nordia
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Homme au foyer, je pensais incarner l’homme du vingt-et-unième siècle. Mais ni moi, ni le siècle n’étions prêts!
Homme au foyer, je pensais incarner l'homme du vingt-et-unième siècle. Mais ni moi, ni le siècle n'étions prêts! Tel est le constat que j'ai tiré de deux ans d'expérience dans ce rôle encore très souvent dévolu aux femmes, une expérience à contre-courant du modèle traditionnel qui en dit long sur le rapport des sexes aujourd'hui et le regard posé sur les hommes et femmes au foyer.
Il y a deux ans, ma femme acceptait la proposition de son employeur de partir travailler en Pologne et embarqua avec elle "homme et enfants". Cette aventure allait me permettre d'incarner un homme d'un genre nouveau: l'homme du XXIe siècle! Oui, pensais-je, l'humanité était suffisamment mature pour accueillir un nouveau modèle de virilité: "homme au foyer" et "époux d'expat". Après des décennies de combats féministes et de progrès en faveur de l'égalité des sexes, les femmes avaient enfin atteint les sommets de la politique et des affaires. L'homme pourrait alors, à son tour, être une femme au foyer comme une autre et enfin, lui aussi, moins travailler pour s'occuper des enfants, faire une pause dans sa carrière, voire cesser son activité professionnelle pour suivre sa femme promue à l'étranger. Enfin un monde où hommes et femmes se côtoieraient d'égal à égal!
Bref, je m'apprêtais à endosser mon nouveau rôle, confiant et conforté par l'idée évidente que je marchais dans le sens de l'Histoire! Mais apparemment, l'Histoire, je la prenais un peu de vitesse et sur sa route, je me sentis par moment seul. Seul, car un "homme-qui-arrête-de-bosser-pour-suivre-sa-femme-promue-à-l'étranger-et-qui-s'occupe-des-enfants-et-de-la-maison", ça ne court pas les rues! J'étais donc une bête rare au point qu'on me demandât, à la première réunion de parents de l'école de mes enfants, majoritairement des expatriés: "C'est toi l'homme qui suit sa femme?" Il est vrai que dans le monde des conjoints d'expats, les hommes sont très minoritaires. Neuf fois sur dix c'est madame qui suit monsieur.
Ma situation était singulière mais je continuais de penser qu'au vingt et unième siècle, mes contemporains n'avaient plus aucune raison de s'en étonner. Or les réactions les plus fréquentes relevaient carrément du déni: "Ah bon! Ce n'est pas toi qui travailles? C'est ta femme!" Une fois l'effet de surprise passé, certains s'inquiétaient pour moi: "Qu'est-ce que tu fais de tes journées?" La question était sincère, et comme ils semblaient chercher une réponse, j'en déduisis qu'ils ne l'avaient jamais posée à leur épouse également "au foyer". Ou bien peut-être s'inquiétaient-ils de savoir si je ne faisais pas la même chose que leur femme, comme, par exemple, comble de l'infamie pour un homme, faire le ménage!
Entre surprise et machisme ordinaire, ces remarques soulevaient en fait au moins deux questions existentielles: "qui suis-je?" et "que fais-je?"
"Qui suis-je?" En suivant mon épouse, je perdais partiellement mon identité, du moins celle que l'on brandit lors des premières rencontres. Ces premières rencontres durant lesquelles on se pose la question: "Tu fais quoi dans la vie?" Cette question banale vise bien à connaître le métier de la personne, sa position. C'est une question d'autant plus importante dans le contexte de l'expatriation où elle signifie également: "pour quelle raison es-tu ici?", en Pologne dans mon cas. Après avoir tenté de répondre en parlant de ma vie professionnelle précédente, ou de mes loisirs, je finissais toujours par prononcer, non sans équivoque: "je suis ma femme", ... L'homonymie de "je suis", forme du verbe être et suivre, prenait ici tout son sens.
La seconde question: "que fais-je?" Pour beaucoup, l'homme ou la femme au foyer, en plus de vivre au crochet d'un conjoint qui travaille (ce qui est d'autant moins accepté socialement quand on est un homme), a tout le temps puisqu'elle ou il ne travaille pas! Au mieux, elle ou il "s'occupe". C'est différent! On "s'occupe" des enfants, on "s'occupe" de la maison, on "s'occupe" du repas, ... Non seulement toutes ces "occupations" ne sont pas considérées comme du "travail", mais elles semblent ne pas prendre de temps pour celui (ou celle) qui en est dispensé. "Tu as le temps, toi!" m'avait-on dit.
