au Maroc en passant par l’Afghanistan, la Perse et l’Egypte. Les agents allemands et turcs sillonnent le monde, nourrissant intrigues politiques et soulèvements armés contre les intérêts français et britanniques. La Fetwa et la liberté de l’Islam servent de pilier à la propagande anti-française diffusée chez les musulmans.

Développée et financée essentiellement par l’Allemagne, l’active propagande panislamique touche toutes les colonies françaises d’Afrique du Nord. De quelle manière les Allemands vont-ils organiser leurs activités ? Forts de l’alliance avec le sultancalife ottoman, les Allemands trouvent un écho favorable au sein de certaines tribus marocaines courtisées par l’ancien sultan Moulay Hafid (3) et chez les dissidents du régime marocain. Raissouli et Abd el Malek sont les principaux acteurs marocains de la lutte contre la France orchestrée par l’ambassadeur d’Allemagne en Espagne, le prince de Ratibor.

D’importants réseaux de renseignements installés au Maroc mais aussi en Espagne permettent au Résident général à Rabat, le général Lyautey, d’être au fait des agissements allemands et de les contrecarrer.

Cette étude n’envisage pas d’analyser cette propagande dans son ensemble pendant la Grande Guerre, mais d’en examiner les répercussions au Maroc vers 1915 tout en observant les réactions françaises qui en découlent.
Vers une organisation solide

L’action des Allemands au Maroc se manifeste, dès 1915, sous deux formes distinctes : la contrebande de guerre et la propagande anti-française. Les menées allemandes sont signalées dans les rapports des différents bureaux de renseignement français au Maroc et en Espagne au sujet de la contrebande de guerre. Celle-ci n’intéresse que partiellement notre étude et ne fait donc pas l’objet d’un examen dans ce texte. En revanche, la propagande anti-française, organisée par les diplomates et les commerçants allemands en Espagne et au Maroc dès novembre 1914, est au coeur de notre réflexion.

Dès le mois de décembre 1914, Gaston Doumergue, ministre français des Affaires étrangères , prend connaissance de l’envoi dans le monde musulman et dans les pays neutres de délégués pour propager la Fetwa de la Guerre sainte. La commission de la Défense nationale à Istanbul, composée du Cheikh ul Islam, d’Enver pacha (4) et de l’ambassadeur d’Allemagne, désigne Bedbou pacha, de Scutari d’Albanie pour qu’il se rende à Algésiras où un comité musulman l’attend. Le comité se charge alors de transmettre la Fetwa aux Marocains en vue de préparer une révolte. Les menées des agents allemands et turcs se caractérisent par la diffusion d’une presse anti-française, par l’encouragement des indigènes à la révolte et par l’encouragement des légionnaires d’origine allemande à la désertion.

Afin de sensibiliser une grande partie de la population, les Allemands diffusent dans un premier temps de nombreux journaux à travers un service spécial dont le centre est à Barcelone sous la direction de Hofer. Derrière cet organisme, se trouvent les frères Mannesman dont le Quartier général est également à Barcelone (5). Outre la presse allemande éditée dans plus de cinq langues comme le Welt Im Bild, la presse d’origine espagnole financée par l’Allemagne est perçue par les Services de renseignement français comme étant la plus dangereuse pour le Maroc. L’A.B.C., très lu et répandu dans les ports marocains de la zone espagnole relate des fausses défaites françaises qui sont exagérées par les indigènes fréquentant les ports.

En dehors de la diffusion de journaux hostiles aux intérêts français, les activités allemandes consistent à « pousser » les indigènes à la révolte contre la France. Les bureaux de renseignement français signalent toujours les frères Mannesman comme étant à l’origine de chaque événement. Ces derniers ont établi de véritables réseaux grâce à leurs agents qui parcourent tout le Maroc et prennent à leur solde des agents indigènes (6). Ceux-ci sont signalés comme étant des agents accrédités auprès des consuls ou agents consulaires allemands du sud de l’Espagne, notamment Ali ben Mohammed à Tétouan, Ben Hima à Chiclana, Bou Megait à Algésiras, Chaib Tensamani à Malaga et Si Mohammedi à Séville. Grâce aux réseaux formés, la pénétration allemande au Maroc se fait sur trois lignes principales.

