Extraits de l'interview du journaliste D. Thomson:
"Alexandre, Yassine, Clémence, Wilson, Jennifer ou Éric, des Français convertis à l'islam radical sur Internet, derrières leurs écrans d'ordinateur, et loin des mosquées. Ils ont tout quitté pour mener le djihad en Syrie. Certains sont passés par la Tunisie, un pays qui les a beaucoup intéressés entre 2011 et 2013, avant que les autorités tunisiennes ne serrent les vis, et que les réseaux djihadistes entre la France et la Syrie ne parviennent à mieux s'organiser.
Et parmi ces djihadistes, il y a aussi des femmes, des françaises et des ex-catholiques, qui se sont converties au "djihadisme" et qui n'hésitent pas à partir au front, avec leurs maris ou en cherchant, sur les réseaux sociaux, un "moujahid" pour pouvoir partir avec lui en Syrie ou le rejoindre là-bas...
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David Thomson: Souvent les djihadistes se considèrent comme convertis même s'ils viennent d'un milieu musulman. Car la plupart sont jeunes et ont une pratique qui est récente, quelques années, voire quelques mois. Ils ne découvrent pas forcément l'islam sur internet mais c'est l'obligation du djihad pour tout musulman qu'ils apprennent presque toujours sur le web, car en France, aucune mosquée n'apprend cela. (...)
En Tunisie, on a beaucoup parlé du "Jihad al niqah" (djihad du sexe) en Syrie, y compris les autorités. Dans votre livre, vous infirmez l'existence de ce phénomène, et vous qualifiez cette expression de "racoleuse et impropre". En revanche, vous affirmez la présence de candidates femmes au djihad en parlant d''un "Jihad matrimonial". C'est quoi au juste?
Le "djihad du sexe" n'a jamais existé ailleurs que dans les médias tunisiens ou les pro-Bachar Al Assad. Pour autant, de nombreuses femmes sont parties et continuent de partir en Syrie rejoindre les rangs de Jabhat al Nusra, branche officielle d'Al Qaïda ou de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL), sa branche dissidente. Car l'une des particularités du djihad en Syrie est d'être familial.
Les femmes qui rejoignent les groupes djihadistes ne servent pas d'esclaves sexuelles. Elles partent exactement pour les mêmes raisons que les hommes. Elles aussi espèrent vivre l'instauration du Califat tout en secourant des Syriens opprimés, et elles aussi veulent bénéficier des faveurs du martyr dans l'au delà. Mais à la différence des hommes elles ne peuvent se rendre en Syrie qu'à travers le mariage. Soit en étant déjà mariées avec un aspirant moujahid sur le point de partir au djihad. Soit en obtenant à distance, souvent via les réseaux sociaux, une promesse de mariage d'un moujahid qu'elles n'ont jamais vu mais qui est déjà sur place.
Une fois arrivées, elles apprennent à se servir d'une arme pour le cas où elles devraient se défendre mais elles ne combattent pas. En Syrie, elles s'occupent de leur foyer et élèvent leur enfant dans l'amour du djihad. Elles sont aussi très actives sur internet, elles incitent d'autres femmes à les rejoindre en Syrie. (...)
Le retour des djihadistes de Syrie inquiète beaucoup aussi bien en Tunisie qu'en France. Est-ce qu'ils sont réellement prêts à commettre des attentats contre leur pays ?
Sur ce point, le discours n'est pas le même suivant le groupe auquel on s'adresse. Parmi les Français qui combattent sous la bannière de Jabhat al Nusra qui est pourtant la branche officielle d'Al Qaïda, aucun, parmi ceux que j'ai interrogé ne souhaite pour le moment revenir dans son pays d'origine pour y mener une opération armée. Leur priorité est actuellement le combat contre le régime de Bachar al Assad. En revanche, parmi ceux de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), beaucoup affichent clairement leur intention de revenir en France pour y mener des actions armées de djihad individuel à la manière de Mohamed Merah , contre des cibles institutionnelles et civiles."
Interview complète:
http://www.huffingtonpost.fr/2014/03/11/francais-djihadistes-interview-david-thomson_n_4939323.html