Est-il vrai que l'être humain est "lieutenant" de Dieu sur terre ?

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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Dans le Coran, Dieu rapporte ce récit concernant le premier homme, Adam : "Et quand ton Seigneur dit aux anges : "Je vais mettre sur la terre un khalîfa". Les anges dirent : "Vas-tu mettre sur terre ceux qui vont y semer le mal et verser du sang ? Alors que nous proclamons ta pureté avec ta louange et te glorifions ?"" (Coran 2/30).

Qu'est-ce que le terme khalîfa désigne ici ? Que signifie cette fonction ? Concerne-t-elle Adam uniquement ou bien l'homme en tant que tel ?



Qui est désigné "khalîfa" de qui, et qu'est-ce que cela représente ?

Le mot arabe "khalîfa", un dérivé du verbe "khalafa" (qui veut dire "prendre la place de"), signifie étymologiquement "celui qui prend la place de", "remplaçant de". Nous allons revenir un peu plus bas sur le sens de ce mot.

La première question qui se pose ici concerne le fait de savoir si cette fonction de "khalîfa" est spécifique à Adam ou est liée à l'humain en tant que tel ?
Ibn Kathîr souligne que c'est bien l'humain en tant que tel qui semble être désigné ici "khalîfa". En effet, la question que les anges firent immédiatement après ("Vas-tu mettre sur terre ceux qui vont y semer le mal et verser du sang ?") indique qu'ils avaient bien compris que cette mission concernait l'humain en tant que tel et non pas seulement Adam, puisque celui-ci ne va pas "semer le mal sur terre".

La seconde question est de savoir de qui Adam – ou plutôt l'être humain, d'une façon plus générale – est le khalîfa : des autres créatures qui l'ont précédé sur terre, ou bien de Dieu ?

Les deux avis existent chez les commentateurs du Coran... Si certains d'entre eux citent comme seule possibilité le premier avis, d'autres, comme Ibn Kathîr et Ibn ul-Jawzî, citent les deux avis existant chez les commentateurs, tandis que d'autres encore, à l'instar de ar-Râzî et as-Suyûtî, penchent clairement pour le second avis. Selon ces derniers commentateurs, c'est bien de Dieu que Adam est désigné le "khalîfa" sur terre. Attention : cette fonction concerne l'être humain en tant que tel, et non le dirigeant des pays musulmans (le "calife") : ce dernier ne remplit pas sa fonction administrative en tant que "représentant de Dieu sur terre", une telle notion ne correspondant pas à ce que disent les sources authentiques de l'islam. La nuance est à bien comprendre. Cliquez ici pour lire mon article sur le sujet.

La troisième question est : que représente la fonction de "khalîfa de Dieu sur terre" ?

Si "khalîfa" signifie "remplaçant", il ne peut, par rapport à Dieu, signifier "remplaçant en son absence", car Dieu ne disparaît pas. Le terme "khalîfa" décrit juste ici une prérogative particulière que Dieu accorde à l'homme, et que nous traduirons ici par : être gérant sur terre.

Cette gérance ("khilâfa") repose premièrement sur la possibilité pour l'être humain de choisir ses actions ("ikhtiyâr"). C'est bien ce que les anges avaient compris, eux qui demandèrent immédiatement : "Vas-tu mettre sur terre ceux qui vont y semer le mal et verser du sang ?" D'après un des commentaires (cf. Tafsîr ul-Qurtubî), ils avaient compris d'eux-mêmes que tous les hommes n'emploieraient pas leur faculté du choix pour le bien et le juste. Et cette faculté de choisir ses actes est due au fait que, contrairement à l'ange et à l'animal – qui, l'un et l'autre, ne peuvent agir hors de leur code naturel –, l'homme possède la possibilité de se comporter de façon totalement contraire à sa nature – sa nature physique, spirituelle, mentale ou éthique. Cette faculté du choix grâce à sa volonté est due à la présence, en l'homme, de caractéristiques qu'il a en commun avec l'ange – la spiritualité –, de besoins qu'il partage avec l'animal – ses constantes physiques –, de la nécessité de vivre en groupe, et d'une raison. Ce sont ces différentes composantes de son être qui l'obligent à faire des choix éthiques.

D'autre part, vivant sur terre et doté de besoins matériels, l'homme a besoin de tirer profit des ressources de la terre tout en la partageant avec ses autres habitants – minéraux, végétaux, animaux, autres humains. Or, n'étant pas, comme nous venons de le voir, prisonnier d'un instinct et d'un code immuables mais doté au contraire de la possibilité de choisir, il va être amené à agir considérablement sur tout ce qui l'entoure ("at-tassarruf fil-kawn").

Ce sont là les deux aspects de la gérance de l'homme d'après as-Syôhârwî : la possibilité de choisir ses actes ("al-ikhtiyâr") et celle d'agir sur ce qui l'entoure ("at-tassarruf fil-kawn") (cf. Qassas ul-qur'ân, as-Syohârwî, tome 1 pp. 26-27)....................................


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