L'essor inouï de la principauté de Dubai, 1,5 million d'habitants semblait garanti à vie sous la douce lueur de la patine de la couronne de Cheikh Mohammed, le souverain de ce mouchoir de poche. Dubaï, c'était l'histoire d'une volonté sans faille, celle de ce prince au maintien droit enseigné dans une école d'officiers britannique.
Le dixième représentant de la dynastie bédouine Maktoum était le tenant d'un islam tolérant et moderne. D'ailleurs, les pubs, il y en avait partout. Le whisky coulait à flots dans les cinq-étoiles rangés sur Sheikh Zayed Road, l'artère principale. La "jeune sauterelle", l'une des significations de Dubaï en arabe, était devenue l'ombilic de l'Angleterre, donc de la planète.
Les stars du foot, du tennis, de la formule 1, tout comme les vedettes de cinéma, avaient payé en liquide l'achat de leur propriété sans avoir à dévoiler l'origine des fonds. Le dérapage n'était jamais loin, mais qu'importe. Car comme l'avait écrit à l'époque l'historien Paul Kennedy dans nos colonnes : "Les Etats du Golfe, avec lesquels les Britanniques négociaient jadis des traités leur concédant privilèges et protection, sont devenus aujourd'hui des pays fiers et ambitieux."
Depuis le 25 novembre et l'annonce du moratoire du remboursement de la dette de deux sociétés phares, Dubai World et Nakheel, le rêve dubaïrote s'est transformé en cauchemar pour la City. La Financial Services Authority, la tutelle des marchés financiers d'outre-Manche, a demandé d'urgence aux banques sous sa supervision l'ampleur de leurs financements du boom immobilier dubaïrote. Les grandes banques, Standard Chartered et HSBC, ainsi que la Royal Bank of Scotland ont massivement prêté aux promoteurs immobiliers pour faire sortir de terre les gratte-ciel comme des champignons après la pluie. Les expatriés sont, de nos jours, dans leurs petits souliers, pas tranquilles pour un dinar.
Pour une surprise, la faillite de Dubaï en est une. Amère pour les uns. Divine pour d'autres. Les agences immobilières de luxe londoniennes se frottent les mains. Dans la capitale britannique, à travers l'un de ses fonds souverains, Isthithmar, Dubaï possède d'impressionnants buildings qui marquent dans la pierre l'empreinte de l'ex-empire, notamment à Trafalgar Square ou sur le Strand.
"Si l'émirat doit vendre pour rembourser ses créanciers, cela va augmenter l'offre qui est aujourd'hui très faible alors que la demande de biens haut de gamme, encouragée par la livre basse et le niveau peu élevé des taux d'intérêt est soutenue", se félicite Chris De Pury, associé de l'agence Berwin Leight.
L'émirat est aussi l'un des principaux actionnaires de la Bourse de Londres, de la banque Standard Chartered, du Musée de cire Madame Tussauds, de la grande roue London Eye et de la chaîne hôtelière Travelodge.
Sans parler des ports de Londres et de Southampton qui pourraient également figurer dans "la vente du siècle".
Goodbye Dubaï ?
Source: Le Monde d'aujourd'hui