Büsra Hamurcu, doctorante à l’Université de Rouen. Elle travaille sur les enfants d’origine turque scolarisés en maternelle.
1) Votre intervention lors du colloque a été particulièrement remarquée. Vous remettez en cause l’un des postulats les plus tenaces selon lequel le fait de parler le turc à la maison retarderait l’apprentissage du français…
Effectivement. J’ai comparé les enfants dont les parents parlent uniquement le turc et les enfants dont les parents parlent le français et le turc. Ce sont les préjugés des enseignants qui m’ont poussée à faire cette comparaison, ils pensent que le fait de parler uniquement la langue d’origine à la maison peut être un frein à l’acquisition du français. Or, j’ai démontré qu'à la fin de la moyenne section de maternelle, les enfants qui parlent uniquement le turc ont le même vocabulaire (qu’on appelle «diversité lexicale» en linguistique) en français que les enfants qui parlent les deux langues à la maison.
2) Comment l’expliquez-vous ?
Le français devient langue dominante pour ces enfants à partir de 5 ans, donc le fait que les parents parlent le turc à la maison ne change rien. Deux années de scolarisation en maternelle suffisent pour que le français devienne langue dominante et le turc langue dominée. Le fait de parler turc à la maison n’entrave pas l’apprentissage du français contrairement à ce que pensent les enseignants. Il faut donc privilégier le turc avant la scolarisation pour que l’enfant bénéficie d'un bilinguisme équilibré. Comme je viens de le dire, le français va de toute manière prendre le dessus dès 5 ans. Aujourd’hui, au sein des familles de la nouvelle génération où l’on parle plus français que turc, il y a donc plus un risque de dépérissement de la langue turque qu’un risque de retard dans l’apprentissage du français. Il ne faut surtout pas arrêter de parler le turc à la maison.
3) Quelle est la réaction du corps enseignant lorsque vous lui transmettez les résultats de votre recherche ?
Les enseignants font de la résistance et cela peut se comprendre. Il n’y avait pas de travaux dans ce domaine, on n’avait rien pour prouver le contraire de ce qu’ils pensaient. C’est désormais chose faite avec les résultats de ma recherche. Je les communique aux enseignants, je fais des formations et ils sont très étonnés. Certains restent malgré tout dubitatifs. Au nom de la réussite de leurs élèves, ils interdisent par exemple aux enfants de parler turc entre eux. Les enseignants sont très sévères sur ce point, or, je le redis, il n’y a aucun mal à parler sa langue d’origine. Au contraire, bien maîtriser sa langue d’origine permet d’acquérir plus vite et mieux une autre langue. Il ne faut pas se cacher derrière la peur du communautarisme ou de l’idéologie républicaine pour camper sur une position qui est scientifiquement erronée.
L’enseignement du turc en France : les linguistes tirent la sonnette d’alarme
Le 17e congrès international sur la linguistique turque a réuni durant trois jours plus de 200 spécialistes à Rouen. Au-delà d’être une plateforme d’échanges sur des sujets techniques touchant à la morphologie, la phonétique ou la sémantique de la langue turque, le symposium a été l’occasion de mettre en évidence un grand paradoxe : le turc connaît un intérêt croissant mais l’offre d’enseignement reste très en-deçà de la demande.
1) Votre intervention lors du colloque a été particulièrement remarquée. Vous remettez en cause l’un des postulats les plus tenaces selon lequel le fait de parler le turc à la maison retarderait l’apprentissage du français…
Effectivement. J’ai comparé les enfants dont les parents parlent uniquement le turc et les enfants dont les parents parlent le français et le turc. Ce sont les préjugés des enseignants qui m’ont poussée à faire cette comparaison, ils pensent que le fait de parler uniquement la langue d’origine à la maison peut être un frein à l’acquisition du français. Or, j’ai démontré qu'à la fin de la moyenne section de maternelle, les enfants qui parlent uniquement le turc ont le même vocabulaire (qu’on appelle «diversité lexicale» en linguistique) en français que les enfants qui parlent les deux langues à la maison.
2) Comment l’expliquez-vous ?
Le français devient langue dominante pour ces enfants à partir de 5 ans, donc le fait que les parents parlent le turc à la maison ne change rien. Deux années de scolarisation en maternelle suffisent pour que le français devienne langue dominante et le turc langue dominée. Le fait de parler turc à la maison n’entrave pas l’apprentissage du français contrairement à ce que pensent les enseignants. Il faut donc privilégier le turc avant la scolarisation pour que l’enfant bénéficie d'un bilinguisme équilibré. Comme je viens de le dire, le français va de toute manière prendre le dessus dès 5 ans. Aujourd’hui, au sein des familles de la nouvelle génération où l’on parle plus français que turc, il y a donc plus un risque de dépérissement de la langue turque qu’un risque de retard dans l’apprentissage du français. Il ne faut surtout pas arrêter de parler le turc à la maison.
3) Quelle est la réaction du corps enseignant lorsque vous lui transmettez les résultats de votre recherche ?
Les enseignants font de la résistance et cela peut se comprendre. Il n’y avait pas de travaux dans ce domaine, on n’avait rien pour prouver le contraire de ce qu’ils pensaient. C’est désormais chose faite avec les résultats de ma recherche. Je les communique aux enseignants, je fais des formations et ils sont très étonnés. Certains restent malgré tout dubitatifs. Au nom de la réussite de leurs élèves, ils interdisent par exemple aux enfants de parler turc entre eux. Les enseignants sont très sévères sur ce point, or, je le redis, il n’y a aucun mal à parler sa langue d’origine. Au contraire, bien maîtriser sa langue d’origine permet d’acquérir plus vite et mieux une autre langue. Il ne faut pas se cacher derrière la peur du communautarisme ou de l’idéologie républicaine pour camper sur une position qui est scientifiquement erronée.
L’enseignement du turc en France : les linguistes tirent la sonnette d’alarme
Le 17e congrès international sur la linguistique turque a réuni durant trois jours plus de 200 spécialistes à Rouen. Au-delà d’être une plateforme d’échanges sur des sujets techniques touchant à la morphologie, la phonétique ou la sémantique de la langue turque, le symposium a été l’occasion de mettre en évidence un grand paradoxe : le turc connaît un intérêt croissant mais l’offre d’enseignement reste très en-deçà de la demande.