Comment réussir médecine quand on n’a pas d’argent ?

mam80

la rose et le réséda
Modérateur
21 05 2014

L’université Paris-13 anime une classe prépa aux études médicales destinée aux bacheliers du "9-3". Objectif : s’attaquer aux déterminismes sociaux.

Pour réussir en médecine, il faut être opiniâtre, bûcheur et… issu d’un milieu social favorisé. C’est une vérité mal acceptée par les milieux médicaux, mais les chiffres du ministère la révèlent crûment : la première année des études de santé (Paces) est occupée à 62% par des bacheliers aux "origines sociales favorisées ou très favorisés" (contre 50% en moyenne dans le reste de l’université). Et cette proportion atteint 75% en deuxième année, après un concours très critiqué.

Or, en plus d’être contraire à l’égalité des chances, cette surreprésentation de certains milieux a une conséquence très concrète : une fois installés en cabinet, les nouveaux venus dans la profession fuient en masse les zones les plus démunies, dont ils ne sont pas issus.

Fuite des talents
"Dix ans après avoir commencé à exercer, les médecins formés à la fac de Bobigny ont, pour plus de trois quarts d’entre eux, quitté la Seine-Saint-Denis, déplore Jean-Luc Dumas, directeur de la faculté de santé et médecine de Paris-13, située à Bobigny. Ceux qui restent dans le département sont ceux qui y ont passé leur jeunesse, et le connaissent."

Pour enrayer cette fuite des talents – et accessoirement, remettre un peu de justice sociale dans les rouages – Paris-13 a donc lancé, depuis la rentrée 2012, une Année préparatoire aux études de santé (Apes) ouverte tous les ans à une trentaine de jeunes, recrutés sur dossier dans les lycées du département.

Etudiants fragiles
"Notre idée est de leur offrir une année de parenthèse pour ne pas perdre pied en Paces, une année très dure pour laquelle ils ne sont absolument pas armés", explique Jean-Luc Dumas." Ils proviennent de familles qui n’ont pas la 'culture des études' : en Paces, quelques semaines suffisent pour les mettre complètement hors-jeu, c’est dramatique."

Au programme de ces sessions : des (re)mises à niveau en maths, physique-chimie et bio, mais aussi une initiation à des disciplines 100% médicales comme l’anatomie ou l’histologie (la science des tissus biologiques). "Nous prenons garde à ce que ces étudiants, plus fragiles, travaillent en petits groupes et soient très encadrés par les enseignants", souligne Brigitte Martin-Pont, directrice de la classe.

Fragiles, ils le sont sur le plan socio-culturel puisque "trois-quarts d’entre eux sont boursiers et environ 60% viennent de familles issues de l’immigration", précise-t-elle. Ce qui explique que, malgré la prévenance de l'institution, dix aient déjà quitté l’Apes, conscients qu’ils n’auraient jamais ni la vocation, ni le niveau requis.

Audace inouïe
L’effort consenti par Paris-13, financé à hauteur de 50.000 euros par le conseil général de Seine-Saint-Denis, est d’autant plus méritoire qu’il ne mise pas sur les profils scolairement les plus brillants : "Ils sont bons, mais pas excellents : beaucoup n’ont pas de mention au bac", expose la directrice.
"Et la majorité d’entre eux ne n’ont pas passé un bac scientifique."
Une audace de recrutement inouïe quand on sait que 95% des premières années de médecine ont le bac S, presque exclusivement nanti d’une mention.

Impossible, pour le moment, de savoir si les heureux élus de l’Apes réussiront – et dans quelle proportion - le terrible concours de fin de première année : la promotion 2012 le passera pour la première fois cet été.

Mais Jean-Luc Dumas écarte les potentielles critiques sur les risques que ferait courir cette prépa de "faire baisser le niveau" des futurs médecins :
"Ce métier a besoin de diversité culturelle.
Etre un élément brillant à l’école ne garantit pas que vous serez un médecin humain et à l’écoute."

Arnaud Gonzague


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