Sciences po fait le choix de la discrimination positive

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Sciences Po Paris va modifier sa procédure d’accès en première année et supprimer son concours d’entrée, à partir de la rentrée 2021, qui verra la première promotion du nouveau bac. On sélectionnera désormais les candidatures sur Parcoursup, en prenant en compte le contrôle continu, la moyenne des épreuves écrites au baccalauréat (qu’on ne connaîtra sans doute pas au moment du processus), le profil du candidat, sa motivation et en dernier lieu, un entretien oral. « Notre volonté est de parvenir à un système plus lisible, plus efficace et plus équitable pour assurer une meilleure diversité des profils », a déclaré son directeur Frédéric Mion à l’AFP. En fait, comme il l’explique dans une interview donnée au Figaro le 25 juin, Sciences Po choisit délibérément de renforcer la discrimination positive. Pour le meilleur ou pour le pire ?


Notons d’abord que le ministère de l’Éducation nationale semble entretenir des relations privilégiées avec les Instituts d’études politiques. Citons Richard Descoings, qui dirigea l’IEP de Paris, chargé, en 2009, d’une « mission de consultation » sur la réforme du lycée ; Pierre Mathiot, ancien directeur de l’IEP de Lille, à qui Jean-Michel Blanquer a demandé un rapport sur le lycée et le baccalauréat. Et c’est un professeur d’art oratoire à Sciences Po Paris qui a rédigé un projet sur le « grand oral » dans le futur baccalauréat. Le lycée se « sciencepotise », comme si Sciences Po était un modèle indiscutable.


Ce n’est pas la première fois que cette grande école prétend élargir son recrutement et donner à tous les talents une chance de se révéler. En 2001, Richard Descoings avait instauré le dispositif des conventions prioritaires, qui permettait d’admettre à Sciences Po, par une voie spécifique, sans passer le concours traditionnel, des bacheliers issus d’établissements de ZEP. Puis il avait supprimé l’épreuve de culture générale, jugée trop discriminante, pour « diversifier son recrutement ».


Viser à la diversité du recrutement n’est pas un objectif critiquable en soi. Mais qui ne voit que la discrimination positive est injuste pour les candidats qui en sont exclus, au motif qu’ils n’ont pas fait leurs études dans un des 106 lycées partenaires ?

La suppression du concours viendra amplifier cette injustice, d’autant que le dispositif des conventions prioritaires doit subsister et être doublé.

Le plus grave, dans ces réformes prétendument démocratiques, c’est qu’elles traduisent un renoncement à l’idéal républicain d’un enseignement qui donne à tous les élèves la possibilité d’une promotion intellectuelle et sociale.


On entend souvent dire, avec raison, que la proportion d’enfants d’origine populaire dans les formations d’élite s’est fortement affaiblie, ces dernières décennies. On oublie de préciser que cette baisse correspond à la massification de l’enseignement et aux réformes délétères, imprégnées à la fois d’idéologie, de laxisme et de considérations budgétaires, que notre système éducatif subit régulièrement.

Désormais, il est plus difficile aux élèves issus de milieux socio-culturels défavorisés d’acquérir un niveau d’instruction qui leur permette d’accéder à ces formations prestigieuses.

Philippe Kerlouan


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Fin du concours d'entrée en première année à Sciences po


En lien avec la réforme du baccalauréat et son intégration sur Parcoursup, Sciences po entame une refondation de son accès en première année. La réforme, adoptée lors du conseil de l’institut à 27 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions, sera effective en 2021 en même temps que l’ouverture du nouveau campus parisien.

C’est une petite révolution qui se joue actuellement rue Saint-Guillaume à Paris. Ce mardi 25 juin 2019, la direction de Sciences po annonce une grande réforme de sa procédure d’admission en première année et la fin du concours d’admissibilité à compter de la promotion 2021–2022. "Cette réforme doit nous conduire à modifier notre procédure d’admission de manière à ce qu’elle soit considérablement simplifiée, plus efficace et plus équitable qu’actuellement. Tout ce que nous observons de notre société, nous conduit à nous reposer la question des modèles méritocratiques qui sont à l’œuvre actuellement. La question ‘De quels talents notre pays aura-t-il besoin ?’ a guidé le travail que nous avons mené depuis un an au sein du groupe de travail réunissant enseignants, chercheurs et responsables pédagogiques », explique Frédéric Mion, directeur de l’établissement.


Une procédure d'admission à l'anglo-saxonne

De trois voies d’admission actuellement (concours post-bac, étudiants internationaux, CEP), tous les candidats à l’entrée de Sciences po devront d’ici deux ans se plier à la même procédure d’admission, calquée sur le modèle anglo-saxon,

à savoir une évaluation « quantitative » du contrôle continu au lycée sur trois ans et de la moyenne des épreuves écrites au baccalauréat, et une évaluation « qualitative » sur la base d’un écrit personnel de l’étudiant.
Enfin, pour tous les candidats, la procédure sera complétée d’un entretien oral, avec la possibilité de le faire à distance pour offrir les meilleures conditions aux candidats.


Avec cette réforme, nous renouons avec l'esprit de Sciences po qui prône la reconnaissance de qualités de relation au monde, l'esprit critique, l'engagement civique.
(B. Durand)
« Avec cette réforme, nous renouons avec l’esprit de Sciences po qui depuis son origine prône la reconnaissance de qualités de relation au monde, l’esprit critique, l’engagement civique, le sens du service ou encore la curiosité. L’épreuve écrite telle qu’elle existe aujourd’hui n’est plus un garant de la méritocratie, et elle est tout à fait inutile au regard des parcours qu’elle sanctionne », juge Bénédicte Durand, directrice des études et de la scolarité.


Une procédure d’admission qui sera d’autant plus facilitée par l’intégration dès 2020 de Sciences po sur la plate-forme Parcoursup. Un changement dont se félicite la direction de l’institut politique, coupant court à toutes les rumeurs de report d’intégration : « La voie ‘Sciences po’ figurera aux côtés de l’ensemble des autres parcours de l’enseignement supérieur, sélectifs ou non. Cette intégration aidera notamment à lutter contre l’auto-censure, consciente ou non, de certains lycéens et les invitera à pousser les portes de l’établissement », indique la direction dans son communiqué.


Ouverture sociale et transparence

Pionnière en matière d’ouverture sociale, l’institution veut également renforcer son dispositif CEP (Conventions éducation prioritaire) en augmentant la place des étudiants boursiers recrutés par cette voie
à 15 %, au lieu de 10 %, de façon à atteindre a minima 30 % de boursiers sur l’ensemble de la promotion.

Dans les prochaines années, le nombre d’établissements partenaires devrait aussi passer de 106 à plus de 200 sur toute la France. L’enjeu, aller chercher des jeunes dans des territoires qui, aujourd’hui, sont trop peu représentés auprès des IEP, notamment dans les Hauts-de-France ou le sud de la France. "Le cahier des charges de ce nouveau parcours dans le lycée sera un parcours d’excellence. Nous laisserons les équipes des lycées décider pour elles-mêmes comment elles accompagnent les lycéens pour construire ces parcours", précise la directrice des études.


Avec la nouvelle de l'abandon de son concours sélectif, Sciences po confirme son souhait de s'éloigner des modes traditionnels de recrutement des grandes écoles. Reste toutefois des inconnues, notamment sur les éléments de pondération des différents "blocs" d'une candidature, même si la direction de l'école a promis d'"être beaucoup plus exigeante dans la transparence".

Éléonore de Vaumas | Publié le 25.06.2019 à 17H00


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