Trouble borderline et trouble bipolaire : à ne pas confondre

mam80

la rose et le réséda
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– « Avec ses situations de crise à répétition, des passages à l’acte, une idéalisation et une dévalorisation du thérapeute, une forte intensité émotionnelle, de fréquentes hospitalisations, et des symptômes qui ressemblent à d’autres troubles psychiatriques, la prise en charge du trouble de personnalité borderline par le psychiatre relève véritablement du challenge thérapeutique », a reconnu le Dr Nader Perroud, médecin psychiatre et psychothérapeute aux hôpitaux universitaires de Genève (Suisse) lors du Congrès de l’Encéphale 2019[1].

Quels symptômes caractérisent ce trouble ?
Comment le prendre en charge, sachant que les traitements psychiatriques habituels (antidépresseurs, antipsychotiques) ne sont pas efficaces ?
Pourquoi est-il si mal connu, y compris des psychiatres ?
Comment le distinguer du trouble bipolaire, avec lequel il est souvent confondu ?

Les réponses du Dr Perroud à l’occasion d’une session consacrée aux spécificités du trouble de personnalité borderline.
La prise en charge du trouble de personnalité borderline par le psychiatre relève véritablement du challenge thérapeutique Dr Nader Perroud
Une prévalence de 2 à 4% en population générale
Le trouble de personnalité borderline (TPB) est présent chez 2 à 4% des personnes dans la population générale, une prévalence qui pourrait même s’élever à 6%, affirme le psychiatre.
Chez l’adulte et le jeune adulte, il est retrouvé seul ou en association avec le trouble bipolaire, une comorbidité fréquente mais distincte. Six à 45% des personnes souffrant d’un TPB – mais on évoque plus fréquemment le chiffre de 15% – présenteraient aussi un trouble bipolaire (TB).
Et inversement, approximativement 20 à 30 % des patients bipolaires souffriraient d’un trouble de personnalité borderline (idem pourcentage de type I et de type II).

« On considère que le ratio homme/femme est de 1 :1 dans le TPB, ce sont toutefois essentiellement les femmes (75%) qui consultent en psychiatrie, la plupart du temps pour des comportements auto-dommageables (suicidaires et para-suicidaires) », indique l’orateur.

Si 10% des personnes qui voient un médecin pour leur TPB sont gérées en ambulatoire, 40 à 50 % consultent en soins d’urgence. « C’est probablement la population que l’on va rencontrer le plus souvent en soins aigus dans les services de psychiatrie », commente le Dr Perroud.

Avec un taux de suicide de 10 %, les conséquences de la pathologie sont loin d’être négligeables.

Au bout de 10 ans de suivi, on considère que 20 % des personnes souffrant d’un TPB ont un niveau de fonctionnement social dit « normal » et seuls 30 % de ces patients ont maintenu un travail à plein temps. « Ce qui est proche des taux obtenus avec la schizophrénie », commente le psychiatre, et ce d’autant que le trouble n’est ni diagnostiqué, ni traité…

Un vrai diagnostic
Mal connu, le trouble de la personnalité borderline est pourtant une entité à part entière, établit en tant que tel grâce au travail de John Gunderson, qui, dans une étude publiée en 1978, définit très clairement ce trouble, et le différencie très nettement d’autres pathologies psychiatriques avec lequel il est souvent confondu [2].

On parle alors de trouble de personnalité borderline et il est inclus dans le DSM III en 1980 sur la base de 9 critères (voir encadré ci-dessous) qui figurent toujours dans le DSM V.

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mam80

la rose et le réséda
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Les 9 critères du trouble de personnalité borderline (selon DSM V)

Mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée, qui apparait au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes :

  1. Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés ;
  2. Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation ;
  3. Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi ;
  4. Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par ex : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie) ;
  5. Répétitions de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations ;
  6. Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (par ex, dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures, rarement plus de quelques jours) ;
  7. Sentiments chroniques de vide ;
  8. Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (par ex, fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées) ;
  9. Survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères.

PB et TB : comment faire la distinction ?

