Bonjour
Selon le peu que je connais des débats qui font rage actuellement sur l'éthique animale (le traitement à donner aux animaux et quelle protection ils méritent), la notion fondamentale de tous ces débats est celle de spécisme.
Ce mot, qui en anglais est apparu dans les années 70 et popularisé par Peter Singer, essaie de faire une analogie entre le traitement différencié que les humains donnent aux animaux ET le traitement discriminatoire envers les "races" non blanches ou les femmes.
Et donc l'argument de base est que si on n'a pas à dénier des droits égaux aux femmes, aux Noirs, etc. au nom d'une illusoire différence essentielle (et d'une différence comprise hiérarchiquement), on n'a pas non plus à dénier tous les droits aux animaux en raison de leur simple appartenance à des espèces non humaines.
Si le fait d'être blanc ou le fait d'être mec sont de simples accidents de naissance qui ne révèlent aucune supériorité intrinsèque, alors n'est-ce pas la même chose du fait d'être humain par rapport aux bêtes? En quoi le fait d'avoir de l'ADN humain conférerait-il un avantage systématique et exclusif sur les animaux? Qu'est-ce qu'il y a d'intrinsèquement supérieur aux gènes humains tels qu'étudiés par la science? Rien de plus, semble-t-il, que ce qui ferait que les gènes de peau blanche ou le chromosome Y rendent supérieur ou plus valable! Ce sont de simples arrangements moléculaires...
Comme il n'y a pas de hiérarchie essentielle entre "le blanc en soi" et le "noir en soi" ou entre le "mec en soi" et la "femme en soi" (expressions qui ne renvoient à rien d'éthiquement signifiant ni même à des essences archétypales), il n'y a pas plus de hiérarchie entre une "nature humaine" et des "natures animales inférieures" à qui il manquerait quelque chose d'essentiel.
On l'aura compris, cette manière d'introduire le concept de "spécisme" parallèlement aux concepts établis de "racisme" et de "sexisme" est fondé sur deux présupposés anthropologiques :
1) Un individualisme radical. On n'a pas à être jugé moralement par notre appartenance à un groupe, à une communauté, à un type biologique défini par certains gènes et partagé par un sous-ensemble, mais UNIQUEMENT selon nos mérites individuels. Et donc en principe un humain intellectuellement handicapé ou mentalement perturbé pourrait être jugé moins réussi que certains singes, dauphins, etc... et donc n'avoir aucune base objective pour réclamer un meilleur traitement. Pas plus qu'un mec ne peut réclamer un meilleur salaire qu'une femme si son poste n'est pas objectivement plus important ou plus qualifié... Si on pose quand même une égalité de droit parmi ceux qui ont dépassé un seuil de complexité mentale, un seuil d'intellectualité ou de sensibilité, il faudra alors ou bien exclure certains humains au cerveau malade ou bien inclure certains animaux avancés (particulièrement certains mammifères) dans notre communauté morale. En général les philosophes répugnent à exclure des humains, donc ils choisissent d'élargir la communauté morale et prônent souvent un végétarisme.
2) Une évacuation des catégories métaphysiques héritées des Grecs et des chrétiens au profit d'une philosophie platement empiriste alignée de près sur la rationalité propre aux sciences biologiques. On ne parlera donc plus de Dieu, ni de l'âme, ni d'une "nature humaine" conçue dans le langage d'une philosophie de l'être qui déborderait les sciences de la nature. Et donc on s'interdit de se ménager de telles portes de sortie pour trancher le débat. On ne dira pas que les humains sont en soi plus valables parce qu'ils sont l'image de Dieu, ou qu'ils ont une âme raisonnable qui ferait défaut aux animaux, ou que Dieu a divinisé la nature humaine par l'Incarnation. Cela passe pour des croyances arbitraires qui ne sont pas suffisamment universelles et démontrables, incapables de réaliser un consensus des penseurs rationnels venus de différentes écoles. On cherche une perspective morale postmétaphysique qui aurait une base minimaliste et consensuelle, acceptable autant pour les matérialistes athées que pour les religieux, tout en ayant la capacité de justifier à la fin nos principales intuitions morales.
Vous en pensez quoi?
