Difkoum
Anti sioniste et khawa khawa.
De mon ami Majid Blal :
J’entre. Me dirige vers le bar. M’accoude et jette un coup d’œil circulaire dans l’espoir de localiser d’éventuelles connaissances. Nada. À tous, ma tête est étrangère. Je lève l’index pour commander une bière quand surgit à mes côtés un moustachu. Bizarrement, c’est là que je remarque que la quasi-majorité des hommes, s’ornent du même artifice. La moustache à Saddam. L’individu se présente, sourit et m’apostrophe:
.
- Je présume que vous vivez à l’extérieur, je veux dire à l’étranger.
.
Le ton souligne la constatation. L’affirmation d’une déduction plus qu’une interrogation. Interloqué, je vérifie mes vêtements dans le but de mettre la main sur le nid qui a placé la puce à l’oreille du limier. Je ne découvre rien. Une paire de jeans, un col roulé sous un manteau d’hiver. Un accoutrement anodin, sans éléments particuliers au fait de vivre à l’étranger. Sidéré, je lui demande:
.
- Comment as-tu deviné? Je crois que je ne porte aucun signe distinctif, ce n’est pas écrit sur mon front à ce que je sache?
.
- Facile! Triomphe le type. Il suffit d’observer.
.
- Observer quoi ?, dis-je machinalement pour ne pas paraitre désagréable.
.
-Mon ami, tu es le seul qui, tout bonnement, dépose son paquet de cigarettes sur le comptoir. Là est la dérogation à la règle. L’indice incriminant. Tu vois ? Un paquet de cigarettes, surtout les blondes, les américaines, coûte 26,50 DH. Soit l’équivalent du prix d’un demi-kilogramme de viande ou si tu préfères, le tiers du salaire quotidien d’un fonctionnaire. Les gens qui peuvent se permettre des Marlboro, par exemple, les laissent dans leurs poches et se servent au besoin. Ils en sortent une à la fois et s’ils pouvaient les sortir déjà allumées, directement de la poche, ils n’hésiteraient pas.
.
- Où est le mal ?, rétorquai-je pour meuble le silence qui parcourt mon état de végétal.
.
-Allumer une cigarette est une incitation à se faire demander une tige, du feu ou les deux. Quand le paquet est visible, il devient tentation et risque de fondre très vite et de s’évaporer en fumée. Conclusion, il n’y a que les touristes et nos émigrés pour ignorer ou pour volontairement transgresser ces codes.
.
Il signe son monologue par un rire gras qui met en évidence sa dentition dont la blancheur est un souvenir qui remonte à l’enfance.
.
Je glisse doucement ma main gauche vers le bas et la fourre dans une poche. L’empreinte du jonc sur mon annulaire est aussi blanche qu’une fesse au sortir d’un bikini. Instinctivement, par pudeur ou par dépit, je décide de priver le détective en herbe du loisir de se rincer la curiosité.
.
Je décide de ne lui fournir aucune occasion pour commenter ma vie qu’il ne connait pas et qu’il risque d’inventer, car c’est monnaie courante dans mon bled.
Je le prive de faire des commentaires et, de fil en aiguille, de me prendre en pitié. J’entrevoie le pire. Tomber sur un donneur de leçons. Un moralisateur. Une peine travestie. La compassion qui mouille d’un œil tandis que de l’autre pouffe de rire en cherchant à qui glousser mon cruel alunissage. Il réprimanderait gentiment pour que je ne puisse répliquer, puis se vautrerait dans l’instant. Jouissif est le quart d’heure de gloire à mes dépens. Il exhiberait son immense savoir des femmes. S’écouterait parler avec avidité et, pour une fois, s’envierait. Il se pardonnerait sa médiocrité structurelle en pointant la mienne, du moment. Il serait aux anges, car il viendrait de débusquer pire que lui et cela le rassurerait.
.
Moi, je ne serais plus qu’un faire-valoir. Son faire-valoir.
.
Mon Maroc est une confrérie de psychanalystes autoproclamés. On s'improvise psy, puis on affute sa technique.
