Pendant dix ans, l’anthropologue David Graeber - décédé en 2020 - et l’archéologue David Wengrow, professeur à l’institut d’archéologie de l’UCL (University College de Londres) ont travaillé ensemble à une nouvelle histoire de l’humanité en prenant notamment en compte les plus récentes découvertes archéologiques. Le résultat est une somme de plus de 700 pages qui bouleverse nos convictions les plus ancrées sur l’histoire des trente derniers millénaires…
DAVID WENGROW.
ARCHÉOLOGUE
Dans leurs ouvrages, ces auteurs donnent l’illusion d’une forme de scientificité, mais ils font en réalité des simplifications et des raccourcis du type "avant l’invention de l’agriculture, c’était l’anarchie et le chaos". Ces thèses n’ont aucun fondement scientifique. Les preuves archéologiques montrent que l’histoire de l’humanité est beaucoup plus diversifiée et ne peut pas se résumer à une perspective construite sur la base d'une seule grille de lecture. Envisager l’histoire de l’humanité à travers ce prisme revient nécessairement à postuler l’existence d’une période idyllique et d’un moment précis à partir duquel tout aurait commencé à aller de travers, ce qui, au bout du compte, nous empêche de poser les questions vraiment importantes. Si l’on veut aller vers une représentation plus exacte et plus optimiste de l’histoire du monde, il faut abandonner une fois pour toutes le Jardin d’Éden et en finir avec l’idée selon laquelle l’ensemble des peuples de la Terre auraient choisi une seule et unique forme idyllique d’organisation sociale pendant des centaines de milliers d’années.
Certaines découvertes archéologiques récentes justifient, selon vous, une nouvelle version de l’histoire de l’humanité ainsi que l’abandon de certains mythes. Lesquels, par exemple?
Thomas Hobbes et Jean-Jacques Rousseau ont laissé deux versions célèbres de l’histoire de l’humanité, qui continuent d’être régulièrement reprises par des auteurs contemporains. Mais, ni la version de Rousseau – de petites sociétés égalitaires qui auraient laissé place, suite au développement de l’agriculture, à un âge inégalitaire –, ni la version de Hobbes – une guerre de tous contre tous –, ne nous paraissent satisfaisantes pour rendre compte de la trajectoire générale de l’humanité.Et, selon vous, des figures comme Yuval Harari, Steven Pinker ou Jared Diamond, alimentent ces versions trop simplistes de l’Histoire?
Ces théories propagent des contre-vérités scientifiques, en soutenant notamment l'idée d’une nature humaine originellement inégalitaire."Les théories de Harari, de Steven Pinker ou de Jared Diamond, propagent des contre-vérités scientifiques, en soutenant notamment l'idée d’une nature humaine originellement inégalitaire."
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ARCHÉOLOGUE
Dans leurs ouvrages, ces auteurs donnent l’illusion d’une forme de scientificité, mais ils font en réalité des simplifications et des raccourcis du type "avant l’invention de l’agriculture, c’était l’anarchie et le chaos". Ces thèses n’ont aucun fondement scientifique. Les preuves archéologiques montrent que l’histoire de l’humanité est beaucoup plus diversifiée et ne peut pas se résumer à une perspective construite sur la base d'une seule grille de lecture. Envisager l’histoire de l’humanité à travers ce prisme revient nécessairement à postuler l’existence d’une période idyllique et d’un moment précis à partir duquel tout aurait commencé à aller de travers, ce qui, au bout du compte, nous empêche de poser les questions vraiment importantes. Si l’on veut aller vers une représentation plus exacte et plus optimiste de l’histoire du monde, il faut abandonner une fois pour toutes le Jardin d’Éden et en finir avec l’idée selon laquelle l’ensemble des peuples de la Terre auraient choisi une seule et unique forme idyllique d’organisation sociale pendant des centaines de milliers d’années.