Les dessous politiques de la persécution des Roms d’Europe centrale et de l’Est
[...... À partir de cette origine, les Roms construisent leur identité commune sur une histoire douloureuse et violente, mais aussi sur leur migration. Dans une entrevue accordée à
L'Esprit libre, Léon Grimard, doctorant en anthropologie à l’Université de Montréal et spécialiste des Roms en Europe, rappelle que la recherche est encore incertaine quant à la nature de la migration rom. « On sait qu’au cours de leur migration, certains groupes se sont sédentarisés ou semi-sédentarisés
[ », détaille le chercheur. Ronald Lee, fondateur du Centre communautaire Rom de Toronto, lors d’un entretien accordé à
L’Esprit libre, précise que leur migration s'est faite sur une période de temps plutôt rapide de l'Inde à l'Anatolie (la Turquie actuelle). Le mouvement s’arrête dans les terres de l’Empire perse et reprend pour certain·e·s après quelques années, vers la Russie et surtout vers l’Europe. « Plus le groupe avance [vers l’ouest], plus un certain nombre se fixe en cours de route, ce qui explique l’éclatement multiculturel de ces nombreux sous-groupes », explique Léon Grimard.
Au fil des siècles, les Roms ont surtout été réprimé·e·s en Europe de l’Ouest et réduits en esclavage dans certains pays d’Europe centrale et de l’Est, notamment en Roumanie.
Bien que ce fait soit rarement évoqué, les Tsiganes sont concerné·e·s au premier chef par les massacres de la Seconde Guerre mondiale. Selon la Fondation rom, on dénombre entre 500 000 à 2,5 millions de victimes.
La persécution des Roms continue dans la région après la guerre et avec le début de l’ère communiste. Elle prend différentes formes selon les pays : l’interdiction de voyager ou de parler la langue romani, des discriminations dans les systèmes d’éducation et de santé, la difficulté à gagner de l’argent, la menace quotidienne d’arrestation, la fermeture d’organisations roms, la ghettoïsation, etc.
« Les choses sont pires qu’avant le communisme »
« Même s’il y avait des discriminations à plusieurs niveaux, le communisme les maintenait en contrôle. Les Roms étaient officiellement protégé·e·s par le gouvernement », nuance Ronald Lee. Les gouvernements garantissaient un logement à tou·te·s, en ignorant l’ethnicité. Les Roms étaient majoritairement bien éduqué·e·s, comptant dans leurs rangs professeur·e·s, journalistes, médecins ou ingénieur·e·s.
La Yougoslavie est l’un des pays communistes où les Roms vivaient le mieux. Le pays « a accordé l’égalité de la citoyenneté, le langage, la culture et la musique étaient reconnus et il y avait des délégué·e·s roms au parlement yougoslave », détaille l’activiste, auteur et blogueur, Ronald Lee. En Roumanie, la politique violente de sédentarisation et d’assimilation du dictateur communiste Nicolae Ceausescu a permis d’améliorer les conditions de vie de la minorité. Les villages étaient donc démantelés pour placer les Roms dans les villes. Si cette période n’a cependant pas empêché le rejet de la population rom, la ghettoïsation, les violences, les discriminations ou encore les rejets quotidiens, les gouvernements communistes ont tout de même permis de les endiguer.
Tout change avec la fin du communisme et l’éclatement de la Yougoslavie. Des républiques s’élèvent et les frontières commencent à s’ouvrir. « Tout redevient comme avant le communisme », regrette Ronald Lee. Les Roms deviennent des boucs émissaires faciles au sein de ces pays déstabilisés par les guerres et les conflits ethniques. Notamment en Bosnie, puis au Kosovo, où les guerres ethniques ont tué ou fait fuir des dizaines de milliers de Roms.....]