,
Majid Blal, Extrait de mon roman « Une femme pour pays » Publié en 2001
J’entre. Me dirige vers le bar. M’accoude et jette un coup d’œil circulaire dans l’espoir de localiser d’éventuelles connaissances. Nada. À tous, ma tête est étrangère. Je lève l’index pour commander une bière quand surgit à mes côtés un moustachu. Bizarrement, c’est là que je remarque que la quasi-majorité des hommes, s’ornent du même artifice. La moustache à Saddam. L’individu se présente, sourit et m’apostrophe:
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- Je présume que vous vivez à l’extérieur, je veux dire à l’étranger.
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Le ton souligne la constatation. L’affirmation d’une déduction plus qu’une interrogation. Interloqué, je vérifie mes vêtements dans le but de mettre la main sur le nid qui a placé la puce à l’oreille du limier. Je ne découvre rien. Une paire de jeans, un col roulé sous un manteau d’hiver. Un accoutrement anodin, sans éléments particuliers au fait de vivre à l’étranger. Sidéré, je lui demande:
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- Comment as-tu deviné? Je crois que je ne porte aucun signe distinctif, ce n’est pas écrit sur mon front à ce que je sache?
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- Facile! Triomphe le type. Il suffit d’observer.
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- Observer quoi ?, dis-je machinalement pour ne pas paraitre désagréable.
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-Mon ami, tu es le seul qui, tout bonnement, dépose son paquet de cigarettes sur le comptoir. Là est la dérogation à la règle. L’indice incriminant. Tu vois ? Un paquet de cigarettes, surtout les blondes, les américaines, coûte 26,50 DH. Soit l’équivalent du prix d’un demi-kilogramme de viande ou si tu préfères, le tiers du salaire quotidien d’un fonctionnaire. Les gens qui peuvent se permettre des Marlboro, par exemple, les laissent dans leurs poches et se servent au besoin. Ils en sortent une à la fois et s’ils pouvaient les sortir déjà allumées, directement de la poche, ils n’hésiteraient pas.
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- Où est le mal ?, rétorquai-je pour meuble le silence qui parcourt mon état de végétal.
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-Allumer une cigarette est une incitation à se faire demander une tige, du feu ou les deux. Quand le paquet est visible, il devient tentation et risque de fondre très vite et de s’évaporer en fumée. Conclusion, il n’y a que les touristes et nos émigrés pour ignorer ou pour volontairement transgresser ces codes.
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Il signe son monologue par un rire gras qui met en évidence sa dentition dont la blancheur est un souvenir qui remonte à l’enfance.
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Je glisse doucement ma main gauche vers le bas et la fourre dans une poche. L’empreinte du jonc sur mon annulaire est aussi blanche qu’une fesse au sortir d’un bikini. Instinctivement, par pudeur ou par dépit, je décide de priver le détective en herbe du loisir de se rincer la curiosité.
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Je décide de ne lui fournir aucune occasion pour commenter ma vie qu’il ne connait pas et qu’il risque d’inventer, car c’est monnaie courante dans mon bled.
Je le prive de faire des commentaires et, de fil en aiguille, de me prendre en pitié. J’entrevoie le pire. Tomber sur un donneur de leçons. Un moralisateur. Une peine travestie. La compassion qui mouille d’un œil tandis que de l’autre pouffe de rire en cherchant à qui glousser mon cruel alunissage. Il réprimanderait gentiment pour que je ne puisse répliquer, puis se vautrerait dans l’instant. Jouissif est le quart d’heure de gloire à mes dépens. Il exhiberait son immense savoir des femmes. S’écouterait parler avec avidité et, pour une fois, s’envierait. Il se pardonnerait sa médiocrité structurelle en pointant la mienne, du moment. Il serait aux anges, car il viendrait de débusquer pire que lui et cela le rassurerait.
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Moi, je ne serais plus qu’un faire-valoir. Son faire-valoir.
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Mon Maroc est une confrérie de psychanalystes autoproclamés. On s'improvise psy, puis on affute sa technique.
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Majid Blal, Extrait de mon roman « Une femme pour pays » Publié en 2001