La ligne Malaga-Melilia est la plus importante car Malaga est le centre d’un groupe d’Allemands visité régulièrement par Henri Mannesmann. Ce groupe, composé d’une dizaine de personnes, agit surtout à Melilia où un nommé Bachir Ben Sennah, ancien fonctionnaire au Makhzen, délégué du sultan dans cette même localité, coopère avec les Allemands. Il se charge essentiellement de la propagande par les journaux et les brochures et est impliqué dans les questions de désertion de soldats de la Légion étrangère à Taza.

La seconde ligne par laquelle s’effectue la pénétration allemande au Maroc est la ligne Algésiras, Ceuta ou Tétouan. C’est à Algésiras que réside Walther, agent consulaire d’Allemagne et d’Autriche. Ce dernier est entouré d’un certain nombre d’individus connus pour leur francophobie et leurs menées antifrançaises. Parmi ces personnalités,Westheimer, négociant en fruits et légumes, est le principal correspondant à Algésiras de l’agence de propagande dirigée à Barcelone par Hofer. A Ceuta et Tétouan, l’activité allemande est entre les mains de l’agence Tornow (maison de commerce) qui est propriétaire des quotidiens francophobes Heraldo et El Defensor.

La dernière région d’où les Allemands agissent contre la France au Maroc est celle de Séville et Cadix. L’objectif de la propagande est Larache, sur la côte marocaine. Monsieur Otto Engelhardt, directeur de la Compagnie d’éclairage électrique et des tramways, représentant des firmes Siemens et AEG, le plus grand industriel de Séville jouissant d’une très grande considération, en est reponsable. Séville et Cadix approvisionnent Larache et c’est à travers ce circuit commercial que les Allemands mènent leur propagande. Ils recourent à un officier espagnol, Don Manuel Vigueras qui prend en 1915 un an de congé sans solde afin de remplir une mission de propagande contre la France.

L’encouragement des Marocains à la révolte se fait par ces différents réseaux où les Espagnols jouent un rôle considérable. Au premier chef, le Haut-commissaire espagnol, le général Marina, est « accusé », à juste titre, par les Services de renseignement français, de faciliter l’activité des dissidents marocains. En effet, le général Marina espère réaliser la pacification de la zone espagnole du Maroc grâce à Raissouli multipliant les proclamations et les discours anti-français aux Marocains de cette région. Raissouli affirme qu’il peut « compter sur l’appui des Allemands et des Turcs (7) ». Il veut rendre « le Maghreb à l’Islam (8) » en chassant les Français qui, à ses yeux, sont les premiers chrétiens ayant occupé et asservi les musulmans de la région. De plus, le général Marina, qui approuve les proclamations de Raissouli, accroît le recrutement des Marocains dans le but de les lui transférer « avec armes et bagages » afin qu’il puisse s’imposer dans les tribus.

Cette organisation de la propagande allemande est accentuée par l’encouragement à la désertion des légionnaires dans la région de Taza où ils sont bien accueillis par les tribus (9) dont certaines, telle les Riata, ont des liens avec les agents allemands et Bachir Ben Sennah. Ce dernier exhorte les tribus à se montrer favorable aux projets allemands avec « la raison bruyamment évoquée du salut de l’Islam (10) ». La propagande allemande au sein des tribus se fait à travers l’Islam qui est instrumentalisé au service de la politique de déstabilisation envisagée par l’Allemagne contre la France. L’enlisement des opérations aux Dardanelles correspond aussi au regain d’activité des menées germano-turques au Maroc en 1915.
 
Nature des menées allemandes et réactions françaises

Durant le conflit, la propagande allemande se déploie au Maghreb avec une efficacité redoutable. Comme nous l’avons vu plus haut, celle-ci connaît une recrudescence pendant les opérations des Alliés aux Dardanelles. En effet, le thème principal de la propagande germano-turque est la Guerre sainte proclamée par le sultan Mehmet V. Les thèmes de propagande sont ordinairement soumis aux sociétés et comités de rédaction par le Kolonialinstitut de Bonn ou la Missiongeselschaft de Hambourg (11). La Société allemande de culture islamique, présidée par Enver pacha est la plus connue de ces organisations. La majorité des textes et des tracts, répandus dans les territoires sous contrôle français, est expédiée depuis Berlin ou par les comités maghrébins installés en Suisse. Cette propagande appelle « à la solidarité islamique contre les envahisseurs chrétiens (12) », encourage la cohésion islamique autour de l’Allemagne et de l’Empire ottoman et insiste sur l’union sacrée autour du Califat en désignant les Alliés et notamment les Français comme les ennemis de l’Islam.

