Comment la classe moyenne supérieure devient la base sociale du néofascisme libertarien
2 juillet 2025
Le mouvement « Nicolas » traduit une évolution des classes moyennes supérieures vers un nouveau cadre idéologique qui mêle la haine de l’État avec le rejet de toute forme de diversité. C’est le symptôme d’un basculement vers un nouveau mode de gestion du capitalisme.
Le mouvement « C’est Nicolas qui paie ! » qui fonctionne si bien sur les réseaux sociaux traduit une évolution plus profonde. Il est la manifestation d’un glissement des classes moyennes supérieures vers un dispositif idéologique qui mêle xénophobie et libertarianisme. Or, cette idéologie est le parfait reflet d’un déplacement fondamental du barycentre de la gestion contemporaine du capitalisme.
Pendant des décennies, dirigeants de PME, cadres supérieurs et hauts fonctionnaires ont incarné la base sociale du néolibéralisme, c’est-à-dire du mode de gestion du capitalisme mis en place dans les années 1970-80. Titulaires de charges de gestion, de contrôle et de valorisation du capital, ils ont parfaitement adhéré à une stratégie qui promettait de redresser les profits, la productivité et l’emploi. Et c’est sur cette base sociale que les vagues de réformes néolibérales se sont appuyées à partir des années 1990, souvent contre une grande partie de la population et des classes moins favorisées.

Lors du « Sommet des libertés » coorganisé par les galaxies de Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin, mêlant des représentants de l’extrême droite et de l’ultralibéralisme au Casino de Paris le 24 juin 2025.
Cette classe a commencé sa radicalisation dans les années 2010, celles qui ont suivi la crise de 2008 et qui ont vu la croissance marquer le pas. Selon les données de Thomas Piketty, en 2017, les 30 % les plus riches en termes de revenus de la population française penchaient massivement pour François Fillon avec des écarts supérieurs de 9 % à 49 % par rapport à la moyenne de l’électorat. Le candidat LR d’alors représentait une version extrême du néolibéralisme, fortement antiredistributive.
Depuis, la situation matérielle de cette classe a continué de se dégrader. Elle a été rattrapée par l’échec de ce néolibéralisme qu’elle défendait alors fanatiquement. Alors que la croissance restait faible et s’affaiblissait encore après la crise sanitaire, il a fallu, pour maintenir l’accumulation du capital, exercer une pression croissante sur cette partie de la population.
Citadelle assiégée
Les salariés cadres ont ainsi subi pleinement les effets de la crise inflationniste. Selon les données de l’Agence pour l’emploi des cadres (Apec), le salaire médian net (prenant en compte les effets de l’inflation) des cadres a ainsi reculé de 8,4 % entre 2019 et 2024. Quant aux PME, elles subissent directement les effets de l’atonie de la demande dans le commerce et de la voracité de leurs clients dans les services aux entreprises, alors même que, principalement tertiaires, elles ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée en termes de gains de productivité. L’ampleur de la crise dans le commerce de détail conduit nécessairement à une menace de déclassement des détenteurs de ces capitaux. En France, selon l'Insee, 17 % des PME sont en pertes opérationnelles en 2022.