Selon le peu que je connais des débats qui font rage actuellement sur l'éthique animale (le traitement à donner aux animaux et quelle protection ils méritent), la notion fondamentale de tous ces débats est celle de spécisme.
Ce mot, qui en anglais est apparu dans les années 70 et popularisé par Peter Singer, essaie de faire une analogie entre le traitement différencié que les humains donnent aux animaux ET le traitement discriminatoire envers les "races" non blanches ou les femmes.
Et donc l'argument de base est que si on n'a pas à dénier des droits égaux aux femmes, aux Noirs, etc. au nom d'une illusoire différence essentielle (et d'une différence comprise hiérarchiquement), on n'a pas non plus à dénier tous les droits aux animaux en raison de leur simple appartenance à des espèces non humaines.
Si le fait d'être blanc ou le fait d'être mec sont de simples accidents de naissance qui ne révèlent aucune supériorité intrinsèque, alors n'est-ce pas la même chose du fait d'être humain par rapport aux bêtes? En quoi le fait d'avoir de l'ADN humain conférerait-il un avantage systématique et exclusif sur les animaux? Qu'est-ce qu'il y a d'intrinsèquement supérieur aux gènes humains tels qu'étudiés par la science? Rien de plus, semble-t-il, que ce qui ferait que les gènes de peau blanche ou le chromosome Y rendent supérieur ou plus valable! Ce sont de simples arrangements moléculaires...
Comme il n'y a pas de hiérarchie essentielle entre "le blanc en soi" et le "noir en soi" ou entre le "mec en soi" et la "femme en soi" (expressions qui ne renvoient à rien d'éthiquement signifiant ni même à des essences archétypales), il n'y a pas plus de hiérarchie entre une "nature humaine" et des "natures animales inférieures" à qui il manquerait quelque chose d'essentiel.
On l'aura compris, cette manière d'introduire le concept de "spécisme" parallèlement aux concepts établis de "racisme" et de "sexisme" est fondé sur deux présupposés anthropologiques :
1) Un individualisme radical. On n'a pas à être jugé moralement par notre appartenance à un groupe, à une communauté, à un type biologique défini par certains gènes et partagé par un sous-ensemble, mais UNIQUEMENT selon nos mérites individuels. Et donc en principe un humain intellectuellement handicapé ou mentalement perturbé pourrait être jugé moins réussi que certains singes, dauphins, etc... et donc n'avoir aucune base objective pour réclamer un meilleur traitement. Pas plus qu'un mec ne peut réclamer un meilleur salaire qu'une femme si son poste n'est pas objectivement plus important ou plus qualifié... Si on pose quand même une égalité de droit parmi ceux qui ont dépassé un seuil de complexité mentale, un seuil d'intellectualité ou de sensibilité, il faudra alors ou bien exclure certains humains au cerveau malade ou bien inclure certains animaux avancés (particulièrement certains mammifères) dans notre communauté morale. En général les philosophes répugnent à exclure des humains, donc ils choisissent d'élargir la communauté morale et prônent souvent un végétarisme.
2) Une évacuation des catégories métaphysiques héritées des Grecs et des chrétiens au profit d'une philosophie platement empiriste alignée de près sur la rationalité propre aux sciences biologiques. On ne parlera donc plus de Dieu, ni de l'âme, ni d'une "nature humaine" conçue dans le langage d'une philosophie de l'être qui déborderait les sciences de la nature. Et donc on s'interdit de se ménager de telles portes de sortie pour trancher le débat. On ne dira pas que les humains sont en soi plus valables parce qu'ils sont l'image de Dieu, ou qu'ils ont une âme raisonnable qui ferait défaut aux animaux, ou que Dieu a divinisé la nature humaine par l'Incarnation. Cela passe pour des croyances arbitraires qui ne sont pas suffisamment universelles et démontrables, incapables de réaliser un consensus des penseurs rationnels venus de différentes écoles. On cherche une perspective morale postmétaphysique qui aurait une base minimaliste et consensuelle, acceptable autant pour les matérialistes athées que pour les religieux, tout en ayant la capacité de justifier à la fin nos principales intuitions morales.
Vous en pensez quoi?