La société israélienne malade de ses viols

La société israélienne malade de ses viols​

Une adolescente de 16 ans a été violée par une trentaine d’hommes mi-août dans une chambre d’hôtel d’Eilat. Certains ont filmé la scène pour la diffuser sur des réseaux sociaux. Ce viol collectif secoue le pays et entraîne une mobilisation inédite. Au-delà de la colère, des féministes s’interrogent sur l’origine de la violence qui gangrène la société.
L’un des principaux suspects, un homme de 27 ans, avait déjà été arrêté il y a quelques mois dans un autobus. Ivre, il harcelait des passagères et avait dit à la policière venue l’arrêter : « Comme j’aimerais vous violer ! » L’enquête suggère qu’il a été la seule personne à rester dans la chambre pendant toute la durée du viol de la jeune fille.

Déjà, l’été dernier, le 17 juillet, une douzaine d’Israéliens, âgés de 15 à 22 ans, avaient été accusés d’avoir violé en groupe une touriste britannique de 19 ans dans la station balnéaire chypriote d’Ayia Napa.
Et une partie des médias avait alors volé au secours des auteurs présumés du viol. Ainsi la radio de l’armée avait alors cité l’un d’entre eux : « Les filles britanniques courent après tout le monde ici. C’est peut-être sa faute ».

Beaucoup de féministes établissent une « relation entre une masculinité toxique et une société militarisée », dit Magda, une militante d’Haïfa. Cela remet en cause cette forme d’unanimisme dans la condamnation du viol collectif d’Eilat.

Être un homme veut-il dire dominer et mépriser les femmes ?
Les chiffres, selon plusieurs sources, sont dramatiques. Chaque jour, 230 femmes sont violées selon la police, soit plus de 84 000 femmes par an, dans un pays d’un peu moins de 9 millions d’habitants, ce qui classerait Israël au 32e rang mondial selon des statistiques de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Une femme sur 5 y est violée au cours de sa vie, et une femme sur trois victimes d’une agression sexuelle. Il y a plus de 20 féminicides par an.
Or la moitié des femmes tuées avait porté plainte, ce qui prouve bien que « la parole des victimes était jusqu’à présent de peu de poids face à la police », précise Magda. Les chiffres de 2020 s’annoncent pires. Selon Illana Weizman, il y a déjà eu une quinzaine de féminicides depuis le début de l’année, et pendant le confinement lié à la crise sanitaire de la Covid-19, « les agressions contre les femmes ont été en hausse de 60 % ».

L’ARMÉE ET LA « DÉSHUMANISATION COMPLÈTE »​

Pour la docteure P., au-delà de l’émotion légitime, il convient de s’interroger sur ce que les jeunes apprennent à l’armée, et sur l’importance prise par la technologie en Israël. « Tout passe par la technologie, cela va très loin cette déshumanisation complète, d’abord des Palestiniens, surveillés électroniquement de très près. « Beaucoup de jeunes publient des vidéos sur les réseaux ou ils se mettent en danger pour prouver quelque chose. Celui qui filmera la chose la plus dangereuse ou la plus étrange sera le plus remarqué ».

Certes, le phénomène n’est pas propre à Israël, mais cependant la dimension « militariste » y joue un grand rôle, selon la docteure P. « Eilat, après Chypre, après d’autres viols, semble faire partie d’un rituel sauvage et d’une grande brutalité.

Comment s’en étonner quand l’humiliation et la violence à l’égard des Palestiniens sont institutionnels ? À ce propos, la femme politique Tzipi Livni avait dit : "il faut que l’ennemi puisse voir que l’on ne se contrôle pas" ».

Donc, la violence à l’égard des Palestiniens, des femmes, des jeunes LGBTI, des migrants, vient pour elle « d’habitudes » prises à l’armée, notamment avec l’apprentissage des techniques de cyber harcèlement.

« On parle de la violence masculine et de l’éducation sexuelle, mais aucun lien n’est fait avec notre situation politique, conclut la psychanalyste. Dans ce pays, c’est l’un ou l’autre, c’est toi ou moi, le fort contre le faible. Cela commence avec les Palestiniens, les Éthiopiens, les Africains, les Mizrahim et à la fin on arrive aux femmes et aux enfants. Le toxique est d’abord collectif ».

« La logique ici,
pense aussi Magda, c’est d’abord de dominer ». La loi du plus fort ?
« Oui, c’est cela, la loi du plus fort. À vomir »…
 
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