Selon l’histoire officielle écrite après 1962, la seule colonisation subie par l’Algérie fut celle de la France. La période turque est quant à elle présentée comme celle de l’émergence de la conscience «pré-nationale algérienne», le pays étant considéré comme ayant été alors quasiment indépendant. Mais alors, pourquoi, dans ces conditions, dans l’actuelle Algérie, et cela à la différence de la Tunisie, la période turque n’a-t-elle pas débouché sur une prise de conscience pré-nationale? Pourquoi, n’y eut-il pas d’évolution vers une monarchie nationale comme en Tunisie avec les Husseinites, ou comme à Tripoli avec les Karamanli?
Muhammet Mucahit Kucukyilmaz, ambassadeur de Turquie en Algérie, vient de répondre indirectement à cette question. Pensant sans doute faire plaisir aux Algériens en montrant les liens charnels unissant Turquie et Algérie, son Excellence a notamment souligné que plusieurs millions d’Algériens sont en réalité des Turcs qu’«on reconnaît à des noms comme Sari, Kara, Barutcu, Telci. Certains viennent directement d’Anatolie». D’autres sont des Kouloughli… Or, traiter quelqu’un de Kouloughli est la pire insulte qui soit en Algérie avec celle de «Harki». En effet, les Kouloughli étant les enfants des Turcs et des femmes indigènes, cela sous-entendrait que nombre d’ancêtres femmes du «1,5 million de martyrs» et des «millions» de «résistants» à la colonisation française, succombèrent en réalité aux charmes du colon ottoman…
Ne s’en tenant pas là, son Excellence Muhammet Mucahit Kucukyilmaz a rappelé le legs turc à l’honneur chatouilleux de l’Algérie. Ainsi certains plats qui constituent aujourd’hui la base de l’alimentation des Algériens; ou encore le vêtement, les métiers d’art, la décoration et les motifs utilisés «tout à fait familiers pour nous en Anatolie». Pour enfoncer le clou, son Excellence n’a pas craint de dire que «lorsque vous vous promenez dans les ruelles de la Casbah, vous avez l’impression de vous balader dans les quartiers de Suleymaniye ou de Fatih à Istanbul». Son Excellence qui n’a pas tort dans cette comparaison n’aurait pas pu en dire autant de la ville de Fès qui, elle, est authentiquement et culturellement marocaine…
En Algérie, ces propos ont été reçus comme une insulte venant après l’incident entre Alger et Ankara faisant suite à la visite d’une délégation du PKK à Tindouf à l’invitation du Polisario (voir ma chronique L’Algérie est-elle dirigée depuis El Mouradia ou depuis Tindouf? ). Cette réunion avait provoqué la colère du monde politique turc résumée d’une manière cinglante par le député Bahadır Nahit Yenişehirlioğlu du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir:
Muhammet Mucahit Kucukyilmaz, ambassadeur de Turquie en Algérie, vient de répondre indirectement à cette question. Pensant sans doute faire plaisir aux Algériens en montrant les liens charnels unissant Turquie et Algérie, son Excellence a notamment souligné que plusieurs millions d’Algériens sont en réalité des Turcs qu’«on reconnaît à des noms comme Sari, Kara, Barutcu, Telci. Certains viennent directement d’Anatolie». D’autres sont des Kouloughli… Or, traiter quelqu’un de Kouloughli est la pire insulte qui soit en Algérie avec celle de «Harki». En effet, les Kouloughli étant les enfants des Turcs et des femmes indigènes, cela sous-entendrait que nombre d’ancêtres femmes du «1,5 million de martyrs» et des «millions» de «résistants» à la colonisation française, succombèrent en réalité aux charmes du colon ottoman…
Ne s’en tenant pas là, son Excellence Muhammet Mucahit Kucukyilmaz a rappelé le legs turc à l’honneur chatouilleux de l’Algérie. Ainsi certains plats qui constituent aujourd’hui la base de l’alimentation des Algériens; ou encore le vêtement, les métiers d’art, la décoration et les motifs utilisés «tout à fait familiers pour nous en Anatolie». Pour enfoncer le clou, son Excellence n’a pas craint de dire que «lorsque vous vous promenez dans les ruelles de la Casbah, vous avez l’impression de vous balader dans les quartiers de Suleymaniye ou de Fatih à Istanbul». Son Excellence qui n’a pas tort dans cette comparaison n’aurait pas pu en dire autant de la ville de Fès qui, elle, est authentiquement et culturellement marocaine…
En Algérie, ces propos ont été reçus comme une insulte venant après l’incident entre Alger et Ankara faisant suite à la visite d’une délégation du PKK à Tindouf à l’invitation du Polisario (voir ma chronique L’Algérie est-elle dirigée depuis El Mouradia ou depuis Tindouf? ). Cette réunion avait provoqué la colère du monde politique turc résumée d’une manière cinglante par le député Bahadır Nahit Yenişehirlioğlu du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir:
«Nous avons vu récemment l’arrivée d’éléments terroristes séparatistes kurdes en Algérie que nous pensions être un pays ami, l’Algérie que nous avions tant nourrie et protégée, l’Algérie, qui était il n’y a pas si longtemps, une province sous la protection du Sultan ottoman, or, aujourd’hui, elle reçoit une bande de terroristes kurdes sur son territoire. Je ressens désormais que l’Empire ottoman a fait une erreur, oui il a fait une erreur quand il a vendu la province turque (Sandjak) d’Algérie à la France. L’Algérie sait que sans nos ancêtres turcs et sans le grand chef Barberousse (Kheïr-Eddine Baba Arroudi, régent d’Alger sous le règne de Soliman le Magnifique), les habitants d’Algérie resteraient encore des esclaves des Espagnols comme Barberousse le Grand les a trouvés».«La seule erreur de l’ambassadeur turc fut de croire qu’il était en présence d’un pays adulte, solidement ancré dans son histoire et ayant le calme des vieilles troupes face aux évènements…»
— Bernard Lugan