Quel est lintérêt de soutenir les mouvements de l'islam politique?
Il y a au moins deux stratégies derrière ce soutien du Qatar des mouvements de l'islam politique: d'une part, l'appareil étatique qatari, certes écartelé entre une tendance salafiste et une tendance plutôt islamiste, à l'image d'une société elle-même très conservatrice, penche davantage pour l'islamisme issu de la matrice des Frères musulmans qui continue d'être le courant le mieux structuré et implanté aussi bien dans les sociétés majoritairement musulmanes que non-musulmanes.
Et d'autre part, en soutenant financièrement les partis islamistes, en les mettant et maintenant sous perfusion économique grandissante, l'émirat sous-traite en quelque sorte leur domestication au profit des grandes puissances (États-Unis et Europe notamment), en s'assurant principalement de leur loyalisme essentiellement libre-échangiste ou néo-libéral !
Quel est le rôle du cheikh Al-Qaradhâwî dans le système politique du Qatar?
L'histoire sait être cruelle parfois, "les paroles s'envolent, les écrits restent"...En effet, le cheikh Yûsuf Al-Qaradhâwî qui fustigeait "Les oulémas du pouvoir" dans Priorités du mouvement islamiste dans la prochaine étape, éditées pour la première fois en arabe, si je ne m'abuse en 1990, puis rééditées pour la sixième fois en 2006, au Caire, toujours dans la même langue, a visiblement depuis lors tourné casaque, car il est aujourd'hui le mufti de l'émirat.
Comme dans tout régime autoritaire où, qui plus est, religion et politique sont étroitement imbriquées, ne sont consultés que des théologiens cooptés, ne disposant, à ce titre, d'aucune véritable marge de manoeuvre et autonomie critique à l'égard de la ligne politique officielle. C'est pourquoi, ceux-ci, très souvent, se contentent ainsi, à l'instar de Y. Al-Qaradhâwî, de conférer ex post une légitimité religieuse à des décisions politiques ex ante.
Dit autrement, "la théologie d'institution" à laquelle participe le cheikh, procède d'une théologie adaptative qui confère une coloration religieuse, aux fins de satisfaire les franges les plus conservatrices de l'islam en général, à des prises de position politique pourtant potentiellement discutables du point de vue moral ou des sources de l'islam bien compris.
N'est-ce pas Y. Al-Qaradhâwî qui, sous la forme d'une fatwa en apparence spontanée, a appelé, en février 2011, depuis la chaîne Al-Jazîra, devant des millions de téléspectateurs, à l'assassinat de Muammar Khadafi? À ma connaissance, toutes ces dernières décennies, nous n'avons jamais vu un Pape appeler à la violence politique?