René guénon et l'enseignement initiatique

...expliqué en d’autres occasions. On peut donc dire qu’il est impossible qu’il y ait, pour deux individus différents, deux initiations exactement semblables, même au point de vue extérieur et rituélique, et à plus forte raison au point de vue du travail intérieur de l’initié ; l’unité et l’immutabilité du principe n’exigent nullement une uniformité et une immobilité qui sont d’ailleurs irréalisables en fait, et qui, en réalité, ne représentent que leur reflet « inversé » au plus bas degré de la manifestation ; et la vérité est que l’enseignement initiatique, impliquant une adaptation à la diversité indéfinie des natures individuelles, s’oppose par là à l’uniformité que l’enseignement profane regarde au contraire comme son « idéal ». Les modifications dont il s’agit se limitent d’ailleurs, bien entendu, à la traduction extérieure de la connaissance initiatique et à son assimilation par telle ou telle individualité, car, dans la mesure où une telle traduction est possible, elle doit forcément tenir compte des relativités et des contingences, tandis que ce qu’elle exprime en est indépendant dans l’universalité de son essence principielle, comprenant toutes les possibilités dans la simultanéité d’une synthèse unique.

L’enseignement initiatique, extérieur et transmissible dans des formes, n’est en réalité et ne peut être, nous l’avons déjà dit et nous y insistons encore, qu’une préparation de l’individu à acquérir la véritable connaissance initiatique par l’effet de son travail personnel. On peut ainsi lui indiquer la voie à suivre, le plan à réaliser, et le disposer à prendre l’attitude mentale et intellectuelle nécessaire pour parvenir à une compréhension effective et non pas simplement théorique ; on peut encore l’assister et le guider en contrôlant son travail d’une façon constante, mais c’est tout, car nul autre, fût-il un « Maître » dans l’acception la plus complète du mot, ne peut faire ce travail pour lui. Ce que l’initié doit forcément acquérir par lui-même, parce que personne ni rien d’extérieur à lui ne peut le lui communiquer, c’est en somme la possession effective du secret initiatique proprement dit ; pour qu’il puisse arriver à réaliser cette possession dans toute son étendue et avec tout ce qu’elle implique, il faut que l’enseignement qui sert en quelque sorte de base et de support à son travail personnel soit constitué...

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Lorsqu’on parle de mystique en Occident, on se représente des individualités assez marginales, exerçant peu de prise sur la société. Telle n’est pas la situation dans les pays musulmans. Les confréries mystiques (« soufies ») constituent des groupements souvent très considérables. Pour prendre l’exemple de l’Egypte, seul pays musulman pour lequel nous disposons des statistiques officielles, les confréries regroupent 6 millions d’adhérents pour une population de 60 millions d’habitants. Bien sûr, tous ces adhérents n’ont pas un engagement spirituel intense ; mais ils font tous allégeance à des degrés divers à des Maîtres, des guides spirituels, et partagent une vision spécifique de la vie religieuse.

Précisons ici le terme de « mystique ». En islam, sa portée est relativement claire. Le croyant ordinaire s’efforce d’appliquer la volonté d’un Dieu transcendant, inconnaissable, afin d’obtenir sa récompense et Le rencontrer éventuellement dans l’au-delà. Pour le musulman mystique, cette rencontre est déjà possible ici-bas. L’homme peut avoir sur terre une expérience du surnaturel, une union au divin. Cette vision suscite un type de foi particulier, puisque la vie terrestre se trouve ipso facto « éternisée » ici et maintenant, avant la mort physique.

Ceci dit, la mystique n’est pas originelle en islam, elle ne transparaît guère dans le Coran ou dans le hadîth (enseignements du prophète Muhammad). Mais il semble que dès les premiers siècles de l’ère musulmane, des gens pieux se soient isolés dans un approfondissement spirituel souvent marqué d’ascétisme. Au ixe siècle de notre ère, un courant franchement mystique émerge, appelé « soufisme » en Irak, et très présent sous d’autres formes notamment en Iran oriental. Les mystiques se regroupent autour d’hommes charismatiques reconnus comme des saints. Leur prestige s’accroît jusqu’à porter parfois ombrage au pouvoir politique, comme en témoigne l’exécution spectaculaire du grand soufi Hallâj en 922 à Baghdad. Plus tard – à partir du xiie siècle – ces mouvements se structureront en confréries organisées, reconnues voire courtisées par les souverains. Leur principe : un Maître spirituel regroupe des disciples autour d’un enseignement initiatique particulier, certains disciples désignés à leur tour comme Maîtres perpétuant cette voie au fil des siècles. La majorité des adhérents n’en sont toutefois pas des disciples proches, mais plutôt des croyants cherchant à bénéficier de l’influx spirituel (la baraka) diffusé par le Maître
 
Et participant à titre simplement occasionnel aux rites et liturgies de la confrérie. Signalons un point important : l’organisation confrérique n’est pas la seule possibilité de vivre la voie mystique. Il existe des attitudes plus individuelles de recherche du divin. La confrérie est toutefois la forme plus visible, celle qui a pris le plus de poids social, notamment dans l’islam sunnite.

