"on voit des changes souillés qui traînent par terre" : le désarroi des enfants qui placent leurs pa

Ils en parlent sans fard. Car placer un proche en maison de retraite n'est plus un tabou, tant la situation est devenue commune. Mais s'ils assument de faire vivre un de leurs parents dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ils ne s'y sont pas résolus de gaieté de cœur. C'est souvent contraints et forcés. Un sentiment accentué par le manque d'effectifs et de qualification du personnel, mais aussi le manque d'attention, de douceur ou de simple humanité qui y règne. A l'occasion de la grève dans les maisons de retraite médicalisées, mardi 30 janvier, franceinfo a recueilli le témoignage de ces "aidants", qui s'occupent de leur père ou de leur mère âgée et qui sont les premiers témoins, souvent affligés, de situations dramatiques.
"A 70 ans, ma maman est atteinte de dégénérescence lombaire fronto-temporale [apparentée à la maladie d'Alzheimer]", confie Elise, qui vit en Alsace, près de Mulhouse. Une maladie aux conséquences immédiates sur le quotidien : son père, raconte-t-elle, "n’allait plus aux toilettes" de peur que sa femme "ne sorte pendant ce temps-là par la porte-fenêtre". "On l’a gardée le plus longtemps possible à la maison, mais ça devenait dangereux pour elle. Elle s’enfuyait tout le temps", poursuit cette secrétaire médicale de 35 ans.
On avait mis un GPS sur les clés de ma mère pour pouvoir la localiser, et on avait délimité des zones au-delà desquelles on allait la chercher. Mais on était sur le qui-vive parce qu'elle se dirigeait de plus en plus vers la voie rapide.Eliseà franceinfo
De quoi rapidement peser sur le quotidien de la famille. "On n’avait plus de vie : dès qu'elle sortait, mon téléphone sonnait et je mettais les clés de voiture dans la poche pour pouvoir aller la chercher rapidement, ajoute cette mère de deux jeunes enfants. Mon père n'arrivait plus gérer. On lui a dit : 'On n'aura rien gagné si tu as une crise cardiaque à 67 ans.'"
Les places sont chères
En théorie, pour choisir l’établissement, les familles cochent leurs préférences sur la liste des Ehpad. Le site gouvernemental "pour les personnes âgées" propose ainsi un annuaire avec de multiples critères (prix, localisation, soins et services proposés ...) ainsi qu'un comparateur de prix et de reste à charge, si la personne âgée bénéficie de l'allocation personnalisée d'autononomie en établissement ou des APL. Mais en pratique, "tu sautes sur le premier où une place se libère après un décès", se désole Didier*, dont la mère vit dans le bassin minier mosellan. A condition d'en avoir les moyens : il en coûte 1 800 euros par mois minimum.
Si la pension du parent concerné ne suffit pas, les héritiers vendent un logement ou une maison devenue inutile. Ou complètent de leur poche, avant d'entamer le ballet des visites. Parfois plutôt gaiement, comme Elise, qui loue la qualité du personnel. "La maison de retraite est top. Si ma mère ne veut pas de la douche, les aides-soignants la reproposent le lendemain. Ils lui font faire de la cuisine, du tricot, des dominos, c’est sympa. Je ne sais pas comment elle le vit, parce qu’elle ne parle pas, mais elle n’a pas l’air malheureuse." C'est loin d'être le cas dans tous les établissements. D'autres s'y rendent le cœur serré, après avoir mis leurs parents en Ehpad, tant les activités y sont rares.
Quand on rentre, on voit des personnes qui sont là et qui attendent la mort. Elles regardent la baie vitrée qui donne sur une impasse, où il ne se passe rien et où il n'y a rien à voir. Ça fait mouroir.Didierà franceinfo
Personnel débordé et hygiène douteuse
Au-delà des activités, ce sont souvent les conditions d'hygiène qui font bondir certaines familles. A 67 ans, Christiane Croisy rend visite chaque jour ou presque à sa mère de 97 ans et à sa belle-mère de 98 ans, hébergées dans un même établissement du Loir-et-Cher. "C'est épouvantable, s’indigne-t-elle. On voit des changes souillés qui traînent, des serviettes sales par terre."

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