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[QUOTE="foxyaouw, post: 13069384, member: 372379"] Et tout le long du repas on ne s’occupa que de lui. Il dévorait du regard les plats posés sur la table ; et de sa main follement agitée essayait de les saisir et de les attirer à lui. On les posait presque à portée pour voir ses efforts éperdus, son élan tremblotant vers eux, l’appel désolé de tout son être, de son oeil, de sa bouche, de son nez qui les flairait. Et il bavait d’envie sur sa serviette en poussant des grognements inarticulés. Et toute la famille se réjouissait de ce supplice odieux et grotesque. Puis on lui servait sur son assiette un tout petit morceau qu’il mangeait avec une gloutonnerie fiévreuse, pour avoir plus vite autre chose. Quand arriva le riz sucré, il eut presque une convulsion. Il gémissait de désir. Gontran lui cria : « Vous avez trop mangé, vous n’en aurez pas. » Et on fit semblant de ne lui en point donner. Alors il se mit à pleurer. Il pleurait en tremblant plus fort, tandis que tous les enfants riaient. On lui apporta enfin sa part, une toute petite part ; et il fit, en mangeant la première bouchée de l’entremets, un bruit de gorge comique et glouton, et un mouvement du cou pareil à celui des canards qui avalent un morceau trop gros. Puis, quand il eut fini, il se mit à trépigner pour en obtenir encore. Pris de pitié devant la torture de ce Tantale attendrissant et ridicule, j’implorai pour lui : « Voyons, donne-lui encore un peu de riz ? » Simon répétait : « Oh ! non, mon cher, s’il mangeait trop, à son âge, ça pourrait lui faire mal. » Je me tus, rêvant sur cette parole. Ô morale, ô logique, ô sagesse ! À son âge ! Donc, on le privait du seul plaisir qu’il pouvait encore goûter, par souci de sa santé ! Sa santé ! qu’en ferait-il, ce débris inerte et tremblotant ? On ménageait ses jours, comme on dit ? Ses jours ? Combien de jours, dix, vingt, cinquante ou cent ? Pourquoi ? Pour lui ? ou pour conserver plus longtemps à la famille le spectacle de sa gourmandise impuissante ? Il n’avait plus rien à faire en cette vie, plus rien. Un seul désir lui restait, une seule joie ; pourquoi ne pas lui donner entièrement cette joie dernière, la lui donner jusqu’à ce qu’il en mourût. Puis, après une longue partie de cartes, je montai dans ma chambre pour me coucher : j’étais triste, triste, triste ! Et je me mis à ma fenêtre. On n’entendait rien au dehors qu’un très léger, très doux, très joli gazouillement d’oiseau dans un arbre, quelque part. Cet oiseau devait chanter ainsi, à voix basse, dans la nuit, pour bercer sa femelle endormie sur ses oeufs. Et je pensai aux cinq enfants de mon pauvre ami, qui devait ronfler maintenant aux côtés de sa vilaine femme. [/QUOTE]
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