- Une prophétie berbère en tamazight (Maroc Central)
Dans son ouvrage Au cœur de l’Atlas : Mission au Maroc 1904-1905, le marquis René de Bodon de Segonzac
[1]Segonzac R. de, Au cœur de l’Atlas : Mission au
donne le fac-similé de deux documents numérotés 13 et 14, portant respectivement sur l’orographie d’Aghbala et une prophétie berbère en tamazight (v. planches et établissement du texte). Ce sont des manuscrits autographes de Sidi Âli Ou Sidi Lmekki Amhawch (1844- 1918), écrits en écriture maghrébine à l’encre et au calame traditionnels avec le commentaire suivant :« Sid Ali Amhaouch, à qui nous devons ces renseignements, nous trace lui-même un croquis schématique indiquant la situation des tribus de cette région et son orographie. Il nous donne encore le début d’une prophétie en vers berbères composée au xiie siècle de l’Islam par son grand oncle Bou Bekr, annonçant l’expédition que le Sultan Moulay el-Hassan devait diriger 200 ans plus tard contre la zaouia d’Arbala. Sur le manuscrit qu’il nous remet Sid Ali a commenté et expliqué en arabe chacun des mots du poème berbère . »
Ces documents sont intéressants à plusieurs titres, mais nous nous contenterons d’en évoquer quelques uns, car il s’agit pour nous avant tout d’en établir le texte berbère, arabe et de les traduire :
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Tout d’abord, ils prouvent l’existence d’une tradition, attestée par ailleurs , de l’écriture de la tamazight stricto sensu, c’est-à-dire le parler du Moyen-Atlas, du Haut-Atlas Oriental et de leurs dépendances (c’est-à-dire le Plateau Central au nord-ouest et les marches du Sahara au sud-est), en caractères arabes.5
Une mise au point s’impose, les différents parlers berbères et l’arabe dialectal marocain lui-même , avaient élaboré depuis des siècles des habitudes scripturaires en caractères arabes plus ou moins aménagés. Depuis quelques décennies, il y a toute une production foisonnante certes, mais d’inégale valeur en berbère écrit en caractères arabes : en fait, le modèle adopté représente une coupure totale avec cette tradition plus conforme au génie de la langue berbère et qui va s’ajouter à l’abandon, sans état d’âme, de l’écriture maghrébine par tous, hormis les quelques érudits confrontés aux milliers de manuscrits des bibliothèques publiques et privées, de zaouïas etc.6
Dans la table des documents, le document no 13 est annoncé comme suit : « Schéma dessiné et décrit par le Chérif Sidi Ali ben el-Mekki Amhaouch pour expliquer l’orographie de la région d’Arbala ». En effet, il représente le système orographique du Moyen-Atlas car si les grandes lignes de la constitution orographique du Maroc étaient déjà fixées à ce moment-là par les Européens, celles du Moyen-Atlas ne l’étaient pas encore. C’est aussi un document de géographie tribale et religieuse du piémont : le Dir des géographes. Accessoirement, on peut en déduire que ce document a été sollicité.