« Impulsivité, irritabilité, colère, dysphorie épisodique, anxiété, instabilité de l’humeur, tentative de suicide…

Nombre de symptômes sont communs au trouble de personnalité borderline et au trouble bipolaire et si le TPB relève d’un « vrai » diagnostic, on s’est quand même longtemps demandé s’il ne faisait pas partie des troubles de l’humeur et surtout des troubles bipolaires », indique le Dr Perroud.

« On estime d’ailleurs que 40% des patients souffrant de TPB sont faussement diagnostiqués pour un trouble bipolaire [3]» ajoute-t-il, tout en reconnaissant « qu’il n’est pas forcément évident de faire la distinction, c’est pourquoi l’étiologie est importante ».


Ce qui peut véritablement aider à distinguer le TBP du TB, c’est l’importance des traumas dans l’enfance et notamment la maltraitance d’ordre sexuel, signale le psychiatre. « Entre 70 à 90 % des patients souffrant de TPB rapportent des violences sexuelles (attouchements, viols) pendant l’enfance et l’adolescence. Avec la particularité, dans ce trouble, que ces violences sont, dans 50 à 60 % des cas, perpétrées au sein de la famille ou par des proches ».

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mam
 

Yemna

ⵏⴰⵙⵉⵔⴰ
VIB
Merci @mam80, article très intéressant et qui m'interpelle au plus haut point concernant les troubles du comportement de ma fille aînée et dont les nombreux médecins qui la suivent nous parlent vaguement de troubles du comportement sans jamais y mettre un vrai terme depuis son adolescence, beaucoup de points correspondent.
 

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
On a parlé énormément des troubles autistiques depuis une vingtaine d’années, mais très peu des personnes borderline. Et pourtant 2 à 4% de la population c’est pas négligeable!!
 

mam80

la rose et le réséda
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ok

Par ailleurs, pour le TPB, l’âge de début se situe plutôt dans l’adolescence, alors qu’on le situe plutôt chez le jeune adulte pour les TB.
De même, le TPB ne connait pas de saisonnalité, contrairement au TB, et ne comporte que peu de symptômes psychotiques – restreints à des phases de stress, et de très courte durée. De la même façon, à l’inverse du TB, il y a peu d’héritabilité dans le TPB.

Autre différence notable : « le trouble borderline s’atténue avec le temps, il disparait après 10 ans de suivi – ce qui ne veut pas dire que les individus ont un fonctionnement normal pour autant – alors que le TB est une pathologie chronique. De fait, face à une plainte chez un individu de plus de 40 ans, se poser plutôt la question de la bipolarité ».

En revanche, les comportements auto-dommageables sont peu utiles pour faire le diagnostic différentiel mais ils sont tout de même 2 à 4 fois plus fréquent dans le TPB.

Une indication importante en faveur du TPB sera la non-réponse au traitement. « D’ailleurs, dans ce trouble, les médicaments, non seulement, n’aident pas – voir l’étude récente avec la lamotrigine [4] – mais peuvent s’avérer iatrogènes. Rappelons que les personnes avec un TPB qui consultent sont majoritairement des femmes, souvent en âge de procréer, qui se voient prescrire soit des antipsychotiques, soit des stabilisateurs de l’humeur, pour un trouble bipolaire qui n’existe pas. Quand on a en tête le récent scandale avec le valproate, on mesure l’importance de faire le bon diagnostic ».

Comment prendre en charge le TPB ?
Si la prise en charge du TPB par le psychiatre relève véritablement du challenge thérapeutique, le traitement médicamenteux – solution la plus fréquemment proposée – n’est pourtant pas la plus adaptée.

« Aujourd’hui, les patients reçoivent en moyenne 3 traitements médicamenteux/jour alors qu’il n’y a aucune raison de les leur donner, rappelle le psychiatre.

Les antidépresseurs ne sont d’aucune utilité (sauf si trouble comorbide dépressif), la médication doit se limiter à un antipsychotique à petite dose et juste 1 jour par semaine, et ce, en cas de crise. Si un TB est associé, il faut le traiter en proposant un traitement stabilisateur de l’humeur (et expliquer pourquoi) ».