Le 10 novembre 1914, une semaine après la rupture officielle des relations franco-turques, Millerand, président du Conseil, dans une lettre qu’il adresse au Quai d’Orsay, fait état d’une «proclamation turque qui va être répandue parmi les troupes musulmanes pour menacer de [la] damnation ceux qui combattent pour la Russie, l’Angleterre et la France (13) ». Dès les premiers jours de l’entrée en guerre des Ottomans, les Français connaissent les visées germano-turques. Millerand déclare son inquiétude au sujet de cette proclamation qui risque d’influencer les troupes musulmanes prisonnières des Allemands à Zossen. De fait, ces derniers envisagent d’envoyer les prisonniers à Istanbul pour qu’ils combattent dans les rangs ottomans. Par ailleurs, il pense qu’il n’y a aucun risque pour le Maroc, estimant que seules l’Algérie et la Tunisie sont menacées. Afin de contrecarrer les ambitions allemandes, il demande de ne surtout pas faire établir des contre-proclamations émanant des autorités administratives françaises car elles pourraient accentuer le danger contre lequel il faut lutter. En revanche, il suggère au général Lyautey d’agir dans la région pour prévenir les effets de cette propagande sur les populations algériennes et surtout tunisiennes.

Le général Lyautey, afin de lutter activement contre les menées allemandes, envoie des officiers et des fonctionnaires auprès des représentants religieux marocains et algériens afin de leur exposer la situation de la Turquie et du sultan. Ce sont les confréries religieuses qui servent de relais entre les populations musulmanes et l’administration coloniale française. D’ailleurs, Millerand le signale au Résident général du Maroc lorsqu’il lui demande d’agir auprès des personnalités religieuses en affirmant que ces dernières sont « (…) seules susceptibles de faire opinion en pays musulman et de répondre efficacement à la proclamation turque (14) ».
La guerre de propagande entre la France et l’Allemagne se dessine alors autour de deux entités religieuses. L’Allemagne, forte de son alliance avec les Turcs, a pour elle la légitimité califale et la Fetwa ordonnant le Djihad, alors que les Français interviennent directement auprès des populations en ayant le soutien des confréries qui sont plus proches des musulmans en Afrique du Nord. De plus, au Maroc, l’administration française peut compter sur l’appui du sultan et des caïds qui contrôlent le sud du pays. Néanmoins, il est difficile de faire admettre « (…) aux musulmans que leur devoir est de combattre d’autres peuples musulmans et leurs alliés (15) ».

De quelle manière va s’organiser la contre-propagande française ? Plusieurs suggestions sont émises par l’état-major de l’armée (EMA), section d’Afrique. Parmi celles-ci, l’une préconise la proclamation du sultan marocain comme calife. Cette proposition, aussi intéressante qu’elle paraît, comporte un danger. En effet, les germano- turcs pourraient investir les populations musulmanes en Orient (péninsule arabique, Egypte, Perse et Inde) et accuser les Alliés de vouloir diviser l’Oumma en proclamant Moulay Youssef calife du Maghreb (16). L’EMA estime alors qu’il est nécessaire « e provoquer un mouvement arabe (17) ». Le seul moyen de lutter avec efficacité contre la Guerre sainte proclamée par les Turcs, soutenue et coordonnée par les Allemands, serait de favoriser le nationalisme arabe en s’appuyant sur l’Oumma. L’universalité de l’Islam interdit de se référer à un quelconque concept national (18). Les propositions du ministère des Affaires étrangères vont dans le même sens que celles de l’EMA. Il serait hasardeux d’intervenir dans les querelles religieuses des droits au Califat. En revanche, selon le Quai d’Orsay « (…) il y aurait toutefois avantage, au point de vue du succès des opérations des puissances alliées à soutenir tous ceux qui, soit par ambition, soit pour des motifs religieux, sont disposés dans l’Islam à profiter des embarras actuels de l’Empire ottoman (19) ».

