Mobilisées depuis trois mois à Montpellier, des mères d’élèves d’origine marocaine dénoncent une ghettoïsation scolaire. Et commencent à être entendues par les autorités.
«Non au ghetto, oui à la mixité.» Tracé sur un grand drap bleu accroché aux grilles de l’école élémentaire Joseph-Delteil, le message est immanquable. Le long de l’établissement s’étirent d’autres slogans : «L’avenir pour nos enfants», «Pas de fatalité». Les tissus se trouent, les lettres s’effacent, mais les revendications restent. Au Petit Bard, un quartier populaire d’environ 6 000 habitants situé dans le nord-ouest de Montpellier (Hérault), les mères d’enfants scolarisés dans deux maternelles et deux écoles primaires (classées en Réseau d’éducation prioritaire renforcé) se battent depuis trois mois pour obtenir davantage de mixité. «Ces quatre écoles réunissent environ 600 enfants, tous d’origine marocaine, à l’image de la population du Petit Bard, presque exclusivement originaire du Maroc, témoigne Safia, l’une des mères engagées dans ce combat. Valls avait dénoncé l’apartheid social : alors on a saisi cette perche et on ne la lâchera plus. On veut que nos enfants, citoyens français, soient considérés et éduqués comme les autres. Comment voulez-vous qu’ils se sentent Français alors qu’ils grandissent exclusivement entre eux ? On aimerait bien que, sur les photos de classe, il y ait des petits blonds ou des petits roux assis à côté d’eux.»
Safia, Fatima, Malika, Haïcha ou Khadéja parlent d’une seule voix. Aucune ne revendique de leadership. Engagées dans une même lutte, témoignant d’un parcours similaire : nées au Maroc, mariées, mères au foyer, musulmanes pratiquantes, voilées. Certaines ont travaillé avant de se consacrer à leurs enfants, comme Fatima, «quatorze ans d’expérience dans le ménage». D’autres ont suivi des études secondaires, à l’instar d’Haïcha : «J’étais en comptabilité. Quand mes deux enfants seront plus âgés, je chercherai du travail. Mais je n’ai pas trop envie qu’ils grandissent ici.» La plupart de ces femmes vivent depuis leur enfance au Petit Bard, arrivées gamines au bras de leurs parents. «Avant, c’était mieux, raconte Khadéja. Il y avait une église, un boulanger, un tabac-presse… Des Asiatiques, des Africains, des Français, d’autres gens vivaient ici. Les instituteurs habitaient le quartier. Et puis ces gens-là ont déménagé : on n’a pas fait attention mais, peu à peu, il n’y avait plus que des Marocains. Notre génération a connu la mixité à l’école, pas nos enfants.»
Terrain miné
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