La mystique, confrérique ou non, a laissé une trace très profonde dans la culture musulmane. La littérature en est largement imprégnée, comme l’illustre la poésie lyrique persane (‘Attâr, Roumi, Hafez), turque, ourdoue etc. La musique ou l’architecture religieuses, comme la calligraphie ou l’art de la miniature traduisent fréquemment des conceptions mystiques.

La situation des confréries à l’époque contemporaine est plus ambiguë. Jusqu’au xixe siècle, la culture musulmane – celle des élites comme celle du peuple – était complètement imprégnée de mystique. Les confréries véhiculèrent de façon puissante l’identité musulmane face à la pénétration coloniale. C’est un Maître de confrérie, Abdelkader, qui prit la tête de la résistance contre l’invasion française de l’Algérie ; et le cas de figure n’est pas unique. Les confréries perdirent toutefois beaucoup d’influence à partir de la phase d’occidentalisation des sociétés musulmanes. Les nouvelles élites musulmanes leur étaient généralement hostiles, qu’elles soient laïques (Mustafa Kemal supprimera les confréries turques), marxistes (dans les Républiques soviétiques d’Asie centrale ou du Caucase, en Albanie) ou fondamentalistes (le mouvement wahhabite est très anti-soufi, les confréries sont interdites en Arabie Séoudite). Elles restent toutefois bien vivantes dans de nombreuses régions du monde. Des chefs politiques peuvent adhérer à des confréries à titre privé (commandant Massoud), des populations entières s’en inspirer dans leur vie civile (Sénégal) comme dans leur résistance nationale (Tchétchénie). Le soufisme joue un rôle non négligeable dans la constitution d’un islam européen et nord-américain. En bref, on peut considérer le mysticisme comme l’une des grandes options possibles de vie religieuse musulmane actuellement.
 
...expliqué en d’autres occasions. On peut donc dire qu’il est impossible qu’il y ait, pour deux individus différents, deux initiations exactement semblables, même au point de vue extérieur et rituélique, et à plus forte raison au point de vue du travail intérieur de l’initié ; l’unité et l’immutabilité du principe n’exigent nullement une uniformité et une immobilité qui sont d’ailleurs irréalisables en fait, et qui, en réalité, ne représentent que leur reflet « inversé » au plus bas degré de la manifestation ; et la vérité est que l’enseignement initiatique, impliquant une adaptation à la diversité indéfinie des natures individuelles, s’oppose par là à l’uniformité que l’enseignement profane regarde au contraire comme son « idéal ». Les modifications dont il s’agit se limitent d’ailleurs, bien entendu, à la traduction extérieure de la connaissance initiatique et à son assimilation par telle ou telle individualité, car, dans la mesure où une telle traduction est possible, elle doit forcément tenir compte des relativités et des contingences, tandis que ce qu’elle exprime en est indépendant dans l’universalité de son essence principielle, comprenant toutes les possibilités dans la simultanéité d’une synthèse unique.

L’enseignement initiatique, extérieur et transmissible dans des formes, n’est en réalité et ne peut être, nous l’avons déjà dit et nous y insistons encore, qu’une préparation de l’individu à acquérir la véritable connaissance initiatique par l’effet de son travail personnel. On peut ainsi lui indiquer la voie à suivre, le plan à réaliser, et le disposer à prendre l’attitude mentale et intellectuelle nécessaire pour parvenir à une compréhension effective et non pas simplement théorique ; on peut encore l’assister et le guider en contrôlant son travail d’une façon constante, mais c’est tout, car nul autre, fût-il un « Maître » dans l’acception la plus complète du mot, ne peut faire ce travail pour lui. Ce que l’initié doit forcément acquérir par lui-même, parce que personne ni rien d’extérieur à lui ne peut le lui communiquer, c’est en somme la possession effective du secret initiatique proprement dit ; pour qu’il puisse arriver à réaliser cette possession dans toute son étendue et avec tout ce qu’elle implique, il faut que l’enseignement qui sert en quelque sorte de base et de support à son travail personnel soit constitué...

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