Ah tu t'interesses à la sociologie en plus de l'anthropologie? décidemment, on peut faire d'agréables rencontres en trainant dans le coin.
Oui, je suis sociologue de formation.
Ton propos est parfaitement censé, mais bien plus que l'intention je jugeait les conséquences, indépendants des intentions. Mais peut on imaginer que les journaleux qui pondent ces articles bien prématuremments alors que l'affaire présente encore peu de détails concluants le font en toute innocence? et quand bien même peut imaginer aujourd'hui quelqu'un qui ignorerait les conséquences désastreuses de ces histoires qu'on se précipite à raconter mais qu'un éventuel démenti ne rattrape pas les dégâts causées?
C'est d'ailleurs quelque chose de récurent dans la société de notre époque, cette tendance à deresponsabiliser l'individu de façon général, ou le journaliste ici en particulier.
Je ne le nie pas. En même temps, je me bornais à exposer deux considérations.
D'une part, on ne peut préjuger ici des intentions des journalistes. Souvent, tu sais, ce sont des journalistes débutants et informés par tierce personne qui écrivent les articles de la rubrique des faits divers.
D'autre part, je ne pense pas - personnellement - que le travail journalistique doive placer l'auto-modération, voire l'auto-censure, comme préoccupation centrale de son activité en fonction de la réactivité potentielle à un certain type d'informations. Sans quoi on pourrait éviter tout autant les nouvelles des attaques américaines en Irak ou Afghanistan afin de ne pas entretenir un sentiment anti-occidental négatif auprès des populations musulmanes sises en Europe. Tu n'es pas sans ignorer que leur réactivité est au moins aussi forte que ne l'est celle des européens "de souche" à ces nouvelles-ci. Il s'agit de deux facettes opposées du même phénomène réactionnel.
A contrario, on peut estimer aussi que la gestion de ces émotions réactives participe au "vivre ensemble" global et dont n'est pas forcément en soi une mauvaise chose.
Le travail social est - avant tout - à effectuer sur cette réactivité négative, qui est le plus souvent émotionnelle, et pas forcément ni prioritairement se traduire en auto-censure sur les phénomènes qui n'en sont pas originellement responsables mais qui peuvent juste contribuer à l'entretenir. La presse a un autre rôle a jouer à ce niveau, mais elle n'est pas la seule.
Bien entendu, il y a des limitations à cela, cela va de soi. Il est clair que selon le contexte, des modérations s'imposent en tenant compte des enjeux et des réalités sociales de chaque cas.