Les propositions françaises tendent à favoriser la religion comme vecteur des révoltes arabes dans les provinces de l’Empire ottoman. Il faut privilégier le caractère arabe des révoltes et cesser de montrer que les Alliés essaient de libérer le sultan-calife ottoman du joug allemand. On estime alors qu’il faut sensibiliser les musulmans en Afrique du Nord aux institutions islamiques de leur propre pays, afin de les maintenir à l’écart des courants orientaux et plus particulièrement de l’Empire ottoman (20).

Si les mesures préventives du Résident général à Rabat contribuent à la fermeture, dès août 1914, des consulats allemands et autrichiens au Maroc et à l’arrestation d’un grand nombre de ressortissants allemands, elles ne parviennent pas à réduire les activités allemandes organisées depuis l’Espagne sous le regard bienveillant des autorités espagnoles.

En 1915, il ne s’agit plus de s’opposer à une menace mais de faire face à la réalité d’une révolte. En réaction, très souvent, l’attitude française est pragmatique. Paris répond à une action allemande par des faits similaires. De cette façon, à la construction d’une mosquée à Zossen, près de Berlin, le gouvernement français fait ériger un oratoire musulman au centre du jardin colonial de Nogent-sur-Marne en 1915 (21). Un dessin de cette mosquée est diffusé dans les colonies françaises de même que des cartes postales sont émises afin de répandre cette « image » à l’ensemble des colonies musulmanes.
 
Vers la pacification des tribus

Pendant l’année 1915, contrairement aux estimations de Millerand, l’influence allemande dans les territoires marocains continue son emprise. Dans les milieux intellectuels et bourgeois, on parle de la guerre aux Dardanelles et de la victoire prochaine des Turcs sur les Alliés. Par ailleurs, l’action combinée des agents allemands et turcs permet de sensibiliser, aux thèmes de la liberté de l’Islam, les membres de la colonie algérienne du Maroc hostiles à la présence française dans la région.

Les officiers de renseignement français multiplient les rapports et signalent l’ampleur que prennent les révoltes organisées par les dissidents marocains. En outre, ils dénoncent le rôle de l’Espagne dans ces intrigues en soulignant tout particulièrement le silence et la complicité des autorités militaires espagnoles.

L’Espagne qui s’est déclarée neutre dès le 7 août 1914, est présente au nord du Maroc pendant la guerre et dispose d’environ quatre-vingt mille militaires pour pacifier la région. Son statut de neutralité lui impose d’adopter une certaine politique d’équilibre dans ses relations avec les belligérants. Si le roi Alphonse XIII garantit à la France de ne jamais prendre les armes contre elle, tout en lui fournissant les matières premières nécessaires à l’industrie de guerre, il permet aussi aux Allemands de mener leurs activités en Espagne contre la France. La politique internationale de l’Espagne, à géométrie variable, est mal perçue par Paris qui demande à de nombreuses reprises à Madrid d’agir contre les menées allemandes (22). Pour les Services de renseignement français, la politique équivoque de l’Espagne ne peut que lui nuire à terme car les tribus armées par Raissouli, avec l’aide de l’Espagne et des Allemands, se soulèveront un jour, contre l’occupation espagnole au Maroc. De plus, la neutralité espagnole est mise à l’épreuve lorsque Madrid formule plusieurs fois sa volonté d’annexer la région de Tanger en 1915. Le « marchandage » d’Alphonse XIII ne reçoit alors aucun écho favorable de Paris et de Londres. Les gouvernements des puissances alliées proposent de répondre aux exigences espagnoles à la fin de la guerre. N’ayant pas réussi à obtenir des Alliés l’annexion des territoires marocains sous son contrôle, Madrid favorise, sans engagement officiel de sa part, la lutte entreprise par Raissouli et les autres dissidents pour pacifier les tribus et libérer le pays.