Homme au foyer, je pensais incarner l'homme du vingt-et-unième siècle. Mais ni moi, ni le siècle n'étions prêts! Tel est le constat que j'ai tiré de deux ans d'expérience dans ce rôle encore très souvent dévolu aux femmes, une expérience à contre-courant du modèle traditionnel qui en dit long sur le rapport des sexes aujourd'hui et le regard posé sur les hommes et femmes au foyer.
Il y a deux ans, ma femme acceptait la proposition de son employeur de partir travailler en Pologne et embarqua avec elle "homme et enfants". Cette aventure allait me permettre d'incarner un homme d'un genre nouveau: l'homme du XXIe siècle! Oui, pensais-je, l'humanité était suffisamment mature pour accueillir un nouveau modèle de virilité: "homme au foyer" et "époux d'expat". Après des décennies de combats féministes et de progrès en faveur de l'égalité des sexes, les femmes avaient enfin atteint les sommets de la politique et des affaires. L'homme pourrait alors, à son tour, être une femme au foyer comme une autre et enfin, lui aussi, moins travailler pour s'occuper des enfants, faire une pause dans sa carrière, voire cesser son activité professionnelle pour suivre sa femme promue à l'étranger. Enfin un monde où hommes et femmes se côtoieraient d'égal à égal!
Bref, je m'apprêtais à endosser mon nouveau rôle, confiant et conforté par l'idée évidente que je marchais dans le sens de l'Histoire! Mais apparemment, l'Histoire, je la prenais un peu de vitesse et sur sa route, je me sentis par moment seul. Seul, car un "homme-qui-arrête-de-bosser-pour-suivre-sa-femme-promue-à-l'étranger-et-qui-s'occupe-des-enfants-et-de-la-maison", ça ne court pas les rues! J'étais donc une bête rare au point qu'on me demandât, à la première réunion de parents de l'école de mes enfants, majoritairement des expatriés: "C'est toi l'homme qui suit sa femme?" Il est vrai que dans le monde des conjoints d'expats, les hommes sont très minoritaires. Neuf fois sur dix c'est madame qui suit monsieur.
Ma situation était singulière mais je continuais de penser qu'au vingt et unième siècle, mes contemporains n'avaient plus aucune raison de s'en étonner. Or les réactions les plus fréquentes relevaient carrément du déni: "Ah bon! Ce n'est pas toi qui travailles? C'est ta femme!" Une fois l'effet de surprise passé, certains s'inquiétaient pour moi: "Qu'est-ce que tu fais de tes journées?" La question était sincère, et comme ils semblaient chercher une réponse, j'en déduisis qu'ils ne l'avaient jamais posée à leur épouse également "au foyer". Ou bien peut-être s'inquiétaient-ils de savoir si je ne faisais pas la même chose que leur femme, comme, par exemple, comble de l'infamie pour un homme, faire le ménage!
Entre surprise et machisme ordinaire, ces remarques soulevaient en fait au moins deux questions existentielles: "qui suis-je?" et "que fais-je?"
"Qui suis-je?" En suivant mon épouse, je perdais partiellement mon identité, du moins celle que l'on brandit lors des premières rencontres. Ces premières rencontres durant lesquelles on se pose la question: "Tu fais quoi dans la vie?" Cette question banale vise bien à connaître le métier de la personne, sa position. C'est une question d'autant plus importante dans le contexte de l'expatriation où elle signifie également: "pour quelle raison es-tu ici?", en Pologne dans mon cas. Après avoir tenté de répondre en parlant de ma vie professionnelle précédente, ou de mes loisirs, je finissais toujours par prononcer, non sans équivoque: "je suis ma femme", ... L'homonymie de "je suis", forme du verbe être et suivre, prenait ici tout son sens.
La seconde question: "que fais-je?" Pour beaucoup, l'homme ou la femme au foyer, en plus de vivre au crochet d'un conjoint qui travaille (ce qui est d'autant moins accepté socialement quand on est un homme), a tout le temps puisqu'elle ou il ne travaille pas! Au mieux, elle ou il "s'occupe". C'est différent! On "s'occupe" des enfants, on "s'occupe" de la maison, on "s'occupe" du repas, ... Non seulement toutes ces "occupations" ne sont pas considérées comme du "travail", mais elles semblent ne pas prendre de temps pour celui (ou celle) qui en est dispensé. "Tu as le temps, toi!" m'avait-on dit.