Des vaccins à la poubelle

Amine

En mode pause
Il n’y aura aucun gaspillage", a promis Roselyne Bachelot devant l’Assemblée nationale. Alors que onze nouveaux décès liés à la grippe A (H1N1) ont eu lieu en France depuis le 12 novembre, ce qui porte le bilan des victimes dans le pays depuis le début de l'épidémie à 43, la ministre de la Santé défend bec et ongles sa commande astronomique de vaccins anti-grippaux : 94 millions de doses livrées à la France, soit 10 % de la production mondiale. Et si une seule injection s’avère suffisante pour immuniser contre le virus H1N1 (on attend la confirmation de l’agence européenne du médicament), que fera-t-on des dos e s r e s t a n t e s ? "Nous n’aurons aucun mal à les revendre à d’autres pays moins bien préparés", a affirmé la ministre. En outre, "au titre de la solidarité internationale", le gouvernement offrira 10% de ses vaccins à des pays pauvres. Officiellement pas de gaspillage, donc. Pourtant, il suffit de se rendre dans l’un des 1080 centres de vaccination ouverts depuis jeudi dernier sur tout le territoire pour se rendre à l’évidence : chaque jour, ce sont des milliers de doses de Pandemrix, le seul vaccin actuellement administré, qui partent à la poubelle !

La raison de ce gâchis tient au conditionnement du vaccin, délivré en ampoules de 10 injections. "Une fois ce produit mélangé, il doit être administré dans les 24h", indique le Dr Charvet, médecin inspecteur de la DDASS des Bouches-du-Rhône. Passé ce délai, le vaccin est inutilisable. Le calcul est vite fait : 100personnes se faisant vacciner en une journée nécessitent l’utilisation de 10 ampoules : la perte est nulle. Si une 101e personne se présente, il faut ouvrir une 11e ampoule et jeter les 9 doses restantes. Soit une perte de 10%. Un taux que le ministère lui-même avait annoncé, pensant limiter les dégâts "du fait de la vaccination collective". Le problème c’est que vu le peu de succès que connaît jusqu’à présent la campagne de vaccination, la perte peut atteindre 30 voire 50 %. Exemple: pour 11 personnes qui se font vacciner en 24h, 9 doses partent à la poubelle. À8,5 euro le coût moyen de la ration vaccinale (808 millions dépensés pour la totalité des produits), on n’ose imaginer le coût de ce gaspillage pour la Sécurité sociale, dont le déficit avoisine les 30 milliards d’euros...

Calendrier des priorités

Y avait-il moyen de faire autrement? Contacté hier, le cabinet de Roselyne Bachelot rétorque que "l’utilisation des ampoules multidoses a été imposée par les laboratoires pharmaceutiques. Les délais de fabrication aurait été beaucoup plus long si nous avions commandé des doses uniques". Confirmation auprès de GlaxoSmithKline, qui a vendu 440 millions d’unités de Pandemrix en Europe : "Le flacon multidoses était le seul moyen de répondre à la demande. Aux autorités publiques d’organiser la vaccination pour limiter le gaspillage." C’est ce qu’a fait la Belgique, en imposant (non sans mal) aux généralistes de vacciner la population par groupe de 10 personnes.
En France, "aucun ajustement n’est envisagé", indiquait hier le ministère de la Santé. Pas question par exemple d’ouvrir dès à présent les centres à l’ensemble de la population. Pour l’heure, seules les personnes à risques, les personnels de santé, les proches de nourrissons sont censés bénéficier du vaccin. Même si dans les faits, il suffit de se présenter dans un centre pour se faire délivrer un bon. Pour le Pr Didier Raoult, cette gabegie n’est qu’une conséquence de "la mauvaise communication gouvernementale". Le virologue marseillais estime que "confier aux politiques et non aux médecins la responsabilité de cette campagne a nourri la méfiance de la population".

Résultat : des centres de vaccination vides et des poubelles pleines.
 
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