La multiplication des acteurs dans le nord du Maroc ne facilite en rien la pacification du territoire. Les intérêts allemands se heurtent aux prétentions espagnoles alors que les aspirations « nationales » des dissidents marocains rencontrent un soutien de part et d’autre.
L’objectif affirmé des principaux acteurs marocains opposés à la présence française dans la région, Raissouli et Abd el Malek, est de pacifier et réconcilier les tribus entre elles. Le premier ne parvient que difficilement à réunir quelques milliers d’hommes pour combattre les Français car les tribus se méfient de son alliance avec les Espagnols alors que le second, contraint de conjuguer ses efforts en dehors de la zone française, rassemble peu de tribus autour de lui. La propagande germano-islamique est un échec en Afrique du Nord, et particulièrement au Maroc en 1915, car les Allemands ne réussissent pas à soulever les populations musulmanes dans la région pendant les opérations aux Dardanelles.

Avec l’arrivée au ministère des Affaires étrangères d’Aristide Briand, en octobre 1915, l’on assiste à un renforcement de la propagande française. Gout propose alors l’élaboration d’un système de propagande plus efficace pour lutter contre la propagande panislamique. Il suggère une action dirigée, non pas contre le peuple ottoman, mais contre son gouvernement (23).

Progressivement, la défaite turque devient évidente et l’élite marocaine, engagée dans la lutte anticoloniale, se détache de l’emprise allemande pour s’affirmer dans un combat « national » fondé sur l’Oumma.

Les bulletins de renseignement français signalent dès février 1918 l’existence d’une propagande de grande envergure au Maroc. Raissouli rassemble les tribus des environs d’Ouezzan avec ses collaborateurs politiques tels que Kacem Ben Salah (Beni Mestara), El Hadjami (Jaïa), le Chérif El Harraik (Rehamma, Beni Mestara, Setta). Les Rifains, les Beni Ouaraïn, et les Ghiata sont courtisés par Abd el Malek, tandis que Sidi Raho, Moha, le Chérif Ali Amhaouch, le Chérif Ahansal s’efforcent d’apaiser les différends qui opposent les autres tribus.

Le vaste mouvement de pacification se propage de Tétouan à Tiznit et exploite contre la France tous les mécontentements issus de la guerre. Financés par le docteur Kuhnel (24), les dissidents organisent les tribus pacifiées. Si la propagande panislamique des Germano-turcs n’a pas permis le soulèvement des Marocains au début de la guerre, elle a contribué à faire progresser l’idée d’émancipation nationale chez les tribus du Nord.
Abstract :
 
Anti-French Propaganda in Morocco in 1915
When Germany went to war against France in 1914, she planned from the opening days of hostilities to put in place a vast network of propaganda. The objective of this was the destabilising of France’s position in her colonies, and also within countries that had remained neutral. From November 1914, therefore, with the entry of the Ottoman Empire into the conflict and the proclamation of a Holy War, the Germans sought to use the Fatwa issued by Sheikh al- Islam as an instrument for the conduct of propaganda in Muslim lands, the principal theme of which would be Jihad and the freedom of Islam.

Notes :

