« Il n’y a plus une seule place de réanimation dans le 93 »
Romain Dufau est le chef du service des urgences de l’hôpital Jean-Verdier à Bondy, l’un des trois établissements de l’AP-HP en Seine-Saint-Denis. Il s’inquiète de l’afflux important de cas graves, dans ce département où le confinement n’est pas strictement appliqué.
Pourquoi la situation en Seine-Saint-Denis est-elle préoccupante ?
Le confinement y est plus complexe, et donc le risque de contamination plus élevé. Il n’est pas rare de voir des familles de six dans des appartements de 45 mètres carrés. Très vite, les plus jeunes n’y tiennent plus et se retrouvent dehors.
Toutes les personnes qui ont un emploi non déclaré sont aussi obligées de se déplacer pour travailler et garder un revenu. La police ferme sans doute les yeux, sinon cela exploserait.
Une partie de la population ne parle pas très bien français. Les « gestes barrières » ou la « distanciation sociale », ce n’est pas forcément très parlant. Quand je circule dans Paris, je m’aperçois que l’écart d’un mètre est bien respecté dans les files d’attente. Mais, à Bondy, c’est plus difficile de s’y tenir : la population est plus dense et n’a pas d’alternative, les services de livraison ne s’aventurent pas dans les cités.
Le nombre de cas graves ne cesse d’augmenter en Ile-de-France. Comment anticipez-vous les prochains jours ?
Une centaine de patients sont déjà hospitalisés sur nos deux sites, Jean-Verdier, à Bondy, et Avicenne, à Bobigny. Aux urgences, nous intubons trois à quatre patients par jour, contre un tous les trois à quatre jours en temps normal. Nous ne pouvons pas continuer à ce rythme, car il n’y a plus une seule place de réanimation disponible pour nos patients dans le 93. Hier, nous avons dû envoyer un patient à Orléans, et d’autres pourraient être envoyés à Rouen.