«dans la tête de ces gamins, l’avenir en tunisie, ça n’existe pas»

Depuis le 1er janvier, près de 5.000 personnes originaires de Tunisie ont débarqué en Italie. Beaucoup sont des jeunes capables de tout sacrifier pour fuir leur terre natale –y compris leur vie.
«Il n’y a pas de travail ici, pas d’espoir. Et rien ne change. Qu’est-ce que je peux faire d’autre?»
Nejib a 29 ans, il vient de Gafsa, une région du centre-ouest de la Tunisie, connue pour ses mines de phosphate et sa tradition contestataire. La majorité de la population y vit dans la pauvreté, la débrouille et la peur du flic.

Ce jour de septembre, le jeune homme traîne dans un café bien loin de chez lui, à Zarzis, une ville côtière à l’autre bout du pays. Il attend. «La météo! Dès qu’il n’y a plus de vent, je pars.» Comme des milliers d’autres Tunisiennes et Tunisiens ces derniers mois, il tentera la traversée de la Méditerranée vers Lampedusa, «parce qu’en Europe, ce n’est peut-être pas si facile, mais il y a des possibilités».

Il confie avoir passé l’été sur les plages touristiques de Djerba, à quarante minutes de minibus d’ici. «J’allais avec des femmes occidentales, des Anglaises, des hommes parfois, des Russes.» C’est comme ça qu’il a réuni la somme nécessaire à son projet.

Désir ardent d’exil

D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur italien, entre le 1er janvier et le 20 novembre, 4.998 personnes se sont déclarées de nationalité tunisienne au débarquement, lorsqu’elles ont été interceptées par les autorités –soit désormais la nationalité la plus représentée, devant l’Érythrée. Si l’on devait comptabiliser celles qui passent entre les mailles du filet, on estime qu’il faudrait multiplier ces chiffres par trois. Et cela dans un contexte où les arrivées par la Méditerranée sont en forte baisse: -74% au premier trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017, tous trajets et toutes nationalités confondues.

Dans un rapport de 2017, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) soulignait «l’augmentation de l’envie migratoire, même d’une façon non règlementaire, pour près de la moitié des jeunes Tunisiens». Et d’après son président, Messaoud Romdhani, «la situation ne sera pas meilleure dans le prochain rapport, pour ne pas dire que ça empire». Au point que nombre de responsables d'associations parlent d’hémorragie, faisant penser à ce que fut la vague de 2011 –près de 30.000 départs, à la faveur du désordre sécuritaire qui régnait en pleine révolution.

...

http://www.slate.fr/story/170136/migrations-jeunes-tunisie-italie-lampedusa
 
Haut