J’ai ensuite travaillé pendant un an dans une compagnie de théâtre, c’était intéressant, mais précaire, et la précarité, je n’en voulais plus, je l’ai assez connue. J’ai décidé de passer un concours de cadre administratif de la fonction publique territoriale. J’ai travaillé dur, passé plusieurs épreuves pour attester de mes connaissances, et de mes capacités à diriger une équipe, et je l’ai eu. On était plus de trois mille inscrits, et un peu moins de trois cents à le réussir. Je n’avais plus qu’à répondre à des offres et à faire une longue et brillante carrière dans le service public. En tout cas, c’est ce qu’ils m’ont dit à la réunion des lauréats du concours : « Ne vous inquiétez pas, tous les lauréats trouvent un poste de cadre, et assez rapidement. »
« Vous allez faire des jaloux »
J’ai postulé à une cinquantaine d’offres et là, très peu de réponses. Pourtant, j’avais le « profil parfait », et une motivation sans égale. J’ai fini par décrocher quelques entretiens. Je m’attendais à avoir beaucoup plus de questions sur mes capacités managériales, mon caractère, que sur mes connaissances. Mais je pensais naïvement qu’on allait me donner ma chance. Et là, ce n’est plus un plafond de verre que j’ai rencontré, mais un mur en béton armé. « Une jeune femme de 25 ans, surdiplômée avec un concours de cadre de la fonction publique territoriale, vous allez faire des jaloux. »
Trop diplômée, trop jeune, trop ambitieuse, pas assez expérimentée, trop « femme » pour gérer une équipe… Je pensais qu’avec les études, les stages, les boulots et le concours, on allait au moins me donner une chance, surtout dans le service public, qui prône la lutte contre les discriminations. « Vous êtes encore un bébé, donc si on vous donne l’opportunité de travailler avec nous, le salaire sera bas », comme si c’était un cadeau qu’on me faisait.
Complètement dépitée, j’ai laissé tomber la fonction publique, pour l’instant en tout cas. J’y reviendrai probablement, si je trouve une collectivité et une équipe prêtes à accueillir une jeune femme ambitieuse à un poste de cadre.
Ce qui me dégoûte, c’est qu’on me traite comme ça parce que je suis une jeune femme de 25 ans. A l’école, on essaie de te préparer au marché du travail, mais moi, je me demande si le monde du travail est prêt à laisser leur chance aux jeunes.
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