1 Proclamations affichées le 9 septembre 1914 dans les consulats allemands voisins du Maroc.
2 Plus haute autorité religieuse de l’Empire ottoman.
3 Le sultan Moulay Hafid abdique en 1912 en faveur de son frère Moulay Youssef.
4 Enver pacha est ministre de la Guerre ottoman et gendre du sultan Mehmet V. Il est connu pour sa germanophilie. Il est l’un des principaux décideurs du régime unioniste au pouvoir à Istanbul.
5 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
6 Idem.
7 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
8 Idem.
9 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
10 Idem.
11 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, De l’Hexagone aux terres d’Islam, Espoirs, réussites, échecs, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, 565 pages, p. 78.
12 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 78.
13 S.H.A.T., 7 N 2103, Politique musulmane 1914-1915, lettre du ministre de la Guerre au ministre des affaires Etrangères (direction des Affaires politiques et commerciales, sousdirection d’Afrique) Bordeaux, le 10 novembre 1914.
14 S.H.A.T., 7 N 2103, Politique musulmane 1914-1915, lettre du ministre de la Guerre au ministre des Affaires étrangères (direction des Affaires politiques et commerciales, sous direction d’Afrique) Bordeaux, le 10 novembre 1914.
15 S.H.A.T., 7 N 2103, politique musulmane 1914-1915, Rapport au ministre de la Guerre, E.M.A., Section d’Afrique, le 21 novembre 1914.
16 Pour le gouvernement français, cette notion de califat maghrébin fait partie du passé et ce n’est pas aux puissances européennes de s’immiscer dans les affaires religieuses des musulmans. De plus, le sultan marocain n’a aucune légitimité religieuse de grande envergure, il est Chérif de l’Islam et ne peut à ce titre revendiquer le Califat. Par ailleurs, il apparaît au même moment que la légitimité califale du sultan ottoman n’est pas plus valable que celle d’un éventuel sultan du Maroc. Néanmoins, aux yeux des musulmans, Mehmet V reste le seul souverain musulman libre de son action et capable de protéger l’Oumma, donc seul Calife légitime.
17 S.H.A.T., 7 N 2103, politique musulmane 1914-1915, Rapport au ministre de la Guerre, E.M.A., Section d’Afrique, le 21 novembre 1914.
18 Les proclamations faites par le Chérif de la Mecque à partir de 1915 ne font nullement référence au nationalisme arabe mais à l’incapacité du calife ottoman à gérer l’Oumma. Par ailleurs, dans la péninsule arabique, les courants wahabites sont favorables à l’instauration d’un Califat dirigé par les Arabes et non plus par les Turcs qui à leurs yeux n’ont aucune légitimité.
19 Idem, lettre du ministre des Affaires étrangères au ministre de la Guerre (section d’Afrique), Bordeaux, le 5 décembre 1914.
20 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 79.
21 S.H.A.T., 7 N 2104, Lettre du Président du Conseil, ministre des Affaires Etrangères au ministre de la Guerre, au sujet de la construction d’une mosquée à l’hôpital auxiliaire du jardin colonial à Nogent-sur-Marne, Ministère des Affaires étrangères, Direction des Affaires politiques et commerciales, Afrique, le 15 janvier 1916. A Zossen, les Allemands ont fait construire une mosquée qu’ils montrent aux visiteurs étrangers, notamment les dignitaires ottomans, persans, égyptiens et afghans dans la seule perspective de montrer au monde musulman que l’Allemagne est l’« ami » des musulmans et qu’elle ne considère pas les prisonniers musulmans comme tels mais comme des invités.
22 A la demande du gouvernement français, les Espagnols demandent en 1916 à Moulay Hafid de quitter Barcelone et de venir s’installer à Madrid où les bureaux français de renseignements peuvent le surveiller.
23 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 96.
24 S.H.A.T., 7 N 2142, Rapport adressé par Lyautey au ministre des Affaires étrangères et retransmis par ce dernier au Président du Conseil, ministre de la Guerre, sur l’action allemande au Maroc en février 1918. L’argent distribué par les Allemands proviendrait des banques pillées par ces derniers dans les pays envahis.

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Abdil BICER. Article paru dans la Revue historique des armées, n°235, 2004
Les numéros entre parenthèses correspondent aux appels des notes, consultables en bas de page.

http://www.servicehistorique.sga.de...cles/articles_rha/propagandeantifrancaise.htm
 
Anti-French Propaganda in Morocco in 1915
When Germany went to war against France in 1914, she planned from the opening days of hostilities to put in place a vast network of propaganda. The objective of this was the destabilising of France’s position in her colonies, and also within countries that had remained neutral. From November 1914, therefore, with the entry of the Ottoman Empire into the conflict and the proclamation of a Holy War, the Germans sought to use the Fatwa issued by Sheikh al- Islam as an instrument for the conduct of propaganda in Muslim lands, the principal theme of which would be Jihad and the freedom of Islam.

