Quelle dignité dans un pays où la justice est bafouée?

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Au Maroc, la révolte d’un juge (Le Monde)
Par Florence Beaugé

On ne peut pas être digne dans un pays « où la justice est bafouée ». Pour Jaafar Hassoun, il y a ainsi, à la base des révoltes qui agitent le monde arabe, « un sentiment d’injustice de toute sorte ». Et l’ancien juge marocain parle en connaissance de cause. Depuis …huit mois, il effectue sa descente en enfer.

L’affaire Jaafar Hassoun a commencé en juillet 2010. Un quotidien marocain rapporte les délibérations du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). De qui viennent les fuites ? Le juge Hassoun et l’un de ses collègues sont vite montrés du doigt par le ministère de la justice. Mais c’est Hassoun qui est visé. En août 2010, il est suspendu de sa fonction de président du tribunal administratif de Marrakech et privé de son salaire. En décembre, il est révoqué du CSM, dont il était l’un des six membres élus. Puis, en janvier, il apprend qu’il est radié des rangs de la magistrature. Signée par le roi, la décision est irrévocable. Aujourd’hui, Jaafar Hassoun est au chômage.

Jusque-là, ce magistrat de 52 ans, père de quatre enfants, s’était cru poursuivi et sanctionné pour ce manquement au devoir de réserve. En fait, il l’a été pour corruption… mais il ne le sait pas officiellement. « On a brisé sa vie, sa carrière et son avenir. On essaie à présent de briser son honneur, en le frappant là où ça lui fait le plus mal : son intégrité », dit de lui l’un des ténors du barreau marocain, Me Abderrahim Jamaï.

Car cela fait longtemps que Jaafar Hassoun donne du fil à retordre à l’administration. En 2001, il crée l’Association marocaine de défense de l’indépendance de la magistrature (Amdim). « Une initiative qu’on ne m’a pas pardonnée », dit-il. En 2003, il lance une pétition pour défendre cinq magistrats incarcérés dans le cadre d’une affaire de drogue. « C’est la procédure que je contestais. Ces juges avaient été privés de leur droit à la défense », se souvient-il. Il paye cet acte d’insoumission de trois mois de suspension, d’un blâme et d’une mutation.

Peu après, le palais achève de mettre les magistrats marocains au pas. Une circulaire du roi délimite le cadre étroit dans lequel ils ont le droit de s’exprimer. Un tournant. Les magistrats adoptent un profil bas, « au grand bonheur des forces d’inertie qui voulaient faire de nous de simples fonctionnaires, uniquement soucieux de leur carrière », témoigne l’un d’eux.

Le juge rebelle récidive pourtant en 2009. Comme président du tribunal administratif de Marrakech, il invalide l’élection du maire de la Ville rouge, un membre du Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM). Cette décision – qui sera ultérieurement annulée par la cour d’appel de Marrakech – fait scandale, car le PAM, créé par un ami d’enfance du roi, Fouad Ali El-Himma, est considéré comme intouchable.
 
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Il reste aujourd’hui un espoir pour Hassoun : devenir avocat. Puisqu’il a passé plus de huit ans dans la magistrature, il peut y prétendre. Il postule au barreau de Beni Mellal, petite ville du moyen Atlas. Sa candidature est acceptée. Las… Voilà que le procureur général y met son veto. C’est vendredi 18 mars que la cour d’appel de Beni Mellal statuera sur ce recours.

« Un mauvais juge ne peut pas être un bon avocat », déclare au Monde Mohamed Naciri, le ministre de la justice, pour justifier sa décision. Pour lui, Jaafar Hassoun était « autrefois » un homme qu’il « respectai(t) beaucoup ». C’en est fini. Non seulement Hassoun s’est rendu coupable, dit-il, de fuites dans la presse, mais de « faits de concussion ». A écouter le ministre, le juge s’est fait rétribuer en échange de ses informations sur le CSM, voire d’autres services. L’un de ses amis, un entrepreneur de Casablanca, aurait servi d’intermédiaire et lui a payé « une djellaba, des babouches, un billet d’avion et une chambre d’hôtel » en remerciement.

Mais pourquoi donc accuser aujourd’hui le juge Hassoun de corruption, alors qu’il a été sanctionné pour divulgation de secrets ? « Nous ne voulions pas porter atteinte au corps et à la dignité de la magistrature en étalant cette affaire sur la place publique », soupire le ministre, le secrétaire général du ministère opinant vigoureusement du chef à ses côtés.

« C’est une histoire à dormir debout. En vingt-cinq ans de magistrature, on aurait eu le temps de me mettre des dossiers sur le dos si j’avais été corrompu !, s’étrangle Jaafar Hassoun. Oui, cet ami entrepreneur me prend en charge chaque fois que je vais le voir à Casablanca. Oui, il m’a bien payé des vêtements et un billet d’avion, mais il ne m’a jamais demandé aucun service, et d’ailleurs, il n’a aucun problème avec la justice ! »

Rachid Filali Meknassi, le secrétaire général de l’ONG Transparency Maroc, dénonce « le mélange des genres » pratiqué par le ministère de la justice et estime que le juge rebelle a toujours été « un obstacle aux véreux » au sein du CSM. « C’est par la transparence qu’on doit défendre le corps de la magistrature, pas par l’opacité ! », ajoute-t-il.

Le cas de Jaafar Hassoun illustre bien le problème de la « dépendance de la justice » au Maroc, souligne de son côté Abdelaziz Nouaydi, avocat et fondateur de l’association Adala, qui milite pour le droit à un procès équitable. Pour lui, bien peu de magistrats trouvent la force de résister comme M. Hassoun, même si, en privé, ils saluent son courage.

Me Jamaï, figure de la société civile, dénonce quant à lui « la vengeance » dont le juge est victime et note que c’est « la première fois dans l’histoire de ce pays qu’on condamne quelqu’un pour un crime resté caché », qui n’a même pas été notifié à l’accusé. « Rien n’interdisait de poursuivre Hassoun pour corruption. On aurait même pu en faire un exemple ! s’exclame-t-il. Au lieu de cela, on a décidé de le mettre en marge de la société par n’importe quel moyen. »

Article paru dans l’édition du 17.03.11
 
Le monde est fait d'injustice

le Monde aussi :D

mais le cas de ce juge illustre bien le dysfonctionnement de la justice marocaine dans toute sa splendeur.

- d'abord parce qu'il démontre que la justice n'est pas dépendante.
- la justice pour les marocains n'est pas la même et plus tu grimpes dans la hiérarchie plus la victime devient lui même coupable et le coupable sa victime.
- quand le rouleau compresseur s'abat sur toi, il s'acharne sur toi même si tu es à genou et continue à te malmener quand tu es à plat ventre sans aucun pitié.

Encore pire quand il s'agit des élections dites libres mais complètement truquées.

quand la justice, la dignité et la démocratie sont malmenées, que reste t il comme recourt au citoyen?
 
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