Sahara : les ralliés de Sa Majesté
09/06/2010
Anonymes ou célèbres, du futur ambassadeur en Espagne, Ahmedou Ould Souilem, aux jeunes désuvrés de la hamada de Tindouf, ils sont près de 8 000 à avoir quitté les camps du Polisario en Algérie pour rallier le royaume chérifien. Enquête sur une hémorragie silencieuse.
Chaque semaine ou presque depuis le début de 2010, les militaires et policiers marocains en poste à Aousserd, Dakhla, Laayoune ou Lagouera les voient venir dans leurs deraas bleus et leurs melhafas colorées, à bord de camions brinquebalants, de minibus loués ou plus rarement à la descente dun avion en provenance des îles Canaries. Ils arrivent par groupes de quinze à trente personnes, des familles entières avec femmes et enfants, parfois des petites bandes de jeunes nés dans les camps et pour qui le Sahara occidental na jamais été autre chose quun mythe.
À Rabat, dans son bureau du ministère de lIntérieur, le gouverneur chargé de la coordination avec la Mission des Nations unies pour lorganisation dun référendum au Sahara occidental (Minurso), El Arbi Mrabet, ancien doyen de la faculté de droit dOujda, tient à jour les comptes de ces retours à la mère patrie. Depuis le 1er janvier 2010, quelque 650 Sahraouis en provenance des camps du Front Polisario de la hamada de Tindouf, en Algérie, ont ainsi fait le grand saut, en empruntant, presque toujours de nuit pour échapper aux barrages de la gendarmerie algérienne, la route goudronnée qui relie Tindouf à Zouerate, en Mauritanie. Au total, explique El Arbi Mrabet, ils sont 8 000 ex-réfugiés du Polisario, dont 5 200 officiellement recensés, à avoir regagné le Sahara sous administration marocaine depuis le cessez-le-feu en 1991.
Absence de toute perspective d'évolution
« Ces cinq derniers mois, le phénomène sest accéléré, ajoute-t-il. Loffre dautonomie interne formulée par Sa Majesté a été déterminante. » Cette dernière incitation, loin dêtre négligeable, nest pourtant pas la seule. Aux yeux des jeunes Sahraouis, inactifs en Algérie et interdits de contrebande depuis le récent tour de vis sécuritaire opéré par larmée mauritanienne dans le nord du pays, les aides matérielles offertes par le Maroc aux brebis égarées de retour au bercail une pension de 1 250 dirhams net par mois (115 euros) et un logement constituent des motivations aussi puissantes que les discours officiels. Lorganisation par la Minurso de visites réciproques de part et dautre du mur de défense et la généralisation du téléphone cellulaire dans les camps ont également joué un rôle. En réalité, autant quun subit prurit de patriotisme ou que le lointain souvenir de lallégeance de leurs ancêtres à la monarchie chérifienne, cest labsence de toute perspective dévolution du dossier du Sahara occidental en dehors de la perpétuation indéfinie du statut précaire de réfugiés qui pousse les Sahraouis exilés à franchir le pas toujours déchirant du retour.
Ladministration marocaine nest pas dupe, au point de ne pas exclure la présence parmi ces « retornados » dun certain nombre dinfiltrés volontairement envoyés par le Front Polisario pour mener des activités pro-indépendantistes à lintérieur du territoire, ainsi que celle, plus significative, de « nomades économiques » habitués des allers-retours entre le royaume et les camps de Tindouf. « Des taupes ? Des opportunistes ? Il y en a. Le contraire serait étonnant, confie un très proche du dossier. Mais nous avons décidé de présumer de leur bonne foi.* » À preuve, le choix par le roi Mohammed VI de la dernière personnalité ralliée en date, Ahmedou Ould Souilem, comme ambassadeur du Maroc en Espagne.
09/06/2010
Anonymes ou célèbres, du futur ambassadeur en Espagne, Ahmedou Ould Souilem, aux jeunes désuvrés de la hamada de Tindouf, ils sont près de 8 000 à avoir quitté les camps du Polisario en Algérie pour rallier le royaume chérifien. Enquête sur une hémorragie silencieuse.
Chaque semaine ou presque depuis le début de 2010, les militaires et policiers marocains en poste à Aousserd, Dakhla, Laayoune ou Lagouera les voient venir dans leurs deraas bleus et leurs melhafas colorées, à bord de camions brinquebalants, de minibus loués ou plus rarement à la descente dun avion en provenance des îles Canaries. Ils arrivent par groupes de quinze à trente personnes, des familles entières avec femmes et enfants, parfois des petites bandes de jeunes nés dans les camps et pour qui le Sahara occidental na jamais été autre chose quun mythe.
À Rabat, dans son bureau du ministère de lIntérieur, le gouverneur chargé de la coordination avec la Mission des Nations unies pour lorganisation dun référendum au Sahara occidental (Minurso), El Arbi Mrabet, ancien doyen de la faculté de droit dOujda, tient à jour les comptes de ces retours à la mère patrie. Depuis le 1er janvier 2010, quelque 650 Sahraouis en provenance des camps du Front Polisario de la hamada de Tindouf, en Algérie, ont ainsi fait le grand saut, en empruntant, presque toujours de nuit pour échapper aux barrages de la gendarmerie algérienne, la route goudronnée qui relie Tindouf à Zouerate, en Mauritanie. Au total, explique El Arbi Mrabet, ils sont 8 000 ex-réfugiés du Polisario, dont 5 200 officiellement recensés, à avoir regagné le Sahara sous administration marocaine depuis le cessez-le-feu en 1991.
Absence de toute perspective d'évolution
« Ces cinq derniers mois, le phénomène sest accéléré, ajoute-t-il. Loffre dautonomie interne formulée par Sa Majesté a été déterminante. » Cette dernière incitation, loin dêtre négligeable, nest pourtant pas la seule. Aux yeux des jeunes Sahraouis, inactifs en Algérie et interdits de contrebande depuis le récent tour de vis sécuritaire opéré par larmée mauritanienne dans le nord du pays, les aides matérielles offertes par le Maroc aux brebis égarées de retour au bercail une pension de 1 250 dirhams net par mois (115 euros) et un logement constituent des motivations aussi puissantes que les discours officiels. Lorganisation par la Minurso de visites réciproques de part et dautre du mur de défense et la généralisation du téléphone cellulaire dans les camps ont également joué un rôle. En réalité, autant quun subit prurit de patriotisme ou que le lointain souvenir de lallégeance de leurs ancêtres à la monarchie chérifienne, cest labsence de toute perspective dévolution du dossier du Sahara occidental en dehors de la perpétuation indéfinie du statut précaire de réfugiés qui pousse les Sahraouis exilés à franchir le pas toujours déchirant du retour.
Ladministration marocaine nest pas dupe, au point de ne pas exclure la présence parmi ces « retornados » dun certain nombre dinfiltrés volontairement envoyés par le Front Polisario pour mener des activités pro-indépendantistes à lintérieur du territoire, ainsi que celle, plus significative, de « nomades économiques » habitués des allers-retours entre le royaume et les camps de Tindouf. « Des taupes ? Des opportunistes ? Il y en a. Le contraire serait étonnant, confie un très proche du dossier. Mais nous avons décidé de présumer de leur bonne foi.* » À preuve, le choix par le roi Mohammed VI de la dernière personnalité ralliée en date, Ahmedou Ould Souilem, comme ambassadeur du Maroc en Espagne.