Notes :

1 Proclamations affichées le 9 septembre 1914 dans les consulats allemands voisins du Maroc.
2 Plus haute autorité religieuse de l’Empire ottoman.
3 Le sultan Moulay Hafid abdique en 1912 en faveur de son frère Moulay Youssef.
4 Enver pacha est ministre de la Guerre ottoman et gendre du sultan Mehmet V. Il est connu pour sa germanophilie. Il est l’un des principaux décideurs du régime unioniste au pouvoir à Istanbul.
5 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
6 Idem.
7 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
8 Idem.
9 S.H.A.T., 7 N 2122, Capitaine Huot, chef du Centre de renseignements à Tanger, Note sur l’action allemande au Maroc (février à avril 1915).
10 Idem.
11 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, De l’Hexagone aux terres d’Islam, Espoirs, réussites, échecs, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, 565 pages, p. 78.
12 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 78.
13 S.H.A.T., 7 N 2103, Politique musulmane 1914-1915, lettre du ministre de la Guerre au ministre des affaires Etrangères (direction des Affaires politiques et commerciales, sousdirection d’Afrique) Bordeaux, le 10 novembre 1914.
14 S.H.A.T., 7 N 2103, Politique musulmane 1914-1915, lettre du ministre de la Guerre au ministre des Affaires étrangères (direction des Affaires politiques et commerciales, sous direction d’Afrique) Bordeaux, le 10 novembre 1914.
15 S.H.A.T., 7 N 2103, politique musulmane 1914-1915, Rapport au ministre de la Guerre, E.M.A., Section d’Afrique, le 21 novembre 1914.
16 Pour le gouvernement français, cette notion de califat maghrébin fait partie du passé et ce n’est pas aux puissances européennes de s’immiscer dans les affaires religieuses des musulmans. De plus, le sultan marocain n’a aucune légitimité religieuse de grande envergure, il est Chérif de l’Islam et ne peut à ce titre revendiquer le Califat. Par ailleurs, il apparaît au même moment que la légitimité califale du sultan ottoman n’est pas plus valable que celle d’un éventuel sultan du Maroc. Néanmoins, aux yeux des musulmans, Mehmet V reste le seul souverain musulman libre de son action et capable de protéger l’Oumma, donc seul Calife légitime.
17 S.H.A.T., 7 N 2103, politique musulmane 1914-1915, Rapport au ministre de la Guerre, E.M.A., Section d’Afrique, le 21 novembre 1914.
18 Les proclamations faites par le Chérif de la Mecque à partir de 1915 ne font nullement référence au nationalisme arabe mais à l’incapacité du calife ottoman à gérer l’Oumma. Par ailleurs, dans la péninsule arabique, les courants wahabites sont favorables à l’instauration d’un Califat dirigé par les Arabes et non plus par les Turcs qui à leurs yeux n’ont aucune légitimité.
19 Idem, lettre du ministre des Affaires étrangères au ministre de la Guerre (section d’Afrique), Bordeaux, le 5 décembre 1914.
20 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 79.
21 S.H.A.T., 7 N 2104, Lettre du Président du Conseil, ministre des Affaires Etrangères au ministre de la Guerre, au sujet de la construction d’une mosquée à l’hôpital auxiliaire du jardin colonial à Nogent-sur-Marne, Ministère des Affaires étrangères, Direction des Affaires politiques et commerciales, Afrique, le 15 janvier 1916. A Zossen, les Allemands ont fait construire une mosquée qu’ils montrent aux visiteurs étrangers, notamment les dignitaires ottomans, persans, égyptiens et afghans dans la seule perspective de montrer au monde musulman que l’Allemagne est l’« ami » des musulmans et qu’elle ne considère pas les prisonniers musulmans comme tels mais comme des invités.
22 A la demande du gouvernement français, les Espagnols demandent en 1916 à Moulay Hafid de quitter Barcelone et de venir s’installer à Madrid où les bureaux français de renseignements peuvent le surveiller.
23 Le Pautremat Pascal, La politique musulmane de la France au XXe siècle, p. 96.
24 S.H.A.T., 7 N 2142, Rapport adressé par Lyautey au ministre des Affaires étrangères et retransmis par ce dernier au Président du Conseil, ministre de la Guerre, sur l’action allemande au Maroc en février 1918. L’argent distribué par les Allemands proviendrait des banques pillées par ces derniers dans les pays envahis.

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Abdil BICER. Article paru dans la Revue historique des armées, n°235, 2004
Les numéros entre parenthèses correspondent aux appels des notes, consultables en bas de page.

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