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mam80

la rose et le réséda
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Nous ne disposons d’aucune preuve qu’aucun médicament ait une utilité dans trouble borderline Dr Perroud

« En 2018, la Société Suisse de psychiatrie et de psychothérapie (SSPP) a rédigé des recommandations (en français, accessibles ici) dans lesquelles nous conseillons au maximum d’éviter les traitements médicamenteux et de préférer la psychothérapie et de n’utiliser les médicaments qu’en temps de crise, sur une semaine maximum et les arrêter au moindre effet secondaire, car nous ne disposons d’aucune preuve qu’aucun médicament ait une utilité dans trouble borderline », a précisé le Dr Perroud.

« Les psychothérapies sont les seuls moyens de traiter ces patients, certaines sont spécialisées dans la prise en charge de ce trouble ». C’est le cas des trois psychothérapies ci-dessous.
  1. la psychothérapie focalisée sur le transfert
  2. la thérapie comportementale dialectique
  3. la thérapie basée sur la mentalisation

Elles ont d’ailleurs fait l’objet d’une présentation détaillée par le Dr Paco Prada (Hôpitaux universitaires de Genève, Suisse) lors du dernier congrès de l’Encéphale (Lire Trouble de la personnalité borderline : focus sur 3 psychothérapies spécifiques).
Les psychothérapies sont les seuls moyens de traiter ces patients, certaines sont spécialisées dans la prise en charge de ce trouble.



Le TPB, un trouble mal connu, même des psychiatres

Pourquoi sur-diagnostique-t-on le trouble bipolaire chez les patients borderline ? « Parce qu’on ne connait pas le trouble borderline », répond le Dr Perroud. Cette méconnaissance résulte, selon lui, d’un manque d’enseignement dans le cursus médical sur le TPB mais aussi du peu de financement pour son étude. « En France, les financements dédiés à l’étude de ce trouble sont quasiment nuls, comme s’il n’existait pas, alors que sa prévalence est supérieure au trouble bipolaire. Résultat : les psychiatres ne le connaissent pas, ont peur de le diagnostiquer et ne savent pas comment prendre en charge ces patients. Ce manque de connaissance n’est d’ailleurs pas propre à la France ».

Si l’information des médecins sur le TPB est minime, celle du patient l’est encore plus et l’information à destination du grand public, notamment sur les options en termes de prise en charge spécialisée sont quasiment inexistantes en France par rapport au trouble bipolaire. C’est ainsi que les personnes souffrant de ce trouble errent fréquemment entre consultations auprès de divers professionnels médicaux et paramédicaux, lectures et stages de développement personnel afin de parvenir à découvrir les clés du mieux-être. Cependant, l’efficacité durable des réponses apportées est rarement au rendez-vous.

Un constat que l’on retrouve aussi dans d’autres pays. En résumé, c’est « probablement le trouble le plus fréquent et le plus sous-diagnostiqué en psychiatrie », surtout par comparaison au trouble bipolaire.

La solution, se former !

« Assistez à des conférences, lisez des livres, suivez des formations, conseille le Dr Perroud.

Il existe désormais plein d’outils pour prendre en charge le patient borderline.

C’est, par exemple, le cas de l’application pour smartphone Emoteo pour le patient borderline, développée par les HUG Hôpitaux Universitaires de Genève (disponible gratuitement sur l’appstore)».

mam
 

mam80

la rose et le réséda
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Ressources sur ce thème

Films :

Livres

  • Mentalisation et trouble de la personnalité limite :
    Guide pratique
    Anthony Bateman, Peter Fonagy Traduction : Martin Debbané, Alexander Downing, Nader Perroud, Paco Prada
    Collection : Carrefour des psychothérapies
    Editeur : De Boeck
    Traiter les troubles de la personnalité borderline par la mentalisation, une approche psycho-thérapeutique visant à retrouver la faculté de comprendre l’autre, de se mettre à sa place et de deviner ou d’entrevoir ce qu'il ressent et pense de nous.


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mam80

la rose et le réséda
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En français :

  • Site web MentalHealthSciences.com du Dr Martin Desseilles
  • Carrefour TPL est un organisme communautaire canadien francophone ayant pour mission de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes touchées par le trouble de la personnalité limite. Ce site s’adresse au grand public, aux personnes ayant un TPL à leurs proches et à l’ensemble des ressources dans la communauté, y compris les établissements publics, les organismes communautaires, les chercheurs et les autorités décisionnelles : http://www.carrefourtpl.com/
Formations :

  • Thérapies basées sur la mentalisation (TBM): session d’initiation : Cette formation s’effectue en collaboration avec le Centre Anna Freud et l’University College London; les professeurs Anthony Bateman et Peter Fonagy et Martin Debanné animeront cette session.
    L’inscription individuelle se fait en ligne. Nous allons réserver la première semaine d’inscription (du 2 au 9 mars 2015) à ceux qui, comme vous, ont demandé à faire partie de la liste de pré-inscription, ainsi qu’à leurs collègues. Dès le 9 mars, les inscriptions seront ouvertes aux réseaux professionnels nationaux et internationaux. Merci de prendre note que nous sommes limités à un groupe de 50 participants.
    Programme de la formation: en savoir plus...
Applications :

  • Emoteo, application pour les patients borderline, disponible gratuitement sur l’Appstore - See more
Divers :


FIN


mam
 

Sharm

لَا يَحِيقُ ٱلْمَكْرُ ٱلسَّيِّئُ إِلَّا بِأَهْلِهِ
VIB
Ce trouble est mal connu en France ou ne semble pas être pris au sérieux au sein de la communauté française. Il y a plus d'informations, témoignages, livres provenant de l'Amérique du nord (Canada, USA) si l'on veut s'informer sur le trouble. Le trouble bipolaire est comportementale, du à un changement rapide de tempérament. Le trouble borderline est plutôt caractérisé par une instabilité émotionnelle où l'on passe d'un amour extrême à son extrême opposée en un rien de temps. Le Dr Nader Perroud a co-écrit "le Manuel du borderline" avec d'autres auteurs. C'est peut être le seul livre disponible en français, et qui traite de ce sujet de façon assez complète. En anglais, on peut lire ces deux classiques "I hate you -- don't leave me" ou "Stop Walking On Eggshells: Taking Your Life Back When Someone You Care About Has Borderline Personality Disorder"






Aller, un dernier truc plus léger :p

 

typologie

aedem sed aliter
Bladinaute averti
une autre vision des choses les psy ne savent pas faire la difference entre cerveau droit hpi asperger bipoalire cyclothimie hypersensibilité car la pluspart ne sont pas specialisé sur ces different trouble voir ne les ont pas etudié

 

Yemna

ⵏⴰⵙⵉⵔⴰ
VIB
Merci @mam80 j'avais en fait lu la suite en cliquant sur le lien que tu avais posté auparavant... d'ailleurs c'est dessus que j'avais vu et ensuite téléchargé l'appli emoteo.
 

Yemna

ⵏⴰⵙⵉⵔⴰ
VIB
coucou
tu as pu en parler au medecin de ces pistes la ?
il est d'accord avec toi ?
Coucou,
Oui et le diagnostic a été posé depuis plus d'un an, les parents sont toujours les derniers au courant...
Ma fille étant majeure, elle a 22 ans, c'était à elle de nous en parler il paraît, ce qu'elle n'a jamais fait jusqu'à présent !
Je fais les démarches pour qu'elle rentre dans un centre psychothérapeute dans le Maine et Loire où il y a des thérapies en groupe, individuellement et familiale en espérant que ça porte enfin ses fruits... Il devient aussi urgent de la couper de celui où elle est suivi actuellement et son psy (que jai trouvé super) qui la suit depuis fin 2017 est bien daccord avec moi...
 

Hessia

I am MAN, hear me roar!
VIB
Le trouble bipolaire est comportementale, du à un changement rapide de tempérament. Le trouble borderline est plutôt caractérisé par une instabilité émotionnelle où l'on passe d'un amour extrême à son extrême opposée en un rien de temps.

Voila exactement ce que je recherchais en parcourant ce topic, une définition succincte